Corée - Tsunami au pays du matin calme : Tourments d’une Présidente face à son destin troublé
Eté 1974, Park Gun-hye, vingt deux ans, fille du Président Park Chung Hee, frais émoulue de l’université séoulite de Sogang où elle a décroché un diplôme en génie électrique, se trouvait à Grenoble, en France. Elle voulait y poursuivre ses études et apprendre la langue française. Le destin s’interposa et la jeune coréenne a vite été rappelée d’urgence à Séoul.
Sa mère, Yuk Yoong-Soo qui assistait à un meeting de son mari et Président, venait d’être assassinée selon la version officielle par un agent entré clandestinement en Corée du sud avec pour but initial l’assassinat du Président Park Chung Hee!
Park Gun- hye a été installée à la maison bleue pour remplacer sa mère en tant que first lady aux cotés de son père: Le général Park Chung Hee, qui a pris le pouvoir suite à un coup d’Etat en 1961, est considéré comme l’initiateur du «miracle coréen». Les historiens pensent que la longue durée de son mandat et sa gestion autoritaire des affaires de l’Etat, ont dressé l’opinion contre lui et provoqué le rejet de son régime et une insurrection permanente à travers le pays.
Là aussi, le destin a –encore une fois- frappé la jeune first lady: Son père et Président est assassiné en octobre 1979 par son compagnon et dit-on ami Kim Jae-Kuy, qui était le chef de sa garde personnelle et le patron de la KCIA (Korea central intelligence agency): C’ est la principale officine de sécurité intérieure et extérieure, groupant tous les services civils et militaires de renseignements. Son chef était alors considéré comme le numéro deux du régime.
Devant les juges, il dira «avoir agi pour sauver la démocratie coréenne, préserver l’amitié avec les Etats-Unis d’Amérique et sauver l’image de la Corée qui montrait au monde les méfaits de la dictature».
L’assassin du Président a été condamné à mort et exécuté avec plusieurs de ses complices.
La fille du Président assassiné, quittant «la Maison bleue», le palais présidentiel, après l’assassinat de son père, aurait, selon la légende, juré d’y revenir un jour présidente!
En attendant la réalisation de ce vœu, d’autres épreuves attendent la jeune femme qui a décidé de se consacrer uniquement à la politique et a choisi de demeurer célibataire pour souligner sa détermination et mettre toute son énergie dans la réalisation de son destin présidentiel!
Elle s’engagera sur la voie de la conquête du pouvoir suprême en se battant contre des ténors de la politique et réussit à prendre la tête du parti majoritaire.
Le 31 mai 2006, alors qu’elle menait sa campagne pour les présidentielles, un homme lui porta un coup de couteau au visage lui occasionnant une blessure profonde longue de dix centimètres!
Après avoir failli perdre la vie, elle a vite fait de se remettre de cet autre coup du destin et reprit sa campagne échouant d’un point et demi dans le pourcentage des voix aux primaires face à son rival Lee myung Back figure éminente du même parti «le GNP grand parti national».
LMB a été élu Président en 2007.
Toujours députée, étroitement protégée par des agents spéciaux mis à sa disposition par l’Etat parce que considérée comme hautement menacée au vu des précédents malheureux qu’elle vécut, PGH a repris son bâton de pèlerin pour préparer les élections de 2012. Elle a d’abord été élue à la tête du parti majoritaire qui a changé de nom pour devenir le parti «saenuiri» au lieu et place du «grand parti national».
Le 19 décembre 2012, Park gun Hey a été enfin élue première femme présidente en Corée du sud devenant le Onzième président du pays du matin calme. Le serment ou le vœu qu’elle aurait exprimé un soir d’octobre 1979 alors que la dépouille, ensanglantée de son père venait d’être transportée à l’hôpital, a été exaucé!
Destin glorieux, destin cruel, la détermination a été plus forte pour que cette femme qui a vécu de grands malheurs se retrouve à la tête de la quatrième puissance industruelle asiatique et la treizième à l’échelle mondiale.
Elle découvrira très vite la lourdeur de la tâche alors que son pays toujours divisé , voit échouer les efforts de réconciliation et d’ouverture entamés depuis l’année 2000 par le Président Kim Da Jung , prix Nobel de la paix pour avoir inauguré «la «sunshine policy» (politique du rayon de soleil). Il tentait une ouverture vers le frère du nord et a rencontré à Pyongyang, le président Kim Jung Il, père de l’actuel Président de Corée du nord Kim Jung Un, accordant une aide sud coréenne substantielle au régime nord coréen.
Cette ouverture s’est enlisée malgré un autre sommet à Pyongyang entre Kim Jung Il et le neuvième Président Sud coréen Roh Moo-Hyun. Le successeur de ce dernier, le Président Lee Mung Back a mis un frein à la «sunshine Policy» pour tenter d’ apaiser la tension qui a remonté d’un cran entre les deux pays et aboutir aujourd’hui une situation de grande crise:
Les essais balistiques du nord que Pyongyang dit opposer «à l’alliance américano-sud coréenne » constituent aujourd’hui la trame d’un conflit inquiétant aussi bien pour Séoul que pour la communauté internationale sur fond de poursuite du programme nucléaire nord coréen!
Conséquence de la tension et de la poursuite des essais balistiques par Pyongyang, Le gouvernement sud coréen a décidé la fermeture du complexe industriel sud –coréen de Kaesong, construit à l’intérieur du territoire du nord, à cinq kms au nord de la zone démilitarisée. Ce complexe de cent vingt trois entreprises sud coréennes, employait cinquante mille ouvriers nord coréens générant un chiffre d’affaires de quatre cent millions de dollars.
Séoul chaque jour plus alertée par les essais de missiles nord coréens à courte et longue portées et par certaines activités hostiles aux frontières maritimes et terrestres, ne voyait plus d’intérêt à maintenir ce complexe alors que la tension montait entre les deux pays.
La présidente sud coréenne s’est consacrée ces derniers mois à susciter une campagne de dénonciation par la communauté internationale de la persistance du nord à vouloir poursuivre ses essais balistiques et son programme nucléaire considéré comme une menace permanente contre la sécurité de la Corée du sud.
Avec cette instabilité des relations avec le frère du nord, la présidente PGH s’était retrouvée également face à des difficultés dans ses relations avec l’opposition et l’atmosphère n’était pas favorable à la présidente qui n’avait vraiment pas besoin d’un autre coup du sort qui l’atteint aujourd’hui avec ce « scandale Choi-Sil »qui vient d’éclater la menaçant de destitution alors qu’elle entame sa dernière année à «la Maison bleue».
De quoi s’agit-il?
La Présidente est accusée selon les informations diffusées par la presse coréenne, d’avoir agi dans certaines décisions et initiatives sous l’influence d’une amie à elle du nom de «Choi soon-Sil».
Cette dame qui vient d’être incarcérée est accusée «d’avoir détourné des donations d’entreprises obtenues de manière frauduleuse en se prévalant de son amitié avec la présidente». Elle est accusée aussi d’influencer certaines décisions de la Présidente et d’avoir eu accès à ces discours avant qu’elle ne les prononce!
L’affaire prend de plus en plus d’ampleur en Corée où l’indice de popularité de la Présidente est tombé à cinq pour cent seulement avant de remonter - grâce aux conservateurs et à la tranche d’âge des séniors -disent certains instituts de sondages, à près de trente pour cent après son deuxième discours la semaine dernière dans lequel, retenant à peine ses larmes, elle présenta – pour la deuxième fois en une semaine- ses excuses au peuple coréen .
Très affectée par ce scandale, Park Gun Hey a nommé un nouveau premier ministre, démis de leurs fonctions plusieurs de ses conseillers et s’est déclarée prête à ne pas se prévaloir de son immunité pour comparaitre devant la justice.
Selon l’agence coréenne de presse Yonhap «Le message adressé au peuple» par la présidente Park souligne qu’elle acceptera d’être poursuivie par la Justice. Ce sera donc la première fois dans l’histoire du pays que le Parquet enquêtera sur un chef d’Etat en exercice malgré son immunité présidentielle». Et Yonhap d’ajouter : «Le Parquet a mis en détention la protagoniste qui aurait interféré dans les affaires de l’Etat selon les allégations»
La présidente Park a dit dans son allocution que «le Parquet élucidera clairement la vérité sans aucune hésitation et prendra des mesures judiciaires rigoureuses». «Je coopérerai pour élucider les allégations et les responsabilités», «en cas de besoin, je me soumettrai à l’investigation du Parquet avec diligence et accepterai même une enquête du procureur spécial.»
Quant à ses liens avec Choi Soon-sil, poursuit Yonhap, la présidente a dit que «j’ai même interrompu les contacts avec ma famille à cause de l’éventualité d’affaires répugnantes après ma prise de fonction», «vivant toute seule, j’ai eu des aides de Choi Soon-sil en raison d’un manque de personnel pour s’occuper de mes affaires personnelles», «elle était à côté de moi quand j’ai passé des années difficiles et j’ai lâché moi-même le mur de ma vigilance.»
Tout en niant les rumeurs de chamanisme ou rituels chamanes à la Maison-Bleue, la présidente Park a assuré qu’elle chercherait la continuité de la gouvernance du pays en promettant qu’elle assumera ses responsabilités s’il y a des fautes révélées par les enquêtes menées par le Parquet.
Elle a conclu son message en disant que «je communiquerai plus fréquemment avec les représentants des partis politiques, le peuple et les dirigeants de la société pour (protéger) les responsabilités confiées par le peuple et recevrai plus lourdement les demandes du Parlement.»
Le peuple coréen ami et les institutions démocratiques solides de son Etat, sauront démêler les faits et les tenants et aboutissants de cette affaire pénible pour laquelle le parquet a chargé pas moins de trente juges et procureurs.
Il n’en demeure pas moins vrai que le destin n’a pas ménagé cette femme qui a eu le courage de défier les tourments de la vie et de supporter les douleurs lancinantes qui l’ont souvent endeuillée!
Le moment est on ne peut plus difficile pour Park Gun hye , une femme dont le destin exceptionnel lui a en même temps infligé des drames insupportables et l’a conduite aux plus hautes marches du pouvoir dans un pays démocratique, développé, ayant atteint des objectifs enviables de prospérité parce que chérissant le travail et défiant une histoire et une géographie difficiles, ployant sous l’angoisse de lendemains menaçants et dont les blessures de la guerre fratricide ne se sont pas encore cicatrisées.
Mustapha Khammari
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