A mi-mandat, BCE se livre à Leaders
« M’en lasser? Moi, jamais! Si j’ai décidé à un moment bien historique de postuler à ces hautes charges, c’est pour les assumer pleinement et jusqu’au bout! Et en sortir la Tunisie» Qui donnait, le président Béji Caïd Essebsi, lors de son élection en 2014, encore en poste aujourd’hui? Du moins, il s’en aurait lassé! « Nullement!» balaye-t-il d’un revers de main, deux ans et demi après son entrée à Carthage, le 31 décembre 2014. « Cela fait 36 mois exactement, rectifie-t-il. Je les compte chaque mois.» Dures épreuves successives comprises, sur fond de situation compliquée et complexe, avec de rares motifs de réconfort. A mi-mandat en juillet dernier,il fait pour Leaders magazine, le bilan de ces 36 mois, tout en se projetant dans l'avenir avec sérénité?
Serait-il tenté par un second mandat, comme le lui prête la rumeur publique? Envisage-t-il une révision de la constitution? Quelle évaluation fait-il du gouvernement Youssef Chahed? Lui apporte-t-il son plein soutien y compris dans la lutte contre la corruption? A-t-il une solution de sortie de crise pour Nidaa Tounès? Où en est-il avec Ennahdha? Le pacte de Carthage tient-il encore ? Comment voit-il l’avenir immédiat de la Tunisie? Et pense-t-il que la Libye s’achemine sur la bonne voie ? Actualité oblige (l’interview a été réalisée entre le 25 et le 27 juillet), comment juge-t-il les déclarations de Moncef Marzouki à propos de l’attaque de l’ambassade américaine?
A toutes ces questions et d’autres, le président Béji Caïd Essebsi a accepté de répondre. Le regard bleu d’acier, l’esprit vif et l’humour au coin des lèvres, il affiche à 90 ans, une fraîcheur dont il a seul le secret. Chez lui en jebba blanche finement brodée, s’apprêtant à se rendre au Bardo (mardi 25 juillet) ou au bureau, en costume bleu bien coupé, chemise blanche et cravate soigneusement choisie, il est toujours dans son élégance raffinée.
Rien de significatif ne lui échappe de ce qui se passe dans les salons de Tunis comme aux fin fond du pays et à l’étranger, même s’il le garde souvent pour lui. S’il fait semblant d’improviser un discours ou des déclarations, c’est qu’il avait pris le soin de bien les préparer. En fin politicien, il agit par la symbolique et envoie, même à ses proches, des messages codés qu’il leur appartient de décrypter.
«Je suis un Homme sérieux !».
Dans ce bureau rendu historique par Bourguiba, tout est chargé d’histoire. Béji Caïd Essebsi l’avait assidument fréquenté tout au long de ses missions auprès du Combattant suprême. L’un des rares admis à se rendre chaque matin dans la chambre à coucher de Bourguiba pour lui faire un briefing de la situation avant qu’il ne commence ses activités, il assistait à nombre d’audiences présidentielles. Il était aussi parmi les rares à lui tenir le langage de sincérité, quitte à lui remettre par deux fois sa démission, le niveau extrême de l'audace avec le Zaïm.
Cordiales, respectueuses et en toute confiance, leurs relations ne pouvaient cependant échapper aux aléas des jeux du sérail. Sans cependant laisser afficher le moindre clash public. «Ou privé», ajoute BCE. « Pourquoi Bourguiba n’avait jamais haussé le ton contre-vous? Parce que vous étiez l’ami d’enfance de son fils, Bibi?» lui-demande-t-on. «Il faut dire que je connaissais bien mes limites et je ne me hasardais jamais à les dépasser, ni à manquer à mon devoir», explique-t-il. «Quelle est la phrase qu’il vous répétait le plus souvent lorsqu’il devait prendre une décision ?» BCE l’entend encore siffler dans son oreille: «Je suis un homme sérieux !» Comme lui, il s’impose d’être « un homme sérieux.»
Comment peut-on être un «homme sérieux» au XXIème siècle, dans une Tunisie post-révolution. Seule l’histoire le dira.
Version Arabe: في منتصف ولايته الرئاسية : الباجي قايد السبسي يتحدّث لليدرز
Lire aussi
A mi-mandat, BCE se livre à Leaders
Ce que les hommes politiques attendent de BCE d’ici à fin 2019
Caïd Essebsi à Leaders : pourquoi je tiens à la loi sur la réconciliation «administrative»
BCE commente la crise de Nidaa Tounès : les solutions ne manquent pas
BCE à Leaders : il n'y a pas d'alternative au pacte de Carthage
Leaders: BCE candidat à sa propre succession en 2019?
- Ecrire un commentaire
- Commenter