Hela Ouardi : l’inévitable rançon du succès
J’eusse aimé voir s’instaurer, autour des livres de Hela Ouardi, le débat qu’ils méritent : serein, objectif, avec pour seule finalité l’établissement de la vérité, la justice, la justesse. Nous eûmes, hélas, un violent libelle du Pr Hichem Djaït (As-Sabah du 24 avril)auquel l’intéressée a jeté le gant.Elle invite tout bonnement son contempteur à un « duel des chevaliers » (As-Sabah du 27). Pour regrettable que soit un tel échange, beaucoup de lecteurs espèrent toujours que le grand historien acceptera d’en débattre publiquement avec celle qui le défie.
Un autre article plus malveillant encore à l’égard de Hela Ouardi vient de paraître. Je n’en citerai ni le titre ni l’auteur, j’en laisse la primeur à l’agressée. Elle saura y répondre. Il m’interpelle cependant sur un point. En substance, cet article dénie à l’auteur des « Califes maudits » toute qualité d’écriture : déjà médiocre en français, elle serait nulle en arabe ; ce ne serait pas elle qui a écrit ses livres ; elle serait sur le point d’avouer le nom du véritable auteur à qui elle ne fait que prêter son nom. C’est à Hela de répondre à ces monstrueuses allégations. Mais il est de mon devoir d’apporter mon témoignage sur sa parfaite maîtrise de l’arabe.
Elle a fait partie de l’équipe académique chargée par Beït El Hikma d’établir et d’actualiser l’incontournable et volumineuse « Chrestomathie arabe » du grand orientaliste, Antoine Isaac Sylvestre de Sacy. Le Doyen Mohamed Yaalaoui, l’académicien François Déroche, le Pr Ahmed El Ayed et moi-même avons éminemment apprécié la judicieuse collaboration du Pr Hela Ouardi à ce travail ardu, qui a duré deux ans. Parfaite bilingue, elle a fait montre d’une admirable connaissance de ses « Mu‘allaqât » et des arcanes de l’orientalisme français.
Mais il faut dire que la notoriété par trop rapide de Hela Ouardi a de quoi agacer plus d’un. Ses livres sont des best-sellers et elle vole de colloque en colloque de par l’Europe. Ce succès dérange et elle doit en payer la rançon.
Pour ma part, ces péripéties, ces débordements me font immanquablement penser au dicton tunisien « Sahib san‘atik ‘adûk » (celui qui exerce le même métier que toi est ton ennemi). Ce sentiment d’impuissance et de convoitiseface à l’intelligence effrontée est universel. En France, cela s’appelle « jalousie de métier» et c’est dans le domaine littéraire que celle-ci atteint son paroxysme. De nombreux ouvrages, des anas sont consacrés aux « haines d’écrivains ». Il y a même un dictionnaire des injures littéraires. Tous les grands noms, toutes les gloires de la littérature française, sans exception, ont subi de la part des critiques mais aussi de leurs pairs envieux de mémorables éreintements qui, au lieu de les inhiber, les ont fortement stimulés. Conscients du fait qu’un tel acharnement ajoute à leur notoriété, ils s’en accommodaient. Hugo dira :«J'ai l'honneur d'être un homme haï».
Qu’en est-il des écrivains arabes ? Même hostilité, même détestation, d’Imr’u l-Qays à Chawqi. L’illustre poète Johan Wolfgang Goethe, grand admirateur de la poésie orientale, lui rend un hommage appuyé dans son célèbre Divan occidental-oriental. Il relève une réflexion de Hafidh al-Chirazi : « Mon cœur est préoccupé par mes compétiteurs. Le conteur déteste le conteur ». Ce sera pour l’Allemand l’occasion de régler ses comptes avec ses contemporains :
Avoue ! Les poètes de l’Orient
Sont plus grands que nous, poètes d’Occident ;
Mais où nous les égalons pleinement,
C’est dans la haine de nos pareils.
Pour conclure, une anecdote mérite d’être racontée. En 1809, Napoléon Ier institua les Prix décennaux, pour récompenser les artistes, auteurs, savants et inventeurs. Trente-cinq prix devaient être décernés à chaque 10e anniversaire du coup d’État du 18 Brumaire (novembre). Les mauvaises langues y ont vu une manière de détourner l’attention de l’opinion publique des dispendieuses campagnes napoléoniennes. Ce fut la course « aux prix ». Un déferlement de haines, de médisances, remplissait les journaux et animait les coteries. L’empereur demanda à un dignitaire ce qu’il pensait de cette effervescence. « Sire, répondit-il, autrefois, on faisait se battre les bêtes pour amuser les gens d’esprit, et aujourd’hui on fait se battre les gens d’esprit, pour amuser les bêtes ».
C’est à devenir bête et cela continue ainsi, sous toutes les latitudes.
Abdelaziz Kacem
Lire :
Pierre Chalmin, Ta gueule, Bukowski ! Dictionnaire des injures littéraires, L’Éditeur, Paris, 2010.
Anne Boquel et Etienne Kern, Une histoire des haines d'écrivains : de Chateaubriand à Proust, Flammarion, Paris, 2009.
Jean-Pierre Enard, Un bon écrivain est un écrivain mort, Finitude, Le Bouscat, Gironde (France), 2005.
Jean-Marie Monod, La férocité littéraire, de Malherbe à Céline, La Table Ronde, Paris, 1983.
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le livre sur la vie du Prophète PSL est fouillé et s'appuie sur une large documentation.Cependant il aurait fallu dès le départ faire une critique des sources pour s'assurer de la fiabilité des sources utilisées par l'auteur car pour un sujet passionné il faut être strict pour mettre à la disposition du lecteur un document scientifique .A titre d'exemple Boukhari sur des milliers de Hadiths il n'en a retenu que 4000 environ qu'il a jugé fiables et aujourd'hui son oeuvre fait autorité en la matière AB
M.Abdelaziz je viens de terminer la lecture du livre les Califes maudits; j'ai aussi lu vos deux articles ainsi que l'article détracteur de Hicham Jaiet et la réponse de Hèla Wardi à ce dernier.Je regrette sincèrement que Hicham Jaiet qui était considéré comme un sommité en la matière se soit abaissé à ce niveau de la discussion. Je pense que Hela Warqi asu lui répondre quoique quelque peu violemment. Néanmoins je voudrais faire quelques remarques à propos du livre 1- Le chois du mot maudit n'implique-t il une connotation religieuse malveillante- اللعنة التي تغني الخروج من رحمة الله ٍVous pourrez me rétorquerque le terme est généralement utilisé dans le sens de détestés ou malheureux comme c'est le cas du titre les rois maudits.C'est vrai mais le lecteur a le droit de le comprendre comme il le veut et le doute persistera toujours.De toute façon trois de cinq califes furent assassinés et c'étaient donc des martyres et non des maudits. 2-L historien doit être objectif et l'histoire renferme le bon et le mauvais et tout n'est donc pas sombre comme le laisse croire du livre 3-Comment croire, à titre d'exemple seulement, que la longue tirade de Abou Bakr et la discussion qui s'en suivit sont authentiques;Estce qu'il y'avaient dans la r"union des scribes qui ont consigné ce qui a été dit dans la réunion.La même remarque s'impose aussi quant la tirade de Fatima dans la mosquée Au sujet de l'oasis par elle réclamée.Vous me répondrez certainement revenez aux sources qu'elle a consultées.Je vous dirais ces auteurs étaient ils présents aux dites réunions? Et c'est simplement par tradition orale qu'ils ont rassemblé toutes leurs informations le doute ne peut que perdurer. En fin de compte tout ne doit pas être pris pour argent comptant 4- Molto fois Mme Wardi se trouve obligée d'adosser ses allégations sur de simples suppositions ou sur des recoupements et là aussi le doute est de bonne guerre En guise de conclusion je dirai que le livre de Hela Wardi est un chef d'oeuvre qui mérite d'être lu et commenté
Je défie Mme Hela Ouardi qui prétend être musulmane d’écrire quelque chose de bien sur l'Islam ou sur le Coran. Je la défie également si un jour elle prendrait la défense des minorités musulmanes massacrés par le terrorisme, la dictature et l'injustice occidentale ou devoiler la verité sur l'origine de Daech et compagnies que nous connaissons tous.
J'aimerais être maudit comme eux et être moubachir bil janna. Quand à vous madame vous n'y êtes pas il faudrait que vous vous y mettiez afin d'y accéder. Wassalamou ala man ittabaa Al Houda.
Le P Abdelaziz Kacem a fait justice des affirmations de ce contempteur pour ce qui est de l'arabe dont je n'ai pas pu juger, n'ayant pas lu la prose arabe de Mme Ouardi. Modestement, moi, je peux, je dois apporter mon témoignage en faveur de cette grande dame pour ce qui concerne sa maîtrise du français : pour l'avoir entendue lors de son passage à "La Grande Librairie" à la télévision française, je peux, je dois ! dire que j'ai rarement entendu un)une universitaire de Tunisie s'exprimer d'une aussi belle manière en français ! Hela Ouardi fait partie de cette race d'universitaires tunisiens qui s'expriment, donc, aussi élégamment en arabe qu'en français, et c'est un véritable honneur pour la Tunisie et pour son Université !
Ceux qui "s'insurgent" contre le récent ouvrage de H. OUARDI, feraient mieux de s'intéresser aux fondements des faits qui y sont évoqués que de se laisser aller vers le "superficiel" ou l'insulte. Bon courage chère Professeure...