Des histoires de pastèque
Par Ridha Bergaoui - En été, sur nos routes et en ville, partout, on voit de nombreuses camionnettes chargées de pastèques, de différents types (rondes ou allongées, rayées ou vert foncé, petite et grandes…), qui transportent ou vendent des pastèques entières ou découpées.
La pastèque est le fruit d’été par excellence. C’est certainement le fruit le plus populaire, le moins cher et le plus consommé en été. Elle est très riche en eau, désaltérante et d’un goût sucré très agréable. La pastèque est synonyme de fraicheur mais aussi de bonne humeur, de convivialité, de partage et de fête.
La pastèque, un fruit gourmand plein de qualités
La pastèque est riche en eau et a un effet rafraichissant et doux qui aide à combattre la chaleur et la soif. Elle est également riche en nutriments (vitamines, minéraux et antioxydants). C’est un aliment facilement digestible et faible en calories. Il est bon pour les régimes et peut être consommé à tout moment de la journée comme dessert, entre les repas ou en collation.
C’est un aliment sain, bon pour la santé. Il est bon pour les os, la vision, la peau et tout le système cardiovasculaire. C’est un excellent aliment pour les reins, connu pour son action diurétique et détoxifiante. Il favorise la miction et a un effet désintoxiquant.
On peut manger la pastèque de multiples façons: telle quelle, après passage au mixer (on peut y ajouter une eau gazeuse ou du jus de citron), dans des sorbets et glaces. En jus, elle est de plus en plus tendance. Mélangée à d’autres légumes et fruits, elle constitue une excellente salade. Assaisonnée avec du sel et poivre et un peu d’huile d’olive elle fait une entrée facile à préparer et très saine. On peut également la griller sur un feu doux pour renforcer sa saveur.
Aux Etats Unis, confite au vinaigre, la pastèque est utilisée comme condiment. En Russie, elle est utilisée pour la fabrication de bière. La pastèque est également utilisée comme matière première pour les cosmétiques et la parfumerie.
Tout est bon dans la pastèque. La partie blanche de l’écorce est comestible et peut être préparée de différentes façons. Sur Internet on trouve de nombreuses recettes (salées, sucrées et même de la confiture) à partir de cette partie du fruit, qu’on a l’habitude de jeter à la poubelle, riche en fibres, en vitamines et acides aminés et qui présente de nombreux bienfaits pour la santé. Les graines sont également très utiles. Séchées au soleil, elles sont très agréables à déguster à ses moments de loisir. On peut en extraire également une huile intéressante.
Les contre-indications sont très rares. Quelques personnes peuvent être allergiques à certains composants de la pastèque. Certains prétendent que la pastèque occasionne, chez les enfants, des diarrhées et des maux d’estomac. Effectivement, trop manger de pastèque peut provoquer des gênes abdominales, des ballonnements, des gaz et de la diarrhée.
La pastèque dans le monde
La culture de la pastèque remonte à très loin. On trouve des indices de sa culture dans l’Egypte ancienne d’il y a plus de 3000 ans. Originaire de l’Afrique Orientale, elle s’est répandue un peu partout surtout dans les régions à climat chaud et sec. Sa graine se conserve bien et se transporte très facilement ce qui a facilité sa propagation.
A l’origine, la pastèque était de petite taille et au gout amer. Sa richesse en eau (plus de 92%), d’où son nom en anglais «watermelon», était sa principale qualité. La pastèque est une plante rampante qui absorbe l’humidité et l’eau grâce à ses racines superficielles. En réalité la pastèque n’est pas un fruit mais un légume de la même famille «les cucurbitacées» que la courge, la courgette, les concombres…
De l’Afrique orientale, la pastèque est arrivée en Egypte et s’est répandue en orient. Elle a été introduite, au VIII éme siècle par les Arabes, en Espagne, puis en Europe.
La pastèque est appelée en Espagnol «Sandia», le Sind السند étant en arabe une province du Pakistan. Les Français l’appellent pastèque, mot qui vient de l’arabe «battikh» qui a donné « pastèque » en portugais et pastèque en français.
La pastèque est arrivée en Amérique au cours du 16éme siècle lors des conquêtes du nouveau monde.
La production mondiale de pastèque est estimée à 100 millions de tonnes dont 60 000 de tonnes sont produits en Chine. La Turquie vient ensuite avec une production de près de 4 000 tonnes destinée surtout à la consommation locale. Le reste de la production est très fragmentée. Au niveau de l’Union Européenne, l’Espagne produit environ 1 million de tonnes dont 20% sont destinés à l’exportation. Elle est suivie par la Grèce et la Roumanie.
Suite à son importance économique et sociale, de nombreux pays organisent, en été, des fêtes pour célébrer la pastèque. En Azerbaïdjan par exemple, chaque année le 3 aout, on célèbre la journée internationale de la pastèque. Au cours de cette journée, sont proposées, dans la bonne humeur et la joie, de nombreuses activités artistiques et ludiques (sculptures sur le fruit, préparation de divers plats à base de pastèques, concours pour écraser de grosses pastèques avec la tête ou cracher, le plus loin possible, des pépins de pastèque…) qui font le bonheur tant de la population locale que les touristes.
Grande variété de formes et de couleurs
Plus d’un millier de variétés de pastèque existent dans le monde. On en trouve de toutes les tailles et de toutes les formes et couleurs. La chair peut être rouge, jaune, rose et même blanche. Les graines sont noires, rouges ou blanches. Les variétés les plus courantes sont à peau lisse, chair rouge et graines noires.
Le poids d’une pastèque peut atteindre facilement 10 à 15 kilogramme et même plus. Les graines sont réparties dans toute la chair, elles sont un peu dures, gênent certains consommateurs qui sont obligés de les ôter ou de les cracher. La tendance actuelle est de sélectionner et commercialiser des variétés avec des fruits de taille moyenne à petite et sans pépins.
Les espagnols ont développé une mini-pastèque sans pépins qui pèse de 1 à 2 kilo et destinée à une consommation individuelle. Ces pastèques sont d’un goût et d’une saveur excellents et rencontrent beaucoup de succès auprès des consommateurs.
Les japonais ont fait de la pastèque un objet d’art. En plaçant les jeunes fruits dans des récipients en verre de forme cubique ou pyramidale, le fruit en grossissant épouse la forme du contenant et on obtient des pastèques en forme de cube ou de pyramide. Le fruit est plus simple à transporter, à stocker, à empiler et plus facile à découper. Malheureusement cette technique exige beaucoup de main d’œuvre ce qui élève le prix du fruit qui est commercialisé au Japon surtout comme produit d’ornement et de luxe offert lors des fêtes et événements importants.
Pastèque et politique
La pastèque a été utilisée souvent comme symbole politique. En Tunisie, en 1981, ont eu lieu les premières élections législatives pluralistes depuis l’indépendance. Le Mouvement des Démocrates Socialistes, créé par Ahmed Mestiri, participait à l’élection à côté du parti Socialiste Destourien. Le MDS, dont les listes étaient vertes, a connu un réel succès. Malheureusement les résultats déclarés ne réfléchissaient pas la réalité et le MDS n’a eu que très peu de sièges. Tout le monde parlait alors des élections « pastèque » où les feuilles entraient vertes dans les urnes mais en sortaient rouges au profit du parti au pouvoir, le PSD (comme des pastèques, vertes à l’extérieur et rouges à l’intérieur).
En Palestine, la pastèque représente un emblème de la cause palestinienne. En effet, le colonisateur ayant interdit le drapeau palestinien dans les lieux publics, les jeunes de la bande de Gaza ont décidé de porter des étendards portant des dessins de tranches de pastèque dont les couleurs sont celles du drapeau palestiniens (peau verte et blanche, chair rouge et graines noires).
Aux Etats Unis, après les guerres de Sécession, les noirs gagnaient leur vie en cultivant et vendant des pastèques devenues pour eux symbole de liberté. Les racistes blancs ont fait de la pastèque le symbole de l’afro-américain sale et paresseux. Ils les représentaient, sur des cartes postales, affamés et dévorant des tranches de pastèque.
De nos jours on continue à utiliser la pastèque en politique. Une coalition politique, gauche-communistes/écologistes, est qualifiée de « gauche pastèque », verte dehors, rouge dedans.
Culture de la pastèque en Tunisie
En Tunisie, les superficies tournent autour de 20 000 ha avec une production de 400 000 tonnes environ. Le rendement peut atteindre 40 quintaux à l’hectare. L’exportation est d’environ 12 000 tonnes expédiées vers l’Italie et la France.
De nombreuses variétés sont cultivées. On rencontre les pastèques méditerranéennes de forme sphérique de couleur sombre uniforme et des pastèques américaine, plus lourdes, de couleur marbrée et de forme allongée. Le fruit est disponible à partir du mois d’avril jusqu’au mois de septembre. La pastèque est cultivée un peu partout dans les périmètres irrigués de Sidi Bouzid, Kairouan, Gabes, Zaghouan, Siliana, Jendouba…
Les semences actuellement utilisées sont surtout des hybrides, qui ne peuvent pas être autoproduites, et proviennent des firmes semencières internationales.
On achète de moins en moins la pastèque entière. Le poids peut aller jusqu’à 15 kilogrammes ce qui nécessite d’une part un réel budget et d’autre part plusieurs jours pour totalement la consommer (avec des problèmes de conservation et des risques de détérioration de la qualité).
De plus en plus le consommateur achète, selon ses besoins, des morceaux de pastèque (moitié ou quart et même une tranche) ce qui est très pratique surtout que la taille de la famille se réduit de plus en plus. Par ailleurs, pour le Tunisien, une grosse pastèque est synonyme de maturité et de saveur. Pour avoir une idée de la maturité de la pastèque on tapote dessus. La pastèque doit résonner et sonner creux.
On reproche à la pastèque sa très grande consommation d’eau. En réalité sa culture est moins exigeante que celle de la tomate, le piment ou les dattes (12 000 m3/ha) et ne nécessite que 5 000m3 d’eau/ha.
Ridha Bergaoui
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