Mohamed Larbi Bouguerra: Netanyahou et Gantz bientôt devant la justice internationale ?
L’affaire a commencé le 1er janvier 2015 quand le gouvernement palestinien dépose une déclaration en vertu de l’article 12-3 du Statut de Rome, reconnaissant la compétence de la Cour Pénale Internationale pour les crimes présumés perpétrés « sur le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, le 13 juin 2014 ». Ainsi et pour la première fois, les Palestiniens veulent se donner les moyens de confronter Israël à ses pratiques coloniales barbares : milliers de morts innocents, milliers d’handicapés à vie, avions F-16 contre population civile, bombes incendiaires, épandage de pesticides, attentats ciblés, bombardements d’écoles, d’hôpitaux, de lieux de culte, de l’aéroport de Gaza, état de siège imposé à ce territoire….
La procureuse de la CPI a procédé à un examen préliminaire de compétence. Réponse positive cinq ans plus tard, le 20 décembre 2019 : tous les critères pour l’ouverture de l’enquête sont réunis, affirme en substance Mme Bensouda qui relève : « Certaines dispositions des accords d’Oslo pourraient être contraire au droit à l’autodétermination. »
Israël n’a pas tardé à réagir en utilisant ses arguments éculés et mille fois utilisés, Netanyahou déclarant : « Ce que la CPI a fait, c’est du pur antisémitisme et nous ne fléchirons pas » allant jusqu’à oser dire que la CPI « affirme que les juifs n’ont pas le droit de s’installer dans le foyer national juif. Ils disent que les juifs n’ont pas le droit de vivre sur la terre des juifs, sur la terre d’Israël. Eh bien, nous répondrons : honte à vous. » Il oubliait ainsi que Yitzhak Rabin soutenait que « la Bible n’est pas un acte de propriété. » et oubliait également les travaux du professeur d’histoire Ilan Pappé qui a démontré depuis longtemps : « le péché originel de l’Etat juif : il s’est établi sur la base d’une purification ethnique… » (Le Monde, 6 juin 202, p. 19).
Il n’en demeure pas moins qu’à l’ère du trumpisme échevelé et d’un Israël où « la politique » d’un Netanyahou promis au bras de la justice ferait rougir Machiavel par son machiavélisme- le compte à rebours d’une annexion de la Cisjordanie prévue en juillet prochain ayant commencé, cette décision du CPI est bienvenue.
La victoire palestinienne à la CPI est d’autant plus réjouissante qu’Israël et ses soutiens n’ont ménagé aucun effort pour protéger Netanyahou et Gantz. Ces deux larrons entendent actuellement se partager le gâteau du pouvoir -en dépit des manifestations quotidiennes à Tel Aviv contre la corruption du Premier Ministre ainsi que contre la trahison du chef du parti Bleu Blanc vis-à-vis de ses électeurs. Les ténors du barreau israélien se sont cassés les dents face à la procureure Mme Fatou Bensouda et l’importante équipe de juristes mobilisée par l’ancien ministre de la Justice français, Robert Badinter, n’a servi à rien.
Ce dernier défend en effet la position de Netanyahou avec les propres mots de ce dernier et argumente en mercenaire sioniste : « La Palestine ne remplit pas les critères d’un Etat selon le droit international. Et la seule façon d’enquêter sur des crimes commis dans ce cadre est constituée par la saisine de la CPI par le Conseil de sécurité. Les accords d’Oslo s’imposent à la juridiction de la Cour. » « Son document, écrit Christophe Oberlin, ne fait qu’insister à la fois sur l’illégalité des plaintes palestiniennes, et de la Cour Pénale Internationale à les prendre en compte. Le professeur Badinter commet ainsi de remarquables erreurs de droit et d’éthique. » (Médiapart, 20 février 2020) Erreurs de droit et d’éthique ? Le ménage Badinter en est coutumier. La richissime philosophe qu’est Mme Elisabeth Badinter ne déclarait-elle pas, sur France Inter, le 6 janvier 2016, à une heure de grande écoute : « Il ne faut pas avoir peur de se faire traiter d’islamophobe » ? M. Badinter, de son côté, sermonne le président albanais sur l’état des enfants dans les prisons de son pays mais n’a pas un mot pour les jeunes Palestiniens torturés et privés du moindre droit humain croupissant dans les geôles israéliennes.
Les crimes et leurs auteurs
Benny Gantz se vantait d’avoir « réduit à l’âge de pierre » Gaza au cours des dernières élections générales israéliennes. Ces cadavres de victimes palestiniennes innocentes et sans armes étaient pour lui et ses électeurs autant de médailles accrochées à sa poitrine de boucher. Gantz commandait en effet les F-16 et répandait le phosphore blanc (interdit par les conventions de Genève) sur ces femmes et ces enfants aux mains nues. Pierre Corneille ne disait-il pas : « A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire » ? Mais cette brute épaisse idiote de Gantz – tombé dans escarcelle politique du diabolique Netanyahou-(Lire René Backmann, Médiapart, 22 avril 2020), ne cherchait qu’à assouvir sa haine contre la résistance des Gazaouis malgré son enfermement dans un sinistre Sing Sing sioniste et à démontrer la supériorité des armes israéliennes pour mieux les vendre.
Gantz et Netanyahou- ce criminel de guerre qui n’a nul besoin de montrer un bulletin n°3 fort rempli avec deux guerres à Gaza- pourraient être traduits maintenant comme de vulgaires politicards africains ou balkaniques- devant la Cour Pénale Internationale même si l’ami d’Israël et des évangélistes, Donald Trump veille et est capable de tous les coups tordus.
Une date historique
Ce 30 avril 2020 prendra une place de choix dans le long et riche calendrier des luttes du peuple palestinien pour récupérer sa terre et ses droits. Ce jour-là, la procureure de la Cour Pénale Internationale (CPI) Mme Fatou Bensouda, expliquait tout à fait officiellement dans un mémoire d’une soixantaine de pages qu’elle était convaincue « qu’il existe un fondement raisonnable pour ouvrir une enquête dans la situation en Palestine en vertu de l’article 53-1 du statut de Rome, et que la porte de la compétence territoriale de la Cour comprend la Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est et Gaza («Territoire palestinien occupé)»
Traduisons cette langue juridique : En clair, la Palestine peut saisir la Cour de la Haye (CPI) afin de poursuivre Israël pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité.
C’est à une chambre préliminaire, composée de trois juges, qu’il revient maintenant de se prononcer sur cette plainte. Pour les observateurs, au vu du déroulé du dossier, il est fort probable qu’ils suivront l’avis de la procureure (Lire Pierre Barbancey, l’Humanité, 4 mai 2020, p. 13).
Pour Me Pierre Devers, avocat des victimes palestiniennes «C’est un pas considérable, car les réponses aux questions de savoir si la Palestine (qui a pourtant ratifié le Statut de Rome**) était considérée comme un Etat pour la CPI et qu’est-ce que recouvrent les territoires palestiniens, ont été étayées.»
Un autre succès juridique
L’ONG britannique Palestine Solidarity Campaign (PSC) a annoncé le 16 avril 2020 avoir remporté une belle et grande victoire judiciaire devant la Cour Suprême sur le gouvernement britannique. Cette ONG défend le droit d’agir dans le Royaume Uni pour les droits des Palestiniens et notamment pour soutenir le BDS.
L’affaire concerne l’interdiction faite par le gouvernement britannique aux « Local Government Pension Schemes » (LGPS) (Fonds de pension régionaux) de retirer leurs placements si l’argent était utilisé par des entreprises favorisant l’oppression du peuple palestinien et prêtant main forte soit aux violations israéliennes des droits de ce peuple soit à l’industrie de l’armement anglais. L’interdiction de retirer ces fonds est interdite même si les membres des LGPS le veulent, par exemple, parce que les produits proviennent des territoires palestiniens occupés par Israël.
La Cour Suprême a tranché en faveur de l’ONG et la réglementation introduite par l’Etat en 2016 à cet effet est déclarée illégale et non avenue cassant ainsi le jugement de la Cour d’Appel.
C’est un retentissant échec pour Israël et ses alliés au Royaume Uni qui essaient par tous les moyens de rendre illégale l’activisme en faveur des Palestiniens et du BDS même dans les discours solennels prononcés par la reine devant le Parlement (Queen’s Speech)
PSC déclare que sa victoire juridique est un gain pour la démocratie, la liberté d’expression et la justice.
Conclusion
Il est clair que la finalité du statut de la CPI est la lutte contre l’impunité.
Christophe Oberlin, dans son article sur Médiapart, étudie en détail l’intervention à la CPI de Robert Badinter – « une icône hexagonale » - en faveur d’Israël et écrit : « Parler de « crimes prétendus » et oser opposer un vice de procédure (qui n’existe que dans un fantasme) à la demande légitime des victimes de voir juger leurs bourreaux est plus qu’une erreur. C’est une faute impardonnable. » et de conclure : « Un jour, le plus tôt possible, messieurs Netanyahou et Gantz feront l’objet d’un mandat d’arrêt et seront invités à s’expliquer devant la CPI. Si ce jour-là maître Badinter se présente comme leur avocat, il n’y aura rien à dire car le droit à être défendu est un principe universel. Mais aujourd’hui il ne s’agit pas de défendre celui qui est accusé, il s’agit d’empêcher un peuple victime de s’adresser à une juridiction internationale. M. Badinter a-t-il peur du droit ? »
Mohamed Larbi Bouguerra
** Contrairement à Israël et aux Etats Unis.
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