Les entreprises de presse en danger: Au nom de qui parlent les médias?
Si les journalistes tunisiens sont de plus en plus libres, les médias, déficitaires pour la plupart, risquent de devenir de moins en moins capables de défendre leur indépendance et de garantir leur pérennité. Pas d’entreprises de presse rentables et prospères, donc pas de journalisme de qualité et de pluralité d’opinions. Des entreprises suffisamment capitalisées, structurées autour d’organigrammes et de manuels de procédures précis, encourageant les talents et leur offrant rémunérations conséquentes et conditions de travail appropriées. Toute la problématique est là. Comment assurer cette rentabilité, comme pour toute autre entreprise ? Comment sauver les médias ?
La grande question est de savoir au nom de qui parlent les médias ? La réponse est, à première vue, évidente : de ceux qui les payent ! Les lecteurs (pour la presse écrite)? Ils sont de moins en moins nombreux et le prix du journal ne suffit plus à couvrir les frais du papier et de l’impression. Quant aux auditeurs et téléspectateurs, la redevance réglée avec la facture de la Steg ne bénéficie qu’aux médias publics, et demeure insuffisante. Les annonceurs? Il va falloir les chercher à la loupe, leurs budgets se rétrécissent. Les pouvoirs publics ? Aux abonnés absents? Les mécènes, y compris les promoteurs d’entreprises de presse et les actionnaires ? Merci de les signaler si vous en connaissez ? Reste alors les influenceurs entre partis politiques, corporations et lobbyistes. Alors, adieu la liberté de la presse et son indépendance, bonjour la propagande !
Qui se soucie encore de ce secteur économique et de ce levier de la culture et de la démocratie ? Encore moins l’Etat ! Le mal est profond. Etiolement du lectorat, fragmentation de l’audience, tarissement des investissements publicitaires, augmentation des charges et absence d’une aide de l’Etat ciblée et équitable assorties d’avantages fiscaux, en sont les principaux maux.
Un investissement très risqué
Investir aujourd’hui dans les médias, en garantissant l’indépendance, la liberté et le professionnalisme, s’avère une aventure risquée, bien plus que dans d’autres secteurs. L’embellie du 14 Janvier a donné espoir, laissant fleurir pas moins de 55 nouveaux titres de presse, entre quotidiens (2), hebdomadaires (31) et autres périodiques (55). Le tiers seulement parmi eux (31) continuent à paraître, cahin-caha. Le taux de mortalité est ainsi très élevé. Ceux qui restent en kiosque font de la résistance. A quel prix ?
Conséquence immédiate, réduction des effectifs journalistiques et de production de contenus permanents (et freinage des primes incitatives), voire licenciements, recours à des pigistes sans exigences rigoureuses et à des conditions précaires, compression drastique des charges, détérioration des conditions de travail et désorganisation des organigrammes et procédures.
Le premier à en pâtir, c’est le public qui n’arrive pas à bénéficier toujours et dans tous les médias d’informations, analyses et reportages de grande qualité. Mais aussi les journalistes qui sont frustrés de ne pouvoir exercer pleinement leur mission et faire valoir leurs talents. Et, en fin de boucle, les promoteurs d’entreprises de média qui ne récoltent pas un retour sur investissement significatif. Seuls risquent de se maintenir — mais jusqu’à quand ?— les médias bénéficiant d’un soutien financier occulte conséquent. A quel prix quant à leur indépendance?
Leaders ouvre ce grand dossier en interrogeant patrons de presse, journalistes, syndicat des journalistes et Haica. Certains ont été réticents, d’autres ont bien voulu répondre à nos questions. Mais la plupart des patrons de presse ont souhaité rester discrets sur leurs indicateurs financiers et, pour la presse écrite, leur tirage.
Au premier plan des préoccupations figurent l’obsolescence de la réglementation en vigueur, l’inexistence d’une aide équitable de l’Etat à la presse, le tarissement des ressources publicitaires, l’inadéquation de la formation, les difficultés de la diffusion et l’organisation de la profession. Une question centrale se pose avec acuité : quel rôle joue le gouvernement dans la modernisation du secteur et son essor?
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Problème capital dans un pays qui a choisi la démocratie et la liberté d'expression. Même si l'auteur ne propose aucune solution et aucune alternative possible et efficace,, son analyse met les médias en face d'un d'un dilemme: 1) Ou s'enfoncer encore davantage dans la spirale capitaliste du profit. Or vu les limites des capacités financières de ceux qui financent les médias privés, le risque est qu'ils se précipitent dans fuite en avant. Ils seront obligés de transformer leur média (Journal.TV. Radio.Internet) en espace publicitaire à 90% au détriment de la qualité des informations et de la qualité culturelle. Les journaux deviendront des feuilles de choux à scandales (yellows pages). Les radios deviendront des station de bavardage permanents et les chaine TV se noieront dans les émissions sordides de téléréalité. 2) Ou subir l'intervention de l'Etat. Et la adieu la liberté d'expression et la qualité. En définitive il y a un danger plus grand: Que les médias se vendent à bas prix aux mastodontes des médias occidentaux(surtout Français) qui les transformeront en officines de publicité pour nous transformer en zombis de la consommation, et en outils de propagande pour leur idéologie libérale