Habib Touhami: Un problème politique mal posé
Des voix s’élèvent pour exiger la dissolution de l’ARP et la tenue d’élections législatives anticipées, alors que d’autres appellent carrément à la démission du gouvernement. C’est méconnaître les origines du mal politique qui ronge la Tunisie que de poser le problème dans ces termes. Si des élections anticipées sont organisées sans que le mode de scrutin aux législatives ne soit remplacé par un mode majoritaire uninominal à deux tours, les élections aboutiront exactement à la même configuration politique lénifiante et destructrice que le pays connaît depuis 2011 quand bien même pourrait-on observer à cette occasion un déplacement du centre de gravité de la coalition appelée à gouverner vers la droite ou vers la gauche. Il n’existe en effet aucune chance pour que la proportionnelle de liste puisse dégager une majorité parlementaire stable et responsable et il n’existe pas davantage de chance de voir les coalitions politiques et gouvernementales se constituer dans la clarté et la transparence, sans chantage des petits partis charnières et sans inflation ministérielle.
Si le gouvernement actuel est remplacé par un autre sans que les dérives de la double mainmise qu’exercent sur lui la présidence de la République et l’ARP ne soient corrigées, cet autre ne sera en fin de compte qu’un clone du gouvernement précédent quand bien même devrait-il réunir des femmes et des hommes d’une envergure supérieure. Aucun gouvernement ne peut se battre concomitamment contre le terrorisme, le marasme économique, le chômage, le laisser-aller administratif et citoyen, les trafics en tous genres et les fuites fiscales et sociales avec des chances de l’emporter si certains moyens, légaux je le précise, ne lui sont pas octroyés, et d’abord le moyen de gouverner par ordonnance pour une période déterminée.
Face à une situation exceptionnelle et hors norme, les hommes, les moyens, les décisions à prendre et le mode de gouvernement devraient être exceptionnels et hors norme, eux aussi. Ce n’est pas ce qui prévaut actuellement dans le choix des gouvernants ni même dans les attentes de la majorité de la population. Pire, parmi ceux que les Tunisiens positionnent comme détenteurs du destin du pays, certains ne se gênent pas d’agir ouvertement avec cynisme, alors que d’autres se conduisent ostentatoirement comme les «immigrés» revanchards de la Révolution française, rentrés au pays dans les bagages de «l’étranger» avec pour objectif de saigner leurs compatriotes à blanc et d’exiger encore plus de faveurs et de considération.
Dans ces conditions, que l’ARP soit dissoute ou non, que le gouvernement soit renvoyé ou pas, le problème politique du pays ne sera pas résolu pour autant puisque le mode de scrutin aux législatives et le cadre institutionnel continueront à faire obstacle à tout changement réel dans la représentation politique et le type de gouvernement.
H.T.
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