Expulsion de Me Salah Hamouri: quand Israël pratique impunément le nettoyage ethnique des Palestiniens
Par Mohamed Larbi Bouguerra - Israël a expulsé, dimanche 18 décembre 2022, l’avocat franco-palestinien Salah Hamouri. Ce dernier est né à Jérusalem-Est en 1985, ville occupée et annexée par Israël où il vit et travaille. Après un total de deux ans de détention arbitraire, sans la moindre charge – ce qui équivaut à un crime de guerre au regard des conventions internationales- il a été mis, menotté, dans un avion à destination de Paris, son statut de résident ayant été révoqué par la ministre de l’Intérieur sioniste Ayelet Shaked après une longue procédure pour laquelle il était représenté par la célèbre avocate israélienne Leah Tsemel, connue pour sa défense acharnée des droits de l’homme.
Né de père palestinien et de mère française, il n’avait qu’un titre de résident dans la ville sainte, titre qu’Israël a révoqué en octobre 2021 en vertu d’une loi de 2018. Pour le motif de «non-allégeance» à l’Etat sioniste !
C’est ainsi qu’Israël poursuit méticuleusement son plan d’élimination des non-juifs de la ville: depuis 1967, c’est un total de 14 000 Palestiniens qui ont été contraints de faire place nette à des colons juifs américains, français ou moldaves. C’est du reste un plan officiel de la municipalité qui fixe un quota de 70% de juifs et 30% d’Arabes dans la ville. Pour l’heure, les Palestiniens accusent un peu moins de 40%. (Le Monde, 20 décembre 2022, p. 9)
Marqué par sa détention à la prison de haute sécurité d’Hadarim- où il a été placé après avoir écrit une lettre au Président Emmanuel Macron- il a été accueilli à l’aéroport Roissy CDG par sa femme, Elsa Lefort -expulsée elle-même d’Israël en 2016 alors qu’elle était déjà enceinte de leur premier enfant- par une foule de militants, par l’ambassadrice de Palestine en France Hala Abou Hassira, par le sénateur Pierre Laurent (PCF) et le député France Insoumise Eric Coquerel. Salah Hamouri a déclaré: « Je n’ai pas souhaité ce moment. Mon droit et celui de ma famille est de vivre à Jérusalem. J’ai quitté mon âme en quittant ma patrie. C’est dur d’être arraché d’être arraché à ma patrie. A travers ma personne, c’est un processus de nettoyage ethnique dont il s’agit. L’Etat israélien utilise tous les moyens pour qu’il y ait le moins de Palestiniens sur la terre qu’il occupe.» et d’ajouter: «Je suis leur cible depuis plus de vingt ans. Ils voulaient me déporter vers la France en 2005. J’ai toujours refusé. Ils m’ont contraint à partir. De force. C’est pour faire un exemple pour montrer aux jeunes générations ce qui attend ceux qui veulent leur résister.»
Il est clair que l’I'Etat hébreu veut créer, par cette expulsion, un dangereux précédent- contraire à la Convention de Genève et au droit international. La ministre Aylet Shaked- qui est d’extrême droite- fournit ce précédent au gouvernement d’extrême droite et de sionistes religieux que préparent Netanyahou, Ben-Gvir et Smotrich, des suprémacistes et des ultraorthodoxes. Shaked qualifie l’expulsion de Hamouri de «formidable accomplissement».
Me Hamouri est poursuivi par la vindicte sioniste de puis une vingtaine d’années pour ses activités de résistant palestinien. Heba Morayef, directeur régional pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord d’Amnesty International, affirme que Hamouri a été séparé de sa famille et qu’il est constamment menacé et surveillé par les services israéliens qui ont mis son téléphone sous surveillance par le logiciel espion Pegasus. Elle réclame qu’il puisse continuer son travail de défenseur des droits humains sans peur ni harcèlement à Jérusalem. Pour Jean-Claude Samouiller, président d’Amnesty International France, cette expulsion «est une déportation. Les expulsions forcées et les détentions forcées sans charges, la séparation des famillesparticipent au crime d’apartheid que nous dénonçons.Il y a une volonté d’hégémonie sur Jérusalem-Est. On expulse les gens qui ne font pas allégeance à Israël alors qu’en droit international, une population occupée n’a pas à faire allégeance à une population occupante.» (Le Monde, 18 décembre 2022).
L’avocat franco-palestinien est membre de l’ONG Addameer déclarée hors la loi par le ministre de la Défense israélien Benny Gans.
Israël affirme qu’il est membre de FPLP mais n’a jamais pu en fournir la preuve. Me Hamouri a déjà passé sept ans en prison pour avoireu l’intention (!) de planifier un complot contre le grand rabbin sépharade d’Israël Yosef Ovadia. Ce « saint » homme, né à Bagdad et un temps président du tribunal rabbinique du Caire, demande à Dieu «d’envoyer un fléau aux Palestiniens, ces enfants d’Ismaël, ces vils ennemis d’Israël.»
Deux poids, deux mesures
Le cas de Me Hamouri illustre une fois de plus la différence de traitement réservé à la répression féroce des Palestiniens par Israël par la France et l’UE comparativement à la condamnation quotidienne des politiques de l’Iran, de la Russie ou de la Chine.
Pour bien des observateurs, dans le cas Hamouri, le Président Macron a laissé faire cette injustice et cette grave entorse aux droits d’un de ses concitoyens.
S’il est vrai que le Quai d’Orsay a condamné officiellement cette expulsion dimanche, le député LFI Eric Coquerel constate que «depuis quelque temps la France s’est enfin saisie du dossier» Hamouri, il dénonce que, durant de longs mois, Paris a non seulement joué «la grande muette» sur ce dossier mais qu’elle a même «adopté certains arguments du gouvernement israélien et laissé s’installer la confusion entre antisionisme et antisémitisme» (L’Humanité, 19 décembre 2022, p. 13).
De son côté, Pierre Barbancey, note, dans l’Humanité que «les autorités israéliennes peuvent remercier Emmanuel Macron.Le Président de la République française n’a jamais, au cours de ces longues années de harcèlement contre Salah Hamouri, exprimé publiquement sa condamnation de l’attitude d’Israël. Il n’a jamais dénoncé devant l’opinion publique l’emprisonnement de ce citoyen français. Et surtout, il n’a jamais mis en œuvre les moyens dont dispose la France pour forcer Israël à se conformer au droit international, à respecter les droits humains. Il pouvait envisager des sanctions contre Tel-Aviv, il ne l’a pas fait. Il pouvait en appeler à l’UE pour suspendre l’accord d’association avec Israël, il ne l’a pas fait. Par son attitude, Emmanuel Macron conforte le système d’apartheid israélien, l’occupation et la colonisation.Par son silence, il permet à un pays, où l’extrême droite s’apprête à entrer au gouvernement, d’humilier la France. Israël ne peut pas se placer au- dessus des lois internationales et de l’ONU. Le combat de Salah Hamouri pour le droit des Palestiniens est universel.»
Pour sa part, à son arrivée à Paris, Salah Hamouri a condamné la politique de nettoyage ethnique de l’Etat sioniste et affirmé : «Je n’ai pas peur. Je ne suis pas dissuadé. Cela ne me détournera pas de la voie de la résistance à l’occupation.» (Haaretz, 18 décembre 2022).
Dans un livre écrit avec Nordine Idir, un jeune de Clichy, «Palestine-France. Quand les jeunes résistent» (Ed. Le Temps des cerises, Paris, 2015), Salah Hamouri affirmait sa foi en une paix juste et durable en Palestine. Sans concessions ni défaitisme.
Mohamed Larbi Bouguerra
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René Beckmann sur le journal en ligne Médiapart parle de "défaite de la diplomatie française" dans le cas de l'expulsion de Me Hamouri et ajoute: "Désinvolture? Indifférence? Volonté de ne pas gêner un gouvernement ami? Emmanuel Macron et le Quai d'Orday ont été incapables de convaincre Israël, ou de le contraindre à respecter le droit international dans le dossier de l'avocat franco-palestinien."