Nostalgie quand tu nous tiens. Hommage à nos salles obscures!!
Les JCC, c'est la fête du cinéma en Tunisie. Une célébration qui n’aurait jamais pu être possible sans les différents temples du grand écran, ou du moins ce qu’il en reste, dispersés ici et là dans le centre de la ville de Tunis.
Il est loin le temps où les salles du cinéma étaient l’endroit où une majorité de Tunisiens passait les après-midi du samedi entre première et deuxième matinée.
Aujourd’hui, des salles ont disparu, d’autres ont été transformées et celles qui existent encore ont la vie dure. Les nouveaux médias, la télévision et surtout l'internet» et leur corollaire, le piratage à outrance ont fini par avoir la peau du Septième Art.
Alors, profitant du JCC, l’espace de quelques lignes et la nostalgie aidant, je me remémore ces endroits mythiques qui ont fait mon bonheur d’adolescent.
Je ne sais pas si c’était dû au socialisme ambiant de l’époque, mais les salles du cinéma respectaient scrupuleusement le principe de la spécialisation où chacune avait son créneau. Un cas d’école de ce que les économistes pourraient designer comme une forme «d’entente».
Notre ballade commence par la rive gauche de l’avenue Habib Bourguiba, direction la station TGM. En dépassant le mythique café de Paris et en face du kiosque de bouquins juxtaposant les fleuristes occupés à décorer les voitures pour les mariages du soir, on atterrissait devant trois salles presque collées les unes aux autres.
Le Capitole. Une salle connue pour ses films d’action avec des affiches où trônaient soit le Bazuka et les mecs au corps bodybuildés, soit des postures plus «artistiques» des films du Kung-Fu. Certains films sont devenus de véritables cultes. Je pense plus particulièrement à ceux de Bruce Lee ou de Rambo dans sa première série.
A quelques mètres de là le Palace. Le Temple du cinéma indien et du «Bollywoodisme» où Amitabh Bachchan et Rekha étaient les Shiva et Ganesh tant leur règne fut sans partage.
Laissant Le Palace et toujours dans la même direction, on s’arrête devant le Studio 38. La salle la moins chère de la place (200 millimes le billet). En fait, ce n’était pas une salle, mais un corridor. Plus infâme que ça tu meurs. Il y règnait une ambiance pesante et tout le monde était sur ses gardes.On avait l’impression que ça allait barder d’une minute à l’autre. Quel genre du film y était projeté ? Sincèrement, je pense que l’assistance cherchait plus le noir que l’écran (vous voyez ce que je veux dire !!!).
En tournant à droite, vers la rue Ibn Khaldoun et avant d’arriver au niveau du Cinéma ABC, faisons un petit crochet par la ruelle à droite où se trouve le Biaritz qui offrait la projection de deux films pour le prix d’un. Généralement, du cinéma «Série Z» avec des soaps indiens et égyptiens.
Quand on retrouve la rue Ibn Khaldoun et après quelques mètres, on arrive pile-poil devant la salle ABC et son cinéma égyptien. Ce que je trouvais sympathique avec cette salle, c'était le fait qu’elle avait toujours des affiches superbes. Elle était tout à fait respectable et bien fréquentée, notamment par tous ceux qui adoraient les Nour Cherif, Yosra et Ferid Chawki et qui finissaient toujours par verser une larme quand l’amour triomphait de la lutte des classes!!
Juste à côté de l’ABC on trouve «Le Mondial. C’était une salle un peu batarde. Je n’ai jamais compris sa spécialité.C'était la salle «fourre-tout» de la place.C’est peut-être-là le secret de sa longévité.
Quittant le «Le Mondial» et en bifurquant juste à gauche vers la rue de Serbie (rebaptisée, rue Radhia Haddad), laissant les joueurs du tiercé bâtir des châteaux de sable, on tombe sur «Le Rio». c'était incontestablement le sanctuaire du cinéma érotique par excellence. La silhouette d’Edwige Fenech, ses formes sculpturales, son sourire jocondien et son regard faussement innocent ne vous laissent pas de marbre!! Quand on a 14 ans, ça marque!!!
De la rue de Serbie, on prend à droite pour longer la rue 18 janvier où a élu domicile le cinéma «L’Africa». Là c’était du sérieux du . Une salle à la hauteur de l’hôtel qui porte le même nom. La plus chère aussi avec un billet de 1,200 dinar. Un choix de films qui se basait sur le box-office contrastant ainsi avec le cinéma Série B des autres salles.
Traversant l’avenue Habib Bourguiba vers sa rive droite, on se retrouve devant les Champs élysées, aujourd'hui disparue. Je poursuis ma route direction Bab Bhar pour arriver devant «Le Colisée» qui constitue le clou de notre petite promenade. La meilleure salle du cinéma sans aucun doute avec ces deux étages, ses fauteuils confortables et son grand écran. Il n’est pas étonnant que cette salle ait abrité les cérémonies d'ouverture des JCC et des JTC, etc. Il y avait aussi un bon choix de films, mais crise économique oblige.
La mémoire me trahit et j’ai peut-être oublié quelques autres endroits. «Le cinéma de Paris» Tiens!! C’est vrai que le souvenir est lointain. Disparue aussi la placeuse et sa petite torche et son panier de Glace (Gervais Esquimaux). Partis aussi ces moments où dans les salles s’échangeaient les premiers baisers et naissaient les premières amours. (Je peux comprendre que la jeunesse d’aujourd’hui trouve dans ce que je raconte un air de «science-fiction»).
Comment en sommes-nous arrivés là ?! Je ne pense pas que le piratage en soit l’unique responsable. Il y a aussi notre rapport à la culture. Partout en Europe, les salles du cinéma ont survécu au boom numérique, même les petites qui ne projettent que les films d’auteur. Chez nous, la culture était et reste très élitiste. Les salles du cinéma n'ont pas été rénovées. Les films qui y sont projetés remontent à quelques années. Au surplus, on a privilégié les films grand publics qui sont généralement des navets au détriment des films de qualité.
Le salut viendra peut-être des multiplexes, une nouvelle génération de salles qui sont à l'origine du renouveau du cinéma dans le monde. Il s'agit de complexes cinématographiques d'au moins une dizaine de salles situées à proximité des centres commerciaux qui offrent aux cinèphiles un grand choix de films. Il parait que Géant a programmé le lancement de multiplex dès l'année prochaines.
Mohamed Fayçal Charfeddine
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Il s' agit de la rue de yougaslvie et non de la serbie.
Cher ami, Avenue Bourguiba vous oubliez coté théâtre municipal le cinéma Midi Minuit, ainsi que le Marivaux avenue de la liberté. Il y avait aussi rue de Marseille 2 salles dont "Le Globe" et une autre un peu plus loin dont j'ai oublié le nom. Vous êtes bien sévère avec le Studio 38 qui appartenait à ma famille et dans lequel j'ai pu accomplir ma passion pour le cinéma. Sachez qu'il fut la première salle à Tunis à diffuser les films de Brigitte Bardot, alors censurés par tous les autres "biens pensants". Je viens de passer ces 5 dernières années en Tunisie et je regrette comme vous l'indigence de l'offre cinématographique, quand on pense que dans les 1res années de l'indépendance les nouveaux films sortaient à Tunis en même temps qu'à Paris et dans le reste du monde. Ainsi ai-je pu voir "Psychose" le jour même de sa sortie. Je pense avoir oublié 1 ou 2 autres salles et si vous m'envoyez votre adresse mail, je pourrai, ma mémoire aidant, vous en reparler. Meilleures salutations