arabe dialectal et arabe littéral: antinomie ou complémentarité?
A ceux qui ne l'ont pas fait encore, je conseillerais vivement de lire le dernier livre du grand écrivain et dramaturge tunisien, Ezzeddine Madani, "Ayyam saida" (Jours heureux), édité par l'organe du RCD, El Horria: l'ouvrage évoque l'enfance heureuse d'un enfant de la médina avec, en toile de fond, une vaste fresque dépeignant le Tunis de l'immédiat après-guerre. Ayant vécu cette période avec, il est vrai, un décalage de quelques années, par rapport à l'auteur, la lecture du livre a ravivé en moi de doux souvenirs: L'annexe du collège Sadiki, les ruelles sinueuses de la vieille ville, les représentations théâtrales, les veillées du ramadan. Ce qui n'était que vagues réminiscences enfouies dans notre subconscient reprend vie grâce à un style exquis qui nous rappelle, à bien des égards, celui de Najib Mahfoudh, Ali Douagi, Béchir Khraief ou Bayram Tounsi avec de nombreux emprunts à une langue fleurant bon le terroir.
L'arabe dialectal au bac français !
Je n'ai jamais compris les hésitations ou la mauvaise conscience de nos auteurs à utiliser le dialecte tunisien dans leurs écrits (une attitude qui tend, heureusement à s'estomper), comme s'il s'agissait d'une langue mineure par rapport à l'arabe littéral (la fameuse diglossie), ou d'une incapacité de leur part à exprimer leurs sentiments autrement que par une langue arabe châtiée. Dans les années 60, l'arabe dialectal constituait une matière à part au bac français avec un coefficient assez important, (2) si je m'en souviens bien. Ce qui provoquait l'ire de notre ministre de l'éducation de l'époque qui n'a jamais cessé de réclamer, jusqu'à son départ en 1969, sa suppression du bac, jugeant sans doute l'arabe dialectal indigne d'un tel honneur. Un sentiment qui était partagé, il faut bien le reconnaître, par un grand nombre d'intellectuels qui ne se faisaient pas faute de nous ressortir pour l'occasion, la vieille théorie du complot accusant les autorités françaises de chercher à nuire à la langue du Coran. C'est également à cette époque que le vaudeville, en dialectal comme il se doit, qui draînait des foules immenses (les pièces tenaient l'affiche pendant plusieurs semaines), a disparu, la plupart des troupes de théâtre s'étant sabordées faute de pouvoir présenter des pièces en arabe dialectal suite aux injonctions du ministère de la culture, laissant la place aux tenants du théâtre d'essai et autres lubies. Plus près de nous, dans les années 90, un universitaire tunisien, Hédi Balegh publia des chroniques en langue arabe ainsi que des traductions de proverbes français en "langue tunisienne", comme il disait et vice versa, provoquant une levée de boucliers de la part d'une partie de l'intelligentsia.
La réhabilitation du dialectal
Aujourd'hui, retour de bâton puisqu'on assiste partout dans le monde arabe à une réhabilitation de la langue dialectale sans que cela ait remis en cause la place de l'arabe littéral. Des journaux rédigés entièrement en "darija", ainsi que des livres ont fait leur apparition. Les feuilletons mexicains et turcs qui étaient doublés en arabe écrit le sont aujourd'hui en arabe parlé, gagnant ainsi en audience. Même en Occident, des journaux comme Libération ou le Monde n'hésitent plus à utiliser l'argot y compris dans les titres. Parallèlement, les langues régionales connaîssent une seconde jeunesse et sont de plus en plus enseignées dans les écoles primaires et secondaires alors que des chaires sont créées dans le supérieur.
Finalement, et l'exemple des écrivains précités le montre à l'évidence, l'arabe littéral et sa composante parlée peuvent très bien faire bon ménage à condition d'être utilisés à bon escient. Il ne viendrait à l'idée de personne de chercher à détrôner la langue commune à trois cents millions de personnes par une autre compréhensible pour quelques millions ou d'en faire une langue d'enseignement. Mais, dans certains cas, le dialectal peut constituer un adjuvant pour la langue écrite en lui apportant un supplément de fantaisie et de couleurs et pour tout dire de vie.
Hédi
Ayyam saida tome 2 Edit. El Horria (1DT)
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Reprenez les travaux d'Abderaman Guiga et William Marçais et son dictionnaire de Takrouna qui prouvent bien que le dialecte Tunisien est bien une langue en elle-même
Je ne comprends pas l'insistance que mettent certains à vouloir utiliser l'arabe dailectal et à ambandonner peit à petit l'arabe littéral! Pourquoi nous ne voyons pas de telles demandes chez les anglais, les allemands, les français... Toutes les langues ont un dialecte pratqiué largement différent de la langue ittérale. D'un autre côté il faut être conscient que l'usage de l'arabe dialectal dans les journaux et à l'école sera rapidement suivi par l'utilisation du ''franco-arabe'', et celà conduira en une ou deux générations non seulement à la disparition de l'arabe littéral, mais surtout à la naissance d'une nouvelle identité, autre chose que l'identité arabo-musulmane de nos ancêtres. Les colonisateurs l'ont compris et ont essayé de promouvoir l'utilisation de l'arabe dialectal, sanssuccès heureuseement car les leaders du mouvement national l'ont compris et ont défendu notre identité. Les colonisateurs, soit dit en passant, n'ont jamais hésité - chez eux - à défendre une expection culturelle et à voter des lois allant jusqu'à condamner ceux de leurs journalistes et écrivains qui utiliseraient des mots angalis ou allemands ou autres dans leurs textes en français ...littéral !
Mr Khaled, on va pas etre des arabes plus que les vrai arabes de l'est ! On est des tunisiens avant tout, faut etre fier de notre dialecte et notre identite et culture berbero-arabe
Faut-il conclure que nous sommes de faux Arabes, puisque pour AS les vrais Arabes se trouvent à l’Est. Notre ami souffre manifestement de problèmes d’identité, sa pseudo semi berbérité, qui aurait frappé d’érythème le vrai berbère qu’était Tarek Ibn Ziad, tenant probablement lieu de déguisement pour une autre origine qui n’est vraisemblablement ni berbère ni arabe, et qu’il n’ose avouer dans un tel débat sans se mettre automatiquement en hors jeu. Sans cela comment expliquer que la vénérable Zeitouna, ses illustres et nombreux oulémas, Ibn Khaldoun, l’Imam Ibn Arafa, l’Imam Sahnoun, l’épopée kerouanaise, les savantissimes Cheikhs Tahar et son fils Fadhel Ibn Achour et bien d’autres, toutes preuves de l’immense arabité de ce pays puissent compter pour du beurre pour un vrai citoyen arabo-berbère. Une arabité qui ne saurait en cas renier la rémanence de traces manifestes et reconnues de berbérité