Habib Touhami: L’emploi face à la surenchère médiatique
Phénomène de mode ou prise de conscience tardive des dangers sociaux qui guettent le pays, les propositions en faveur d’une diminution rapide du taux de chômage fusent de partout. Certaines sont farfelues, d’autres moins, mais elles entrent toutes dans la logique de ce qu’on peut appeler « une politique d’encouragement à l’emploi » et épousent, consciemment ou non, la thèse selon laquelle puisque il y a pénurie de l’emploi, il faut partager le travail. Or il n’y a pas de pénurie ou alors il faut considérer comme satisfaits tous les besoins humains en produits et services, thèse fausse, régressive, antisociale et foncièrement malthusienne.
Laissons de côté dans ce qui suit ce qui revient à la demande d’emploi et à son profil dans l’aggravation du chômage pour souligner quelques insuffisances propres aux politiques de l’emploi telles qu’elles sont conçues et appliquées.
1. Les politiques de l’emploi ont tendance à augmenter le nombre d’employés et non pas le nombre d’emplois. La nuance semble échapper au sens commun et plus encore aux décideurs politiques et à ceux qui jettent sur la place publique des propositions inconsidérées. Or il y a bien des emplois qui alimentent la croissance et d’autres qui la vampirisent. Pour être encore plus abrupt, disons qu’à ce niveau, il y a bien de « bons emplois » et de « mauvais emplois ».
2. Ces politiques ont généré des charges supplémentaires, soit sur les finances publiques, soit sur les coûts de production, ce qui revient, dans le premier cas, à réduire les marges de manœuvre de l’Etat quant à ses interventions dans le champ économique ou pire à l’endetter, et dans le second à agir négativement sur l’autofinancement et le développement des entreprises. De surcroît, les mesures d’allègement des charges créent vite des zones de rendement décroissant annihilant graduellement les bienfaits attendus de ce type de mesure.
3. Au regard du développement régional, les politiques de l’emploi ont contribué à l’accentuation des déséquilibres régionaux. En effet, les mesures prises dans ce cadre ont bénéficié très largement aux régions développées et ont encouragé l’emploi dans le tertiaire dans les régions les moins développées au point d’y fragiliser l’emploi non administratif existant. Or le problème fondamental des régions les moins développées réside essentiellement dans l’insuffisance d’emplois salariés dans le secondaire structuré.
En matière d’emploi l’apparent prend le pas sur le réel selon l’expression juste d’Alfred Sauvy de sorte que l’on ne prend suffisamment pas conscience que l’emploi n’est en quelque sorte que le passif par rapport à l’activité économique. Pour améliorer la situation l’emploi, il faut donc accroître la capacité productive et non pas le contraire. Toute autre conception des interrelations emploi-économie ne constitue in fine qu’un raisonnement à l’envers et une entrave sérieuse à l’amélioration durable, quantitative et structurelle de l’emploi.
Habib Touhami
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