Faut-il interdire chat GPT?
Par Ridha Bergaoui - Le numérique est une véritable révolution qui ne cesse de se développer et bouleverser complètement notre mode de vie et notre façon de nous organiser. Il n’y a qu’à voir la place que le téléphone portable occupe déjà dans nos sociétés, devenu de nos jours indispensable aussi bien pour les jeunes que les adultes. Avec Internet, les réseaux sociaux, les sites marchands… le numérique s’est révélé une véritable mine, inépuisable de ressources qui peuvent nous faciliter la vie, nous former et nous informer.
L’Internet des objets (IOT), l’intelligence artificielle (IA) et la robotique connaissent une croissance fulgurante et sont devenus des outils d’efficience économique qui vont conduire à une mutation de nos modèles de développement.
Discrète, l’IA fait désormais partie de notre quotidien. Utilisée par de nombreuses applications, elle nous facilite de nombreuses tâches du quotidien: avoir des renseignements divers, faire des achats en ligne, faire des recherches sur Internet, reconnaissance faciale…
Les chatbots (machine pour dialoguer) représentent une application intéressante de l’IA. Il s’agit de logiciels qui peuvent lire les messages, les comprendre et y répondre. Le chat GPT (ou Generative Pre-Trained Transformer) constitue, de nos jours, l’outil conversationnel le plus évolué et le plus utilisé dans le monde.
Le chat GPT d’Open AI-Microsoft peut tout faire
Chat GPT est un chatbot conversationnel de traitement de langage qui utilise l’IA. C’est un outil très puissant qui est capable de vous répondre à n’importe qu’elle question. Dans un langage humain (et dans pratiquement toutes les langues), chat GPT répond instantanément à toutes vos questions, dans n’importe quel domaine: histoire, géographie, sciences, techniques, arts et divertissement etc. Il est capable de générer des lignes de codes informatiques, de vous faire une longue dissertation sur le sujet que vous lui soumettez, de composer un poème ou de la musique selon le genre que vous lui indiquez. Il est capable de résoudre des équations mathématiques, fait également la traduction automatique, vous écrit une lettre de motivation pour une éventuelle embauche…
Bref chat GPT est très fort. Il est capable de tout faire d’une façon tout à fait correcte et satisfaisante. Il serait certainement capable d’écrire, à partir de quelques données, un roman entier, une pièce de théâtre, un scénario de film et probablement même un épisode de notre feuilleton bien célèbre «Chouf li hal».
En réalité chat GPT n’est pas super-intelligent. Ce n’est en réalité qu’un logiciel intelligemment conçu par Open AI. Sa puissance vient du fait qu’il utilise des algorithmes qui lui permettent de comprendre le langage humain et de brasser une multitude de bases de données (dont le fameux Wikipédia) pour trouver la réponse aux questions que vous lui posez. Il s’appuie sur l’IA et fait de l’apprentissage profond (deeplearning) sur de très grandes quantités de données pour acquérir des connaissances nécessaires et affiner les réponses adéquates à vos interrogations.
Les limites de chat GPT
Les performances de chat GPT sont tellement impressionnantes que des millions d’utilisateurs dans le monde l’ont adopté dès les premières semaines de son apparition en novembre 2022. Disponible actuellement gratuitement sans frais, sa facilité d’utilisation représente un avantage certain. Il est accessible pour tous, il suffit d’aller sur le site officiel d’Open AI et d’indiquer votre adresse email et votre numéro de téléphone pour recevoir un code d’accès et commencer votre «chat». Chat GPT n’est actuellement pas disponible en format iOS ou Android mais uniquement sous le système d’exploitation Windows.
Le chat GPT peut générer des erreurs des informations incomplètes ou de fausses informations, raison pour laquelle il ne doit pas être comme une source d’information complètement fiable. La réponse peut également être imprécise, vague et incomplète. Elle dépend en grande partie de la pertinence, de la clarté et de la précision de la question posée.
Chat GPT est un outil perfectible. Au fil du temps et de l’usage, ses concepteurs ne cessent de l’améliorer et de corriger ses faiblesses et ses failles (tant sécuritaires qu’au niveau du langage) et d’éviter toutes les expressions en rapport avec le racisme, l’antisémitisme, l’homophobie, la violence et tout ce qui peut représenter une atteinte à la morale.
Chat GPT soulève pourtant des inquiétudes
Elaboré pour nous faciliter la vie, le chat GPT soulève toutefois certaines inquiétudes et réserves en raison de son usage possible à des fins malveillantes, de fraudes et de plagiat, d’atteinte au droit d’auteur. Les craintes et les réserves les plus graves ont été faites surtout par le personnel enseignant et au niveau de l’université. Le recours, des élèves et étudiants, à ce logiciel pour réaliser leurs devoirs et travaux personnels à la maison ou pour les examens et les entretiens à distance inquiètent.
De nombreux cas de plagiat ont été signalés. Tout récemment, les médias Français ont rapporté le cas d’une vingtaine d’étudiants de l’université de Strasbourg qui avaient triché lors d’un examen à distance en copiant tout simplement la réponse donnée par chat GPT. L’enseignant s’est heureusement aperçu de la fraude et les étudiants ont dû repasser leur examen en présentiel. A Lyon, la moitié d’une classe a triché lors d’un devoir à domicile donné par l’enseignant, les copies étaient presque identiques. On rapporte également le cas d’un étudiant Russe qui s’est fait rédiger l’intégralité de sa thèse par chat GPT. Les enseignants se sont rendus compte de la triche mais n’ont pu punir le candidat en l’absence d’une interdiction de l’utilisation de ce logiciel par l’université.
Face au danger de la triche et du plagiat, de nombreux établissements et universités interdisent l’usage de chat GPT avec possibilité d’exclusion de l’étudiant en cas d’utilisation avérée. C’est le cas de l’université Sciences Po à Paris, de certaines écoles de New-Yorket en Australie. D’autres universités dans d’autres pays emboitent le pas et se dirigent vers l’interdiction de l’utilisation de caht GPT (Inde, Grande Bretagne...). Les enseignants et chercheurs sont également appelés à ne pas s’en servir dans leurs publications ou de le citer comme référence bibliographique.
La fraude est aussi vieille que l’humanité
Il faut reconnaitre que la fraude et le plagiat ont toujours existé. Toutefois, avec le numérique, les NTIC et les grand progrès réalisés dans le domaine de l’électronique et face à la massification de l’enseignement et la croissance du nombre des élèves, la tendance à la fraude ne cesse de s’aggraver. Il n’y a qu’à voir, chez nous et à chaque année, le nombre de tentatives de fraudes au baccalauréat et l’équipement ultra moderne et sophistiqués des kits utilisés.
Au niveau de l’université, la plupart des enseignants et des responsables évitent de soulever la question de la fraude pour ne pas mettre en cause le sérieux de l’enseignement et la valeur des diplômes délivrés. Pourtant le plagiat existe bel et bien aussi bien du côté des étudiants que du côté des enseignants. Face à l’importance de la tendance, le Ministère de l’Enseignement Supérieur a dû publier un décret (Décret 2422 du 23 juin 2008) pour combattre le plagiat en milieu universitaire.
En réalité, la fraude est une mentalité et la lutte contre ce fléau doit passer, dès le jeune âge, par une éducation au respect du droit d’auteur et de la propriété intellectuelle. Malheureusement le droit d’auteur est chez nous actuellement complètement ignorée et bafoué par l’Etat même censé protéger les artistes, les créateurs et les inventeurs.
Interdire chat GPT c’est refuser le progrès
Chat GPT est un outil très puissant et source instantanée d’informations parfois précieuses. Il peut être utilisé avantageusement pour l’enseignement et la formation. Interdire ou restreindre son utilisation serait une aberration et un non-sens. On ne peut arrêter le progrès. Il faut se rendre compte que chat GPT n’est qu’un début. D’autres, logiciels encore plus puissants et plus intelligents vont certainement suivre. Google se prête déjà à lancer un nouveau système conversationnel (appelé Bard) pour faire face à chat GPT.
Afin de lutter contre l’utilisation malveillante et abusive de chat GPT, il n’est pas nécessaire de l’interdire. Il est actuellement possible de détecter le plagiat par chat GPT en cas de similitudes de plusieurs copies même après reformulation du texte. Des logiciels de détection de l’écriture automatique d’un texte peuvent être utilisés au même titre que les logiciels anti-plagiat souvent utilisés par les universités. La structure monotone et répétitive des phrases est fortement révélatrice.
Les enseignants et les Universités doivent également s’adapter, changer leurs méthodes d’enseignement et d’évaluation et tenir compte de l’évolution technologique que nous sommes en train de vivre. Il s’agit d’apprendre à se servir correctement de ces nouveaux outils conçus pour nous aider à travailler plus efficacement dans un monde en perpétuel changement et mutation technologique et de privilégier le raisonnement à la mémorisation.
A la question «l'intelligence artificielle et les robots peuvent-ils remplacer l'homme?», chat GPT m’a répondu:
«L’intelligence artificielle et les robots peuvent automatiser certaines tâches qui étaient auparavant effectuées par des humains, mais ils ne peuvent pas remplacer complètement l’être humain. Les machines peuvent être très performantes pour des tâches spécifiques telles que les calculs complexes ou la répétition de tâches fastidieuses, mais elles manquent de la capacité d’adaptation, de la créativité et de la capacité d’interagir avec le monde qui est unique à l’être humain. Il est donc probable que dans un avenir proche, l’IA et les robots seront utilisés en complément de l’être humain pour les aider dans leur travail et les rendre plus efficaces, plutôt que les remplacer complètement.»
A propos de ce qu’il y a après la mort, le paradis et l’enfer, chat m’a répondu qu’il n’a pas d’opinion personnelle sur des sujets religieux ou spirituels ni sur des questions sociales ou éthiques non plus.
Ridha Bergaoui
- Ecrire un commentaire
- Commenter