Opinions - 25.09.2016

Oasiens, mes amis... Qu’avez-vous fait de votre sport si distinctif ?

Oasiens, mes amis... Qu’avez-vous faits de votre sport si distinctif ?

Il y a quelques jours, le journal télévisé a enregistré les plaintes de phœniciculteurs gabésiens parlant de la décrépitude de leurs palmeraies et de son mauvais entretien au point d’arriver à une oasis qui perd de plus en plus ses caractéristiques d’oasis florissante, productive et où il faisait bon y vivre , il y a seulement quelques décennies ! La raison invoquée étant le manque d’une main-d’œuvre capable d’assurer l’entretien de son capital principal qu’est le palmier et lui permettre de parvenir à une production marchande et de bonne qualité. Cet entretien qui demande à celui qui l’assure de grimper dans l’arbre. Une dizaine de fois par an pour effectuer l’itinéraire technique dont il a besoin soit essentiellement de ciseler les palmes desséchées, collecter le pollen sur les pieds mâles, polliniser les régimes femelles, poser les régimes, effectuer des traitements phytosanitaires, grappiller ou éclaircir les fruits et procéder à la récolte à maturité. Ces travaux se font, bien entendu au dessus de l’arbre. Et c’est là que le bât blesse, les jeunes propriétaires, fils de propriétaires, fonctionnaires, ouvriers ou étudiants (pour ne plus employer l’ancienne terminologie de khamès, guaïel…) : ne savent plus, tout bonnement, grimper dans le palmier !

N’est-ce pas là une honte d’en arriver-là dans un pays qui souffre d’un chômage chronique des jeunes et d’une sous productivité flagrante de nos exploitations agricoles dans l’incapacité aujourd’hui de satisfaire le couffin de la ménagère ou dégager de nouveaux créneaux pour l’exportation… Et, le plus curieux, c’est que le problème ne se pose pas seulement dans l’oasis de Gabès, mais dans toutes les oasis du pays ! Rappelons, à ce propos, et les plus anciens s’en souviennent encore, du séjour du 3 au 10 Octobre 1965 du Président finlandais Kekkonen qui, en visite d’Etat et à la grande surprise des Tunisiens, a réussi à grimper dans un palmier ; à l’âge respectable de 65 ans !

Pourquoi donc parler de chômage quand l’agriculteur se plaint d’un manque de main-d’œuvre ?

Mais restons avec nos jeunes générations d’oasiens, friandes comme partout d’internet, je les invite, et à titre anecdotique, de regarder sur le web une vidéo appelée ‘’Une astuce pour grimper tout en haut d’un palmier !’’. Ils y verront comment un vieillard, pas de chez nous, qui fait une ascension digne du plus grand des sportifs…, sport traditionnel par excellence que leurs anciens faisaient avec plaisir, tout aussi allègrement et sans aucune précaution spéciale, à la force des bras, pieds nus et à tout moment de la journée ! Rendons-leur hommage, au moins, pour leur amour du labeur bien accompli qu’ils réalisaient comme un sport et avec beaucoup de plaisir ; peu importe qu’ils utilisent la même astuce ou pas.

Il est à noter quand même que je n’ai pas entendu parler le 15 Septembre dernier de la Journée Arabe du Palmier qu’on fêtait, de mon temps, de différentes façons au Ministère de l’Agriculture ; et où ce genre de problématique aurait pu être évoqué et surmonté!

Pour réfléchir à haute voix, devrions-nous dire que Bourguiba et Messadi auraient eu tort de favoriser l’école pour tous sans la prise de certaines précautions ?  Devrions-nous dire que c’est la faute des programmes d’enseignement en continuels changements et par lesquels est apparu ce mépris inacceptable vis-à-vis du travail manuel et de l’effort physique donnant une prééminence à une ‘’bureaucratie administrative’’ ? Enfin, devrions-nous condamner notre propre comportement comme parents démissionnaires face à leur progéniture ?

Il y a certainement un peu de tout cela ; et je demande humblement clémence à nos jeunes envers qui on aurait manqué, en fait, à notre devoir en ne cherchant pas suffisamment à leur inculquer un certain nombre de Valeurs comme base de tout notre ‘’Vivre Ensemble’’, idem pour le devoir de volontariat ou de la primauté du devoir envers une Tunisie à laquelle on appartient…. Il reviendra donc, à nos jeunes, de surmonter ces complexes contre le travail manuel, contre ces omissions involontaires pour retrouver ces Valeurs perdues et faire revivre en conséquence nos oasis, et la Tunisie par la même occasion !
Notre gouvernement de ‘’jeunes’’, et même s’il fait une entorse à sa composition en se faisant aider par quelques séniors, saura-t-il ré-inculquer ces valeurs et notamment à la Valeur Travail à tous pour pouvoir redémarrer la machine productive du pays. Tout l’enjeu est là. De même, tout Jeune devrait se convaincre que c’est en s’imbibant de la nécessité de remettre en scelle sa région – sur la base de ses potentialités réelles - qu’il se créera, pour lui et pour ses copains l’opportunité de sortir du chômage. Les séniors, ou les notables comme on les appelait auparavant, ont également le devoir de mettre la main à la pâte et lui tendre la perche pour le soutenir.

Dans le cas des oasis, il faudrait bien que l’Oasien, en premier, se rende compte de la manne du ciel que représente une Oasis pour lui. Et quand on parle d’oasis, c’est le palmier qu’on entrevoit d’abord ; et de son bon entretien dépendra le salut de tous, l’initiative, l’emploi … ; peu importe si ce palmier appartienne aux parents ou aux voisins ; l’essentiel est de se faire rémunérer en toute justice et de gagner un salaire à la sueur de son front. Je pense ‘’qu’apprendre à grimper’’ n’a rien de complexant et que ce n’est pas la mer à boire pour tout jeune doté de bonne volonté. Les trophées remportés par nos handicapés en sont un exemple frappant. D’ailleurs et pour ceux qui, malgré tout, ont la flemme de ‘’grimper dans un palmier’’ ou que c’est dégradant pour eux, j’attire leur attention que plusieurs travaux ont eu lieu en Tunisie, en Algérie et ailleurs pour trouver moyen de mécaniser ces tâches.

A notre cher Ministre Si Néji Jalloul: Chacune de nos régions est une manne du ciel pour nos concitoyens. Formons nos jeunes pour la mettre en valeur sportivement!

Avec toutes les réformes que vous êtes entrain d’entreprendre avec beaucoup de réalisme, un changement des mentalités vis-à-vis de nos sports traditionnels et productifs reste à introduire chez les générations montantes dès l’école. A nos jeunes et certains moins jeunes, il est temps de leur faire comprendre qu’on ne prétend pas être sportif en allant le samedi ou le dimanche au café pour voir un match et gueuler tout son soûl à chaque but marqué par son équipe favorite ! Être sportif, ce n’est pas en spectateur qu’on le devient. C’est seulement en acteur sur le terrain qu’on peut l’être. Un discours dans ce sens est à retenir pour toutes les générations qui passent entre vos mains dans tout le Sud et qu’ils devront s’y exercer au collège, à la formation professionnelle ou à la Fac.

Par association d’idées, nos collégiens et étudiants au Centre du pays devront apprendre, quant à eux, à se joindre aux chantiers de cueillette des olives qui s’ouvriront bientôt ; d’ailleurs plus d’une mère de famille au Cap Bon et au Sahel n’a pas froid aux yeux pour appeler, autour d’elle, ses fils et filles … , ses petits fils et petites filles professeurs, médecins … à la récolte de leur patrimoine oleïcole, sans que cela ne soit considéré comme dégradant pour eux. De plus, cette sensibilité à fleur de peau pour le travail manuel, mal placée dans nos cœurs, est très nocive non seulement à l’exercice de ce genre de travaux mais aussi à l’économie familiale, à la compétitivité de nos produits à l’exportation…. Et pour être juste vers les garçons et les filles, nos collégiens et étudiants dans le Nord du pays, il leur manque, quant à eux, le maniement de la bêche et de la sape pour l’entretien de ce qu’on appelle des cultures sarclées, comme sport adapté et à exercer dans leurs régions. Cet exercice sportif étant réservé jusqu’à présent aux femmes alors que tous devront y trouver moyen de former leur musculature tout en aidant la famille à mieux gagner sa vie.

Eléments d’une conclusion: Et après ‘’le grimper…?’’

Bien entendu, Si Néji, il faudrait penser à faire coïncider les vacances scolaires avec nos sports, nos traditions et pour que notre économie soit moins branlante et que nos jeunes ne considèrent plus le travail musculaire comme une activité dégradante.

En conclusion, on voit que ‘’grimper dans un palmier’’ n’est pas seulement un sport traditionnel et fatiguant réservé à des pays sous développés ; mais qu’il est également créateur d’un emploi pour le grimpeur, ce qui n’est déjà pas rien.

De plus, introduit dans un contexte de développement intégré agricole et social de nos oasis il devra s’accompagner – et dans une logique de projet à mettre en place par qui de droit, s’il s’en trouve, au Ministère de l’Agriculture - d’une lutte efficace contre le chiendent et le diss qui consomment autant d’eau que le palmier, d’un broyage des feuilles et résidus mortes pour alimenter le palmier en matière organique au lieu des engrais chimiques, d’une gestion rationnelle de l’eau, d’un rajeunissement des vieilles plantations trop touffues qui ne se soucient pas du gaspillage d’une eau si rare … vont recréer l’équilibre nécessaire entre les potentialités en eau de nappes surexploitées qui risquent – sans pessimisme outrancier - de disparaître un jour prochain et le palmier avec.

A vrai dire, je ne sais pas ce que programment et disent les CRDA concernés aux phœniciculteurs de leurs régions, et notamment aux jeunes générations. Mais il est certain que ce travail de bon entretien d’une palmeraie est générateur et initiateur, en plus de la création d’emplois au niveau agricole, d’autres occasions d’emplois de jeunes et de diplômés, par ex. pour fournir aux phœniciculteurs des services mécaniques ou à traction animale ou des services de commercialisation ou de services de représentations dans des foires…. Pour les agronomes et pour les gestionnaires, vous savez bien que vous êtes dans un secteur qui se prête bien à tout essai et prospection qui tendent à la valorisation de variétés autres que la degla que ce soit dans les oasis intérieures (telles menathir, om elhassen, Ftimi, alligh, kenta…) ou littorales (telles blah, mettata, bouhattam, lemsi, rochdi…), à leur traitement, à leur emballage parallèlement à un travail de recherche de marchés intéressés et intéressants à entreprendre ! De même la transformation de l’une ou de l’autre de ces variétés pourrait former de nouveaux créneaux pour des jeunes qui en veulent ! Et que ce soit en travaillant individuellement ou en associations ou en s’attachant à ces nouvelles formules de PPP vous allez créer d’autres opportunités d’emplois et d’exportation ; mais encore faut-il ne plus dédaigner de grimper, avec un gros slogan ‘’Kekkonen l’a fait, pourquoi pas nous ?’’.

Pour terminer, est-ce que je peux oser croire, dans mon imaginaire quelques fois un peu naïf, qu’on verrait bientôt une société civile, une autorité publique, une association de jeunes au chômage… ou même le Ministère de l’Agriculture et ses multiples ramifications prendre des initiatives dans ce sens. J’espère que ce rêve ne restera pas inachevé ! Et comme je l’écris parfois en bas de mes articles : A bon entendeur, salut.

Malek Ben Salah
Ingénieur agronome





 
 

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1 Commentaire
Les Commentaires
Aissa BOUZIRI - 01-10-2016 08:28

Merci Si Malek pour cet article et vos propositions très constructives pour un secteur qui ne cesse de péricliter au fil du temps. Permettez moi de le partager sur facebook afin que bon entendeur puisse en prendre connaissance.

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