Sonia Ben Frej Larbi: Banquière et fière de l’être !
Je suis « tombée » dans la Finance par hasard ; en fait, lorsque j’étais à la fac, mon côté empathique m’avait plutôt fait pencher pour le Marketing que la Finance et je songeais plus à une carrière dans le Tourisme ou dans la Communication… et puis, le destin en a voulu autrement et je suis dans la Finance depuis plus d’un quart de siècle.
Mon parcours de carrière a fait que je peux afficher plus de 25 ans d’expérience dans le financement de projets et je dois dire que cela a été et continue d’être pour moi une grande source de fierté. Fierté parce que je considère que mon métier est des plus nobles : nous sommes un maillon de la chaîne qui permet aux individus de concrétiser leurs rêves, car un projet quel qu’il soit n’est –il pas un rêve avant tout ? Nous sommes également un maillon de la chaîne qui permet à une économie de se développer car je ne connais aucune économie qui se développe sans crédits.
Pour que l’établissement de crédit décide d’accorder un financement, il est nécessaire d’étudier le projet en vue de s’assurer de sa viabilité, et de la capacité du promoteur de rembourser le crédit demandé à travers l’exploitation de son projet - et c’est cela qui prime, la question des garanties est secondaire (même si, pour des raisons règlementaires elle est obligatoire). Pour ce faire, le banquier (l’exploitant puis l’analyste de crédit), doit faire un maximum d’investigations ; entretiens avec le promoteur, visites éventuelles sur les lieux du projet, recoupement avec les données sectorielles et/ou projets similaires, vérification de la pertinence et la cohérence des données contenues dans le dossier de financement,…etc… ; ce travail nécessite plusieurs jours de travail et nécessairement plusieurs contacts avec le promoteur : en premier lieu pour compléter le dossier (en 25 ans de carrières, j’ai rarement reçu un dossier complet), en second lieu pour comprendre le projet et nous assurer que le promoteur le maitrise, pour nous assurer également que l’étude est bien ficelée (dimensionnement du projet et des besoins de financement, le choix des fournisseurs, de l’implantation …etc…) et enfin pour nous assurer que le projet va suffisamment dégager de cash pour couvrir ses charges et notamment ses charges de remboursement en faisant des « stress test » (simulations de changement d’hypothèse).
La mise en place également demande une grande attention afin de sécuriser l’opération et nous assurer notamment que les fonds mis à la disposition du projet y seront bien affectés (bien sûr, nous faisons systématiquement ces vérifications et prenons un maximum de précautions, mais ne sommes jamais à l’abri de malversations avec la complicité des fournisseurs notamment).
Tout ce travail est basé sur des prévisions, des estimations et des tendances ; par la suite, les aléas de la conjoncture, le savoir-faire du promoteur et/ou sa moralité ou celle de ses partenaires va faire la différence entre un projet et un autre, va faire qu’un projet s’est avéré plus ou moins risqué qu’un autre, car la notion de risque n’est jamais absente de ce monde-là. Notre travail est d’essayer de limiter la prise de risque et mes collègues et moi-même faisons de notre mieux pour cela , mais parce que nous sommes également conscients du rôle économique que joue notre secteur, nous sommes également sensibles aux questions de création d’emplois, développement régional et création de valeur ajoutée ; la décision de financement est un mix de toutes ses préoccupations.
Bien sûr, il peut arriver que des décisions de financement dérogent à toutes ces règles pour différentes considérations (et ce n’est pas l’apanage des banques tunisiennes, publiques ou privées) mais il faut tout de même signaler qu’il s’agit d’exceptions et qui ne représentent pas, Dieu merci, la grande part des financements accordés par le système.
Mon métier a toujours été pour moi un véritable sacerdoce, ce qui signifie que je le considère comme respectable par excellence. Or, depuis quelque temps dans ce pays, ce métier et les milliers d’hommes et de femmes qui ont contribué à faire de la Tunisie d’aujourd’hui ce qu’elle est sont jetés en pâture à des scribouillards et autres prétendus analystes qui cherchent à faire du sensationnel en présentant des analyses erronées et des informations tronquées.
Malgré tout ceci je dis à ces personnes que moi, Banquière depuis 25 ans, suis et serais toujours fière de mon métier, l’un des plus nobles au monde !
Sonia Ben Frej Larbi
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