News - 20.08.2021

Fin de l’occupation: Aujourd’hui l’Afghanistan, demain la Palestine?

Fin de l’occupation: Aujourd’hui l’Afghanistan, demain la Palestine?

Mohamed Larbi Bouguerra - Dans ses mémoires publiés en 2010, l'ex-président George W. Bush se rengorgeait : "L'Afghanistan était la mission ultime de construction d'une nation. Nous avions libéré le pays d'une dictature primitive, et nous avions l'obligation morale de laisser derrière nous quelque chose de meilleur. Nous avions également un intérêt stratégique à aider le peuple afghan à construire une société libre", car "un Afghanistan démocratique serait une alternative pleine d'espoir à la vision des extrémistes."
En juillet 2021, avant la reprise de l'Afghanistan par les talibans, discours bien différent du président Joe Biden s'inscrivant en faux et aux antipodes des rodomontades de Bush junior en affirmant : "Nous ne sommes pas allés en Afghanistan pour construire une nation. Il s'agissait plutôt d'éliminer le chef d'Al-Qaida, Oussama ben Laden, et de réduire la menace terroriste à laquelle les États-Unis sont confrontés. » Mardi 17 août 2021, dans un discours au peuple américain, M. Biden, bombant le torse, a tenu un tout autre langage en déclarant que la "mission visant à dégrader la menace terroriste d'Al-Qaida en Afghanistan et à tuer Oussama ben Laden a été un succès", le Saoudien ayant été assassiné au Pakistan, en 2011, avec une retransmission mise en scène théâtrale à la Maison Blanche, du temps de Barack Obama flanqué de Biden, son vice-président à l’époque. Ce discours de victoire de Biden a été peu apprécié par les Américains et notamment les vétérans (anciens combattants), humiliés par la déroute afghane de leur puissante force militaire.

Le retrait d’Afghanistan signe la fin de la lune de miel de Joe Biden avec les Américains. Il risque même de lui coûter les élections de mi-mandat, dans quinze mois, en le gratifiant d’un Congrès dominé par les Républicains.

Avec ce retrait- qui rappelle la monumentale débâcle historique des Américains au Vietnam en 1975- les États-Unis ont cessé d'être une puissance occupante en Afghanistan voire bientôt de l’Irak. Fin donc du chapitre des occupations modernes par les États-Unis (Philippines, Nicaragua, Japon, Haïti…). Surtout, «cela marquera également la fin de la fraternité idéologique qui liait Israël et les États-Unis en tant que deux pays occupants» écrit Zvi Bar’el (Haaretz, 19 août 2021).

Plus d’occupation nulle part sur terre….sauf l’occupation israélienne donc.

Au Moyen-Orient même, «l’occupation officieuse» du Liban par la Syrie est maintenant sujet d’histoire. (Lire Charif Majdalani, «Beyrouth 2020. Histoire d’un enfermement», Acte Sud, Arles, 2020)

Ainsi, Israël sera le dernier pays impliqué dans une occupation qu’il tente de justifier par des arguments stratégiques et sécuritaires fallacieux tout en s’efforçant de dissimuler son plan directeur idéologique, historique et messianique-religieux donc fanatique et raciste.

Or voilà que soudain, d'un seul coup, Biden déclare qu'une occupation ne peut avoir que des objectifs concrets, liés à la sécurité, et que lorsqu'ils sont atteints, elle doit prendre fin. L'édification d'une nation ou la démocratisation, la réalisation de la vision des prophètes de la Bible ou l'exploitation économique - rien de tout cela ne figure dans le manuel d'utilisation à l’usage des occupants rédigé par Biden. Ce faisant, il a également coupé l'herbe sous le pied des «justifications» qu'Israël a créées pendant de nombreuses années pour continuer à maintenir contre vents et marées l'occupation et son cortège d’assassinats ciblés de Palestiniens -et notamment des jeunes- et de guerres  asymétriques contre la population de Gaza, d’emprisonnements administratifs, de vols des terres, de protection de ces brigands qui ont pour nom «Jeunes des collines» et que protège l’armée israélienne quand ils arrachent des oliviers ou brûlent des maisons palestiniennes. Pour ne dire des check points humiliants, du rabaissement de la langue arabe, des routes réservées aux seuls Israéliens et de la loi instituant l’apartheid de juillet 2018.  «Les routes de contournement ont effacé du paysage les villages arabes et, en même temps que l’architecture différente, la curiosité envers l’autre» écrit Yonatan Berg dans son récit «Quitter Psagot» récemment traduit en français (Editions L’Antilope, Paris, 2021).

Aujourd’hui, la voie est largement ouverte devant la Cour Pénale Internationale (CPI) pour contraindre Israël a rendre gorge.

L’actuel Premier Ministre Naftali Bennett ne disait-il pas avec impudence : «J’ai tué beaucoup d’Arabes, aucun problème avec çà.»
Le journaliste Zvi Bar’el rappelle « le discours scandaleux du Premier ministre de l'époque, Benjamin Netanyahu, devant le Congrès américain en 2011, dans lequel il expliquait à ses hôtes : " Mes amis, vous n'avez pas besoin de faire du nation building [construction d’une nation ] en Israël. Nous sommes déjà construits. Vous n'avez pas besoin d'exporter la démocratie en Israël. Nous l'avons déjà. Mais Netanyahou ne disait qu'une partie de la vérité. Même dix ans après ce discours,….. Israël est toujours en train de se construire en tant que nation, et sa démocratie a besoin d'être reconstruite.

Parce que, contrairement à l'occupation américaine, lorsqu'il s'agit de son objectif, pour Israël, l'occupation est un fondement central de la formation de la société et de la culture israéliennes….. Une composante essentielle de  l'instillation d'une conscience du droit de contrôler un autre peuple et de concrétiser les promesses divines. Elle alimente une politique colonialiste et crée une forme déformée de démocratie israélienne. Avec une telle façon de penser, Israël ne peut pas se retirer des territoires. Il n'a pas le luxe de se retirer comme les États-Unis. C'est le fondement de la crainte suscitée par le retrait américain et en particulier par les remarques de Biden le mois dernier, lorsqu'il a déclaré : "C'est le droit et la responsabilité du peuple afghan seul de décider de son avenir et de la façon dont il veut diriger son pays. C'est une hérésie aux yeux d'Israël. Elle ébranle les fondements de la nation juive et nie son droit à une occupation idéologique qu'il considère comme l'achèvement de la vision de son établissement en tant qu'État.»

L’écrivain Yonatan Berg qui a vécu dans les Territoires occupés de Cisjordanie et n’y a pas trouvé la paix et la sécurité écrit : «Dans les Territoires, on nous oblige à développer des sentiments envers des concepts aussi abstraits que «le Pays» ou «le Peuple», à nous en émouvoir, si bien qu’on se sent directement concernés par eux ; on vit dans le mépris fondamental de toute pensée qui ne serait pas pénétrée de théologie juive….en s’érigeant contre la société israélienne de l’autre côté de la ligne verte, contre la laïcité, contre les Palestiniens, contre les contingences diplomatiques, contre l’opinion publique mondiale.»

Et le journaliste de Haaretz de conclure sur le dilemme israélien: «Parce qu'aujourd'hui, Biden parle des Afghans. Demain, il dira la même chose des Palestiniens…..Le problème est qu'Israël ne peut pas demeurer spectateur et regarder les États-Unis le laisser tomber.»

Il faut extirper «ce cancer des colonies» et de l’occupation qui conduisent droit à l’Etat d’apartheid comme le disait déjà l’ancien premier ministre israélien Yitzhak Rabin dès 1976.

Comme en Afghanistan, la Palestine doit être libérée de toute occupation.

Mohamed Larbi Bouguerra

 

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