News - 17.07.2023

Une information nutritionnelle transparente pour une meilleure santé du citoyen

Une information nutritionnelle transparente pour une meilleure santé du citoyen

Par Ridha Bergaoui

1- La relation entre le régime alimentaire et l’état de santé chez l’homme n’est plus à démontrer. Il y a plus de 2000 ans, Hippocrate, le père de la médecine moderne mettait en avant l’importance de l’alimentation dans la santé. De nos jours, des études scientifiques très sérieuses ont montré l’existence d’une corrélation positive entre la richesse de notre alimentation en acides gras saturés, sucre et sel et les pathologies chroniques comme l’obésité, le diabète et les maladies cardiovasculaires.

2- En Tunisie, l’obésité est fréquente et ne cesse de s’aggraver. Presque la moitié de la population est en surpoids. L’obésité touche les adultes mais également les enfants. Elle est plus répandue chez les femmes que chez les hommes. L’obésité est un facteur de risque du diabète et des maladies cardiovasculaires.

3- Grace à la compétence de nos industriels et leur dynamisme, la Tunisie a fait un grand progrès en matière de qualité sanitaire des aliments (microbiologique, physique et chimique). Les cas d’intoxications, de rappel des produits…sont très rares. La qualité nutritionnelle demeure toutefois très médiocre. Comparés à des produits importés du même type, les produits fabriqués localement, quoique beaucoup moins chers, sont généralement de moins bonne qualité nutritionnelle.

Nécessité d’un système d’information nutritionnelle sur les produits alimentaires

4- Dans les grandes surfaces ou les petits commerces, les produits s’entassent sur les étalages. De nombreuses marques sont présentes avec généralement une petite variation du prix. Devant cette diversité de l’offre, le consommateur se trouve généralement embarrassé et ne sait quel produit acheter. Le prix, une expérience précédente ou un simple mimétisme sont parmi les critères du choix. En aucun cas, la composition ou la valeur nutritionnelle du produit ne sont pris en compte.

5- La composition nutritionnelle, quoi qu’elle figure sur l’emballage, est rédigé en caractères tellement petits qu’elle est illisible et qu’il faut s’équiper d’un bon microscope pour arriver à la déchiffrer. Sans parler de noms scientifiques barbares pour le commun des consommateurs ou des lettres et des chiffres du type E 123 des additifs ajoutés. Elle est généralement exprimée, pour 100g, en kcal pour l’énergie et des quantités de protéines, sels, minéraux… Ces indications ne sont pour le consommateur d’aucune utilité et ne lui permettent nullement de comparer les produits et de prendre une décision de choix basée sur des critères objectifs et clairs. Par ailleurs, en faisant ses courses, le consommateur est le plus souvent pressé et stressé. Il n’a pas le temps de lire l’étiquetage et doit prendre sa décision d’achat rapidement.

6- Il faut reconnaitre que l’aspect nutritionnel des produits alimentaires n’est pas la préoccupation majeure de l’industriel dont l’objectif est de fabriquer un produit qui réponde aux normes et à la réglementation en vigueur et au prix le plus bas. Etant des composés bon marché, sucre, sel et huiles végétales bon marché, sont utilisé en très grandes quantités. Ce sont ces composants qui, en excès, sont à l’origine de l’obésité, diabète et pathologies cardiovasculaires et sont à combattre. Un système qui informe le consommateur sur les degrés de présence de ces composants dans le produit permet de l’aider à s’orienter vers les produits moins nocifs pour sa santé.

7- Un système d’information nutritionnelle sur les produits alimentaires, opposé sur la face visible de l’emballage, serait très utile pour le consommateur pour prendre sa décision non seulement en fonction du prix ou de la qualité de l’emballage ou d’autres critères purement subjectifs mais sur des bases plus objectives et plus rationnelles. Le système doit être simple, clair, facilement lisible et compréhensible pour le consommateur quel que soit son niveau intellectuel ou son milieu social. Les codes graphiques de couleurs sont généralement plus efficaces et plus faciles à lire et interpréter.

Le système «Nutri-score»

8- Dans de nombreux pays, divers systèmes d’information nutritionnelle figurent sur l’emballage des produits alimentaires. Plusieurs systèmes sont proposés. Le système le plus utilisé par de nombreux pays en Europe est le système Français du «Nutri-score». Mis en place initialement en France en 2016, le système a été adopté également par la Belgique, l’Espagne, l’Allemagne, la Suisse, le Luxembourg et les Pays-Bas.

9- Le Nutri-score a été initialement mis au point en France, dès 2014, par l’équipe du professeur Serge Hercberg, ancien président du programme nutrition santé. Il concerne presque tous les aliments transformés et toutes les boissons à l’exception des boissons alcoolisés. Ce système ne concerne pas les produits non transformés comme les fruits, légumes, viandes…

10- Pour 100 g du produit concerné, un algorithme permet de calculer un score en se basant d’une part sur les facteurs nutritionnels négatifs à limiter comme les teneurs en énergie, les acides gras saturés, les sucres simples et le sel et d’autre part sur les facteurs nutritionnels à favoriser comme les fibres, les protéines, les fruits et légumes, légumineuses et fruits à coque... Le Nutri-score comporte une échelle de 5 couleurs allant du vert au rouge, chacune est associée à une lettre de A à E. Les produits ayant la couleur verte correspondant à la lettre A sont les plus conseillés, ceux portant la couleur rouge avec la lettre E sont à éviter.

11- Le système, simple, facile à lire et à interpréter a connu beaucoup de succès. Il aide les consommateurs à choisir, lors de ses courses, des produits de meilleure qualité nutritionnelle. Il permet également aux industriels à revoir la composition de leurs produits afin d’améliorer la qualité nutritionnelle.

12- Quoique l’adhésion à ce système soit maintenue volontaire, dès son apparition, le Nutri-score a été vivement critiqué, mis en cause et combattu par les lobbys de l’industrie agroalimentaire et des associations de défense des produits de terroir. Ces anti-Nutri-score n’ont bien sûr aucun intérêt à être transparents et de donner au consommateur des informations sur les risques nutritionnels au risque de voir chuter leurs chiffres d’affaire. Toutefois plusieurs industriels, qui étaient au début contre ce système de score et l’ont même combattu, ont finalement reconnu son utilité et l’ont définitivement adopté. Certains scientifiques et institutions sanitaires pensent que le Nutri-score est un gage de transparence pour le consommateur et qu’il faut le rendre obligatoire.

13- La mise en place du Nutri-score a été menée par les autorités sanitaires, les scientifiques, les industriels et des représentants des consommateurs. Tous convaincus de la nécessité de promouvoir des modes alimentaires saines afin de combattre les pathologies chroniques. Préserver la santé du citoyen permet de lui épargner des dépenses de santé et de médicaments et de réduire, au niveau du pays, les dépenses de santé publique directes et indirectes. Comme tout nouveau système, il a nécessité des campagnes d’information, d’explication, de sensibilisation, d’éducation et d’encadrement du consommateur pour l’adopter et le généraliser.

14- Le nutri-score est un outil de comparaison de la qualité nutritionnelle des aliments. Il faut comparer des aliments comparables qui peuvent se substituer entre eux, du même type soit ayant le même usage et se trouvent le plus souvent dans le même rayon soit à l’intérieur du même groupe soit des aliments du même type mais de marques différentes. On ne peut pas comparer pas comparer par exemple des sardines avec des biscuits. Toutefois si deux boites de sardines présentent un score différent C et D, le consommateur a intérêt à acheter la boite de sardine du score C, le plus faible et le moins mauvais pour sa santé.

15- Sachant qu’aucun système n’est parfait en tous points, le nutri-score présente certaines faiblesses et failles, il est perfectible et l’algorithme utilisé pour calculer le score est constamment amélioré compte tenu des nouvelles données scientifiques. Son efficacité et son intérêt n’est plus à démontrer. Son adoption par de nombreux pays est la preuve de son intérêt. Des études ont montré qu’avec l’adoption du Nutri-score, les ventes des produits alimentaires des classes D et E ont sensiblement diminué.

16- Avec l’urbanisation, le travail et le mode de vie moderne, le Tunisien, tout le temps sous pression, est enclin à consommer de plus en plus des aliments industriels transformés. Les industries agroalimentaires sont en plein boom et ont réalisé d’énormes progrès. L’offre en produits alimentaire sur les rayons des magasins est très variée et diversifiée. Un système d’information sanitaire serait intéressant pour aider rapidement le consommateur à prendre sa décision et passer à l’acte d’achat. Ce système serait important à la fois pour le consommateur qui achèterait des aliments favorables à sa santé (sans qu’ils ne soient diététiques), à l’industriel pour améliorer la qualité nutritionnelle de ses produits et réduire les apports de sel et de sucre et huiles végétales. Il est également avantageux pour le pays suite à une réduction des frais de santé et des citoyens en bonne santé et performants.

En guise de conclusion

17- L’information nutritionnelle vient en complément à l’étiquetage et à la surveillance de la qualité sanitaire des aliments. Le système graphique d’information nutritionnelle peut être un élément d’une stratégie nationale de prévention et de lutte contre les maladies comme l’obésité, le diabète et pathologies cardiovasculaire. Cette stratégie doit comprendre également l’appel à l’activité physique, la lutte contre le tabagisme et l’éducation nutritionnelle du consommateur pour une alimentation saine et équilibrée.

18- L’adoption d’un système graphique d’information nutritionnelle est très importante et urgente. Le Nutri-score est un système de plus en plus utilisé dans les pays de l’Union Européenne. Il revient aux autorités médicales nationales et aux responsables politiques de juger de l’intérêt de son adoption ou d’opter pour un autre système du même genre. La mobilisation de tous (corps médical et autorités sanitaires, industriels, consommateurs et politiques/décideurs) serait indispensable pour la réussite d’une telle entreprise.

19- La Tunisie a une expérience réussie en matière d’information graphique. Il s’agit d’u système d’information énergétique pour l’électroménager qui rappelle un peu le Nutri-score. En effet, depuis 2009, un programme de certification énergétique des équipements électrodomestiques, piloté par l’ANME, a permis « d’instaurer l’obligation de l’étiquetage énergétique des appareils commercialisés sur le marché local afin d’informer les ménages lors de l’acquisition de ces appareils de leurs performances énergétiques… Ce programme prévoit, dans une deuxième étape, l’élimination progressive du marché, les équipements consommateurs d’énergie ». Le logo utilisé pour informer les consommateurs comprend 8 classes énergétiques de 1 à 8 correspondants à des couleurs allant du bleu au rouge.

Le chiffre 1 correspond aux équipements les plus économes d’énergie et le 8 aux plus énergivores. Ce programme permet d’aider le citoyen dans le choix de ses appareils électroménagers et le sensibiliser à la question environnementale. Le citoyen a intérêt d’acheter des équipements économes d’énergie se trouvant dans les trois premières classes même si c’est plus cher que d’autres du bas du logo mais meilleur marché.

20- La mise en place d’un tel système pour l’information nutritionnelle couterait certainement cher. Toutefois les bénéfices en vies humaines, santé des citoyens et dépenses de santé publique seront beaucoup plus importants.

Ridha Bergaoui

 

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