Le commissaire aux comptes: gendarme ou conseiller ?
En ces temps de crises, une avalanche de textes législatifs et réglementaires est venue, partout dans le monde, combler le vide des périodes d’euphorie.
Après les folles années de la fin du siècle dernier, les législateurs, ont mis sur les rails un arsenal juridique sans précédent, pour contenir les débordements de tous ordres imputés à l’existence à un défaut de réglementation, bancaire principalement.
Pointée du doigt, l’abrogation, aux USA en 1999, de la loi Glass Steagall qui a permis aux banques de s’adonner à des activités multiples, allant de l’intermédiation, à celles de "Private equity". En multipliant l’innovation dans les produits nouveaux, pour saucissonner le risque de bilan, elles en ont créé de bien plus importants, notamment ceux, ravageurs, des "subprimes ".
Une réglementation multiforme a vu le jour, succédant aux scandales Enron, Parmalat, Tyco, Worldcom du début de la décennie et se prolongeant jusqu’à nos jours, accentuée par la peur d’une crise systémique au lendemain des événements telluriques du dernier trimestre 2008, dont la planète finance appréhende encore et avec effroi la réplique.
De nombreuses lois ont vu le jour, dans tous les pays, et en premier lieu, dans ceux les plus affectés par les derniers événements économiques et financiers.
La loi Sarbanes Oxley, est devenue une référence, suivie par une floraison de lois et règles, de toutes obédiences, dans de très nombreux pays, poussés par le nécessaire alignement, que la mondialisation réclame.
Bien évidemment, et comme d’habitude, en ce genre de circonstances, la recherche du bouc émissaire est l’exercice le plus facile et le plus prisé.
La déception Enron a mis la pression sur les auditeurs qu’ils soient contractuels ou légaux, les commissaires aux comptes, tenus pour responsables de toutes les déconfitures, de Enron bien évidemment (Oh Arthur Anderson !), et de toutes les autres.
Ils sont une proie facile et muette, tenus qu’ils sont au secret professionnel, ils ne peuvent répliquer aux allégations, en tous genres, qui portent atteinte à leur honneur et à leur devoir de professionnels.
Certes, des faiblesses peuvent exister ici ou là. Nul n’est infaillible. Mais en miroir, combien y a-t-il de cas d’exercice irréprochable du mandat de commissaire aux comptes ?
En fait, le débat qui accompagne les lois nouvelles tourne autour de la nature de la mission du commissaire aux comptes, dont beaucoup veulent qu’ils soient un "gendarme des entreprises" alors que d’autres le préfèrent dans un rôle de conseiller.
Gendarme ou conseiller, ange ou démon, qu’en est il exactement ?
Il peut être tout cela, à la fois, ou successivement, cela dépend de la manière dont on le regarde, dont on le souhaite, dont on l’abhorre !
Gendarme des entreprises? Oui, assurément, mais il n’est pas le seul à remplir cette fonction ! Et sa tâche ne se résume pas à cet aspect coercitif !
L'exigence d'une information fiable
L’objectif principal du mandat du commissaire aux comptes est de donner un avis sur les informations financières établies par les entreprises.
Il s’agit essentiellement, de celles contenues, dans les états financiers (bilans, comptes de résultats etc.) et qui donnent aux actionnaires et aux tiers concernés une information sur le patrimoine de l’entreprise et sur ses performances durant une période donnée.
Cet avis, d’un expert extérieur à l’entreprise, qui par ailleurs n’est en aucune manière associé à sa direction, et qui est contenu généralement dans une ou deux pages, n’est pas une information anodine ou neutre, c’est un engagement du commissaire aux comptes en termes de responsabilités professionnelle, civile, voire pénale, sur ces informations essentielles.
De cet avis peuvent dépendre des décisions d’une importance cruciale, pour ceux qui les prennent : Participation dans l’entreprise, rachat, partenariats de formes diverses etc.
L’exigence d’une information fiable est sacro sainte, car elle est le véhicule de la confiance sans laquelle les relations économiques sont altérées.
Les dirigeants d’entreprises peuvent, en certaines circonstances, être tentés de prendre des libertés avec cette exigence.
C’est dans ces moments que doit s’affirmer le double rôle du commissaire aux comptes: Le gendarme inflexible sur les principes et le conseiller convaincant.
Inflexible sur les principes, pour ne pas permettre que les tiers concernés, soient lésés par une information contestable, et convaincant dans son explication de texte en faisant comprendre : Que jouer avec l’information c’est s’exposer soi-même à l’effet boomerang d’un tel exercice.
Car, qu’on le veuille ou non, les dirigeants de l’entreprise payent toujours "cash", leurs "arrangements" avec l’information financière.
Dés lors qu’ils se livrent à de telles pratiques, ils donnent à d’autres, au sein même de leur entreprise, un exemple dont ils pourraient s’inspirer.
Les cadres apprennent vite les leçons de leur dirigeants et peuvent les appliquer à des fins identiques : Améliorer, ou lisser leurs propres résultats, ceux de leurs départements, pour leur seul bénéfice.
Il y va de la culture dominante au sein de l’entreprise, dont les plus hauts dirigeants donnent le la.
Par ailleurs, dans un monde où l’opinion est devenue un juge intraitable, ces pratiques, qui ne restent jamais longtemps ignorées, peuvent exposer les entreprises à un risque pénalisant de réputation et d’image,
Ainsi donc le commissaire aux comptes peut réaliser d’une pierre deux coups: Etre un gendarme utile et un conseiller convaincant.
Bien évidemment, il n’est pas le seul à assumer cette mission au service de la fiabilité de l’information, il doit jouer collectif dans son rôle de conseil, qu’il exprime dans sa lettre de direction, en aidant l’entreprise, par exemple, à favoriser l’émergence, et la consolidation, de structures complémentaires : Le comité d’audit, le département de gestion des risques, celui de la sécurité des systèmes d’information, en un mot de tout ce qui contribue à la pratique d’une bonne gouvernance.
La mise en oeuvre de structures organisationnelles performantes
Le commissaire aux comptes, en tant que tel, n’est certes pas un organisateur des structures des sociétés, exercice complexe qui nécessite une ou plusieurs interventions spécifiques, d’experts spécialisés.
Il reste, que dans l’exercice de sa mission, il peut, dans le cadre de son examen obligatoire des procédures de contrôle interne en vigueur, localiser les zones de risques et de faiblesses, que ce soit dans les procédures de protection des actifs de la société, celles de transmission et d’application des instructions de la direction, ou enfin celles relatives à la gestion des risques inhérents à des défauts de la sécurité des systèmes d’information. Et être, conséquemment, un élément déclencheur et incitatif, dans la mise en œuvre des processus organisationnels, auquel sa connaissance de tous les rouages de l’entreprise, confère une autorité et une influence utiles auprès de ses organes dirigeants.
Pour cela, il faudrait que son comportement soit empreint d’une conscience, qui lui permet de transcender son rôle implicite d’auxiliaire de la justice.
Il doit, pour cela, veiller à ce que son action ait pour but de prévenir l’entreprise contre elle-même et pour elle-même : Etre un partenaire qui prévient, et qui œuvre pour que l’entreprise se mette à niveau, et non celui qui vient, après coup, établir le procès verbal des dommages.
Il est important de rappeler cette vérité simple, pour le commissaire aux comptes,: Travailler, en partenaire ce n’est pas faire preuve d’allégeance ou de soumission à l’entreprise, et ce n’est pas aliéner son indépendance.
C’est simplement faire œuvre utile, pour l’entreprise elle-même et pour l’environnement économique, qui regarde, parfois, le commissaire aux comptes comme un mal nécessaire, et non comme le conseil, certes indépendant, mais surtout utile, à l’amélioration de la performance de l’entreprise, dans la transparence et la bonne gouvernance.
Conclusion
L’avalanche, des dernières années, des textes régissant le droit des sociétés n’a pas épargné le commissaire aux comptes.
Sa mission dont l’objectif premier, est la certification des comptes, a été étendue significativement jusqu’à inclure des tâches nouvelles touchant, notamment, à la divulgation dans ses rapports, des infractions et des rémunérations des dirigeants et mandataires sociaux, généralement du ressort des organes dirigeants.
Mais cela ne change rien à l’essence de sa mission et de son statut de boussole exigeante et de conseil indépendant auprès des entreprises.
Dans les normes générales d’audit, qui sont le credo du commissaire aux comptes, il y a les trois expressions suivantes qui résument, me semble t-il, tout ce qui vient d’être écrit: Science, conscience, indépendance.
MOURAD GUELLATY
- Ecrire un commentaire
- Commenter
Ce metier et plutot mal percu par les entreprise : A commencer par leur mode de retribution ( bareme , la regle de concurrence ne s'applique pas) les commissaires aux comptes sont assimilés par l'entreprise a des auxilaires de l'administration fiscale , qui imposent les entreprise a recourir à leur services, fixe leur honoraires en defi de la régle élemntaire de concurrence . Leurs honoraires s'apparentent a une taxe qui ne dit pas son nom. Imposés a des entreprise de petite taille (10 personnes CA: 100 .000dt) petite ce metier souffre aux yeux de PME d'un probleme de légitimité. Parler de leur efficacité , peut etre mais il y'a Batam et autres cas
bonjour , svp je peu avoir une idée concernant la bonne gouvernance d'entreprise comment jugez-vous que cette entreprise a une bonne gouvernance c'est a dire est ce qu'il existe des indicateurs ou des instruments pour demontrer que cette entreprise à une bonne transparance au niveau du systéme d'information intérne ou extérne ?? et svp c'est quoi la gouvernance a votre avis ?? MERCI. avec tous mes respect
belle ode au metier...
M. Guellaty nous donne là une leçon de ce que devrait le Commissariat aux comptes. Il prend de pseudo-rêves pour des réalités et en particulier il n'est un gendarme ni un auxiliaire de la justice. Il joue le rôle que lui a confié le législateur à savoir fournir une opinion sur les comptes et au passage donner une opinion, si tant que ce soit nécessaire, sur le système de contrôle interne. Aller au delà c'est menacer indirectement les entreprises qui recourent à ses services s'il leur prenaient jamais à l'esprit de ne pas renouveler son mandat. M. Guellaty joue très bien son rôle, l'expérience et la corruption aidant.