Mesdames et Messieurs les Apprentis sorciers: Je vous défends de jouer avec l’avenir de la Tunisie!
Comme toutes les Tunisiennes et Tunisiens de ma génération et celles d’avant, j’ai été choquée d’apprendre que pour 50% de nos jeunes, la Tunisie, en tant que pays, histoire et patrimoine, ne représente plus rien! Moi qui ne suis pas psychologue, je sais que la maturité requiert un sens d’appartenir à une communauté, à une nation, ou à un pays! C’est ce même sens d’appartenir qui a propulsé une de nos jeunes étudiante sur le toit où un jeune venait d’enlever notre drapeau rouge et blanc pour le remplacer par un drapeau aussi noir que le projet qui l’anime! Le geste de cette jeune femme doit être immortalisé dans une statue car à lui seul, il résume des milliers de pages de livres de psychologie et devrait être enseigné comme l’une des meilleures leçons de courage et de patriotisme!
La question à laquelle 12 millions de Tunisiens doivent répondre aujourd’hui: Pourquoi 50% de nos jeunes ont perdu la confiance, l’amour, le respect et le sens d’appartenir au plus beau pays au monde, à mes yeux!
Ces dernières six années et ces trois derniers mois, les Tunisiens sont témoins du plus arrogant irrespect pour notre mémoire collective! Il y’a des tartuferies et des déloyautés que nous pouvons parfois pardonner, mais quand ces trahisons causent un dommage irrémédiable, aucun pardon n’est possible! Je m’adresse à tous les apprentis sorciers qui sont en train de jouer avec notre passé et par conséquent de compromettre notre avenir commun et l’unité future des prochaines générations!
Il ne se passe pratiquement pas un jour sans que nous voyions plusieurs apprentis sorciers, invitant les Tunisiens, ayant subi des violences de toutes sortes, à raconter leur histoire. Or seul un vrai psychanalyste a la compétence de demander à une victime de violences d’ouvrir ses blessures car il a le pouvoir de «nettoyer» ces blessures avant de les refermer à jamais! Les apprentis sorciers, de nos jours, forcent les victimes à exhiber leurs blessures, leurs peines, des douleurs vieilles de deux décennies ou plus dans une indécence et une incapacité totale à gérer l’impact de tels actes sur tous les Tunisiens et Tunisiennes. Leurs actes auront, dans le futur, un impact irrémédiable et causeront un tort impardonnable sur le plan physique, psychique et émotionnel à ces victimes!
Le drame, c’est que les faits relatés touchent à notre histoire et mémoire collectives et leur divulgation de manière non professionnelle et non éthique risque de porter préjudice aux personnes elles-mêmes, à leurs familles et aussi à l’unité de notre Nation, risquant d’engendrer des séquelles endommageant notre cohésion sociale pour toujours. Ces jeux mortels sont faits quotidiennement devant nos yeux, en toute impunité et sans la volonté de comprendre et d’assumer leurs conséquences désastreuses sur un pays tout entier!
Je suis convaincue qu’une Tunisie qui renie son histoire plurielle, riche, diverse, multiculturelle, n'a pas d'avenir! Toutes les générations ont besoin de connaitre et d'embrasser cette richesse avec toutes ses facettes car c'est le seul moyen de nous réconcilier avec nous-même et avec les autres. En fait, un devoir de mémoire s’impose à chacun d'entre nous et nous devons contribuer à lever le voile sur tous les pans de notre histoire. Nous le devons à nous-même et aux générations futures. Mais nous devons le faire de la manière la plus professionnelle, authentique, intègre et éthique qui soit car à trop jouer avec le feu, nous allons tous finir par flamber!
Il est impératif que nos sages prennent acte et agissent contre ces comportements délibérés ou faits par des médiocres pour qui l’avenir de la Tunisie ne compte pas. Je m’adresse aussi à ceux qui ont accepté la lourde tâche de gouverner, d’assumer leur responsabilité car il y’a péril en la demeure et ni l’histoire, ni les Tunisiennes et Tunisiens de leur pardonneront leur inaction pour arrêter ce massacre à notre mémoire collective! «Quand c’est urgent, c’est déjà trop tard…Gouverner [Mesdames et Messieurs], c’est prévoir» et je rajouterai à Pierre Mendes France: ... [C’est non seulement prévoir] mais c’est aussi mettre en œuvre les actions qui s'imposent avec courage et responsabilité.
Khadija T. Moalla
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