Tunisie: Comment fonctionne l’IGSN
Incivilité, abus, laxisme, agressions morales, mauvais traitement et esprit de démission : le registre des plaintes déposées met en lumière diverses pratiques. Difficile de faire changer, en si peu de temps, les mentalités de divers corps de police. La sensibilisation quant aux abus de pouvoir et la vulgarisation des valeurs universelles et des droits humains s’imposent à tous les niveaux de la formation dans les écoles de police et dans la pratique quotidienne. Taoufik Bouaoun ambitionne de contribuer à «républicaniser » la fonction sécuritaire en la recentrant autour de valeurs et en l’adossant à une charte d’honneur.
Pas moins de 4 000 à 5 000 dénonciations (on parle désormais de signalements) parviennent chaque année à l’IPGN. Plus de la moitié sont anonymes, mais toutes sont prises au sérieux, il faut bien les traiter. Si certaines s’avèrent non fondées, d’autres déclenchent des procédures approfondies et aboutissent devant le Conseil d’honneur. Formé des représentants de toutes les directions générales de la Police, il se réunit chaque semaine pour examiner les dossiers traités par l’IGSN et proposer au ministre de l’Intérieur les sanctions qui s’imposent.
La saisine de l’Inspection s’opère à partir de diverses sources : les plaintes des citoyens, les ordonnances administratives et judiciaires, les rapports des chefs hiérarchiques et autres. Atteintes aux personnes ou aux biens publics, violation des règles administratives et des obligations professionnelles, abus de pouvoir, manquement à l’obligation de neutralité, et autres motifs de divers ordres, dûment avérés, sont poursuivis. Après enquête et interrogatoire, les agents incriminés prennent connaissance des faits qui leur sont reprochés et ont le droit de se faire assister par un avocat pour leur défense.
Les sanctions sont classées en 3 degrés : le 1er degré se limite à des blâme et avertissement. Le deuxième degré prononce un arrêt de 3 à 6 mois, alors que le troisième degré est celui de la révocation avec, dans certains cas, traduction devant la Justice. «Rien que durant les huit premiers mois de 2015, pas moins de 47 révocations ont été prononcées, indique à Leaders Taoufik Bouaoun : quinze pour atteintes physiques, 11 pour abus de pouvoir et 4 pour manque d’impartialité ».
L’année 2014 s’était soldée par 71 condamnations, ce qui risque d’être dépassé, fin 2015. Mais l’Inspecteur général n’a pas peur de ces statistiques. « Autant on déplore cette hausse, autant on y voit une marque de cnfiance des citoyens dans l’IGPN et un signe de traitement approfondi par les inspecteurs des différentes plaintes reçues ». Une grande purge à faire, nécessairement, mais aussi un effet dissuasif qui doit fonctionner.
Restaurer la confiance
Le respect mutuel et la confiance réciproque sont érigés en pierre angulaire du troisième chantier ouvert par l’IGSN. « La fonction sécuritaire doit s’exercer en faveur du citoyen et du pays, rappelle Taoufik Bouaoun, d’où l’importance des relations de qualité que citoyens et forces de sécurité doivent entretenir en commun. Sans l’appui des citoyens, l’action sécuritaire ne peut s’accomplir avec succès. Les Tunisiens doivent faire confiance à la Police et l’aider dans sa mission. Les forces de sécurité, de leur côté, ne doivent jamais oublier qu’elles sont au service des Tunisiens. Chacun de son côté doit s’inscrire dans cette relation citoyenne ».
Dans cette reconquête de la confiance des Tunisiens en leur Police, une plateforme multicanal pour la réception des signalements est envisagée à l’IGSN. Jusqu’où ira-t-on : une ligne téléphonique gratuite, une ligne fax, une adresse émail ? Cela reste à préciser.
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