J’ai tourné, j’ai zoné, et j’ai perdu mon temps !
Ils ont mitraillé les alentours de leurs rues d’une rafale de protestations en ébullition. Des protestations aux allures d’inextinguibles bûchers. Et pourtant ! L’objet de ces protestations était le même que d’il y a cinq ans ! L’emploi et rien que l’emploi. Les jeunes et les moins jeunes, les diplômés et les moins diplômés n’en ont cure des mouscailles que connait le gouvernement actuel à créer de l’emploi et absorber cette colère qui gronde dans les régions intérieures, qui plus est. Les sourires glucosés et les bourrages dans les cheveux à chaque passage d’officiel lors de divers cérémonials ne comblent plus les ventres vides et les esprits révoltés. Les discours porteurs de promesses creuses sonnent davantage le glas de la fin d’un gouvernement que d’une véritable planche de salue. Habib Essid et ses pairs sont au pied du mur. Certains crieront : saloperie de révolution!
La grogne a repris de plus belle et les rues des villes martyres s’abâtardissent. Il suffit de l’attente, les jeunes diplômés revendiquent, insistance sous les langues, que le gouvernement leurs pioche du travail. Le chômage n’a que trop duré et les promesses tardent à se concrétiser. Et les partis politiques, aujourd’hui au pouvoir, hier haut parleur du peuple en soif d’améliorations et de progressions, ne pipent mot et ne bougent d’un iota. Les hommes politiques envahissent les plateaux télévisés et radiophoniques, les colonnes des journaux ne sont pas en reste. Ils comprennent la grogne, la colère et l’ire des populations des régions paumées : Kasserine, Sidi Bouzid, Tozeur, et j’en passe. Les hommes politiques entendent parfaitement que les jeunes chômeurs languissent après l’autel des sacrifices et qu’il n’en est rien. Mais cela ne va pas au-delà de la compassion, d’un soutien moral par les laïus, et d’une critique acerbe à l’endroit des gouvernants car manquant à leurs devoirs.
Une batterie de mesures a, cependant, été décidée par la présidence du gouvernement. Encore un sujet à controverse, à polémique et à aiguiser le feu des protestations. Le président de la République se dit, à son tour, solidaire et compréhensif des revendications légitimes des jeunes des régions défavorisées. Des paroles données sur fond d’entrain lyrique et de timide mine.
Que faut-il faire ? Comment s’en sortir ? L’Etat va-t-il s’effondrer?
J’ai tourné, j’ai zoné et j’ai perdu mon temps. Voilà ce qu’un jeune chômeur des régions défavorisées pourrait nous dire. Voilà ce qui aurait pu le pousser à gagner les rues mais autrement. Néanmoins, ce jeune chômeur à l’image de plusieurs centaines d’autres, n’a-t-il pas un jour réfléchi à prendre sa vie en main ? Ne pas se claquemurer dans sa passivité et goûter malhonnêtement au statut de consommateur seulement ? Et si la solution germait, à juste titre, dans les réflexions communes de ces jeunes chômeurs ? Piste à explorer. Pourquoi attendre que d’autres, aussi compréhensifs de l’état d’âme et de l’état d’esprit de ces jeunes chômeurs, retroussent leurs manches et extraient de l’emploi ? Pourquoi veulent-ils à tout prix disputer la vedette de l’apathie au gouvernement?
Alors voici le topo : ne plus attendre que les gouvernants passent de l’étape de la compassion à celle de la concrétisation et se gratifier de l’opportunité de créer son propre emploi. Il est on peut plus concevable qu’il n’est pas des aptitudes de tous que d’avoir la fibre entrepreneuriale. Soit ! Et qu’à cela ne tienne. Alors que ceux qui en ont s’associent avec ceux qui n’en ont pas et se complètent pour créer un emploi, puis deux, puis trois, jusqu’à ne plus pourvoir en compter sur les doigts des deux mains. Que ceux qui se sont déjà lancé dans l’aventure de l’entrepreneuriat privé ouvrent leurs portes aux jeunes chômeurs et les guident sur cette voie, certes acariâtre mais forcément fructueuse vers la fin. Ce ne sont pas les idées qui manquent. Voyez du côté Nord de la Méditerranée, les Français ont fini par comprendre que la crise est au devenant chronique et qu’il est bien temps de passer à une alternative porteuse : l’économie participative ! Un concept qui se développe à grande vitesse et ne craint pas de devenir un système économique à part entière.
Et puis, il y a les partis politiques. Ils devraient servir à autre chose que nous concocter des théories politiciennes et formuler des positions pas grandement confortables sur la scène politique nationale. Les partis politiques, il est temps de prendre les responsabilités qui leur incombent : encadrer, soutenir, assister, accompagner, former ces jeunes chômeurs. Qu’ils gagnent une certaine confiance en leurs «profiles» pour investir le marché du travail à grands fracas et non pas tempête sous crâne. Les partis politiques devraient faire office d’organisme d’encadrement à l’endroit de ces jeunes chômeurs sans qu’ils ne soient un simple jouet électoral.
Yassmina Khadra a écrit : « l’Histoire nous prouve régulièrement que nos drames sont en nous ». Voilà qui est dit. Sous les offices du gouvernement de Habib Essid, il semblerait que nos gouvernants soient trop piètres pour assumer une telle charge. Peut-être seraient-ils congrus à une autre situation, une autre époque, mais pour l’heure, il n’est plus question d’attendre. Arrêtez de tourner, arrêter de zoner et de perdre votre temps ! Bougez et faites bouger les choses ! Il ne tient qu’à vous, « jeunesse dorée » de la Tunisie !
Nadya B’chir
Journaliste indépendante
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Développer l'attitude participative? Facile a dire? Parce que plusieurs obstacles peuvent faire échouer cette solution: 1) Le manque de motivation de beaucoup de jeunes qui n'ont pas été éduqués ni formés à l'effort.C'est pourquoi beaucoup d’entre-eux ne cherchent qu'un travail dans l'Administration publique (Sécurité de l'emploi + Travail facile). 2) Manque de qualification et de compétence de certains diplômés du supérieur, à cause d'un système d'enseignement plus théorique que pratique. 3) Manque de volonté, de compétence du pouvoir qui doit satisfaire avant tout sa clientèle (la classe moyenne) laquelle ne cherche que le profit facile. 4)L'absence d'autorité du pouvoir qui à peur de la réaction des partisans de la liberté, de la démocratie et des droits de l'homme.