Tunisie: Nos oliviers, un précieux patrimoine en danger
Par Ridha Bergaoui - Cette année, la récolte des olives n’est pas finalement aussi mauvaise qu’on l’avait prévu suite à la rareté de la pluie et à la sécheresse qui dure depuis plus de quatre ans. L’objectif est d’atteindre 200 000 tonnes d’huile (soit environ 1 million de tonnes d’olives) contre seulement 180 000 t l’année dernière. La plus grande partie, soit 60%, provient du Centre et du Sud du pays. Kairouan et Sidi Bouzid représentent à eux seuls 32% de la production nationale.
Selon le ministère de l’Agriculture, des Ressources hydriques et de la Pêche (Marhp), les campagnes nationales de lutte contre les ravageurs et les maladies de l’olivier sont à l’origine de l’amélioration de la production observée cette année. L’irrigation d’appoint, effectuée par les agriculteurs pour remédier au manque de pluie, et l’entrée en production de nouvelles plantations sont probablement également responsables de cette performance, sachant que 55 % de la récolte est issu du secteur irrigué.La superficie occupée par l’olivier est estimée à 2 millions d’ha (soit 40% de la surface agricole utile) et 107 millions de pieds (plus de 300 000 exploitations). La production avait atteint, en 2021-2022, 240 000 tonnes dont 80% de la qualité extravierge. Les exportations ont atteint 208 000 tonnes dont seulement 13% conditionnées, le reste en vrac. L’huile biologique représente 25% des exportations. Le prix moyen à l’export est de 11,940 dinars/kg (11,720 DT/kg pour le vrac et 16,690 DT/kg pour le conditionné). Parmi les pays importateurs de l’huile tunisienne figurent l’Espagne (58,5%), l’Italie (24,4%), les Etats-Unis d’Amérique et le Canada. La moyenne de la production des dernières années se situe à 192 000 tonnes, avec des variations très importantes en rapport avec les fluctuations de la pluviométrie d’une part et la tendance de l’olivier à la saisonnalité et l’alternation de la production d’autre part.
Prix de l’huile et exportation
Le prix de vente de l’huile d’olive dépend essentiellement de la conjoncture économique internationale du marché de l’huile d’olive. Il est marqué cette année par une forte baisse de la production suite à la sécheresse, surtout en Espagne, le plus gros producteur d’huile d’olive (plus de 1million de tonnes en année moyenne). Mais aussi, une demande internationale de plus en plus importante en raison d’une sensibilisation des consommateurs aux bienfaits de l’huile d’olive et un n manque de réserves d’huile des années précédentes. Ces facteurs vont induire une augmentation sensible du prix de l’huile d’olive par rapport à l’année dernière.Ces prix élevés de l’huile d’olive doivent bénéficier aux producteurs dont les charges, particulièrement de la cueillette et de la trituration, deviennent de plus en plus importantes, surtout que la plupart de nos oliveraies sont exploitées d’une façon traditionnelle. C’est aussi un facteur déterminant dans l’extension de la culture de l’olivier et les efforts de l’agriculteur de maintenir ses oliviers en bon état malgré les conditions de sécheresse difficiles.
Aligner le prix local de l’huile sur le prix à l’export pourrait paraître pénalisant pour le consommateur tunisien. Le consommateur européen bénéficie en effet d’un pouvoir d’achat beaucoup plus important. Le faible taux de change du dinar face aux devises étrangères représente également un facteur biaisant. Le consommateur tunisien risque de se retrouver, en plus de la pénurie de nombreux produits (huile de soja subventionnée, lait, semoule, café, sucre, riz…), privé d’huile d’olive et de ses bienfaits, contraint de se contenter de l’huile de soja de beaucoup moins bonne qualité. L’Office national de l’huile, afin d’éviter la spéculation, doit réserver une bonne quantité d’huile pour le marché local promouvoir des actions de vente directe aux consommateurs à des prix raisonnables.Par ailleurs, de nombreuses voix s’élèvent pour appeler à revoir la politique nationale en matière d’huiles végétales et demandent de privilégier le marché local, tout en réservant à l’huile d’olive la subvention destinée à l’huile de soja. Il faut reconnaître que dans le contexte actuel, l’exportation de l’huile d’olive est la principale source de devises pour le pays, et il est difficile de s’en passer. Cette exportation est indispensable pour l’équilibre de la balance commerciale. Selon l’Office national de l’huile (ONH), du 1er novembre 2022 au 31 aout 2023, l’exportation de l‘huile d’olive a généré près de 3 000 millions de dinars.
Aussi, le secteur de l’olivier occupe plus de 1 million de personnes qui interviennent au niveau de l’entretien des oliveraies, la cueillette et la trituration des graines.
Beaucoup a été fait pour moderniser la filière oléicole, l’encourager et la promouvoir. L’olivier souffre et les dégâts sont déjà très importants. On attend désespérément la pluie qui tarde à venir, la sécheresse et la chaleur ne sont nullement pressées de partir. Ce n’est pas uniquement l’olivier qui est menacé mais tout l’écosystème (agriculteurs, huileries, commerçants, ouvriers…). Arroser un peu pour sauver ce qui reste semble raisonnable, mais d’où apporter l’eau nécessaire, alors que les barrages et les nappes sont à sec et que la pluie tarde à venir ? La désalinisation des eaux saumâtres et de l’eau de mer, tout en faisant appel à l’énergie solaire semble notre seul salut.
Ridha Bergaoui
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Merci Si Ridha pour cet excellent article qui révèle pas mal de faits et de contraints concernant notre important patrimoine historique que je défends parce que j’aime l’olivier depuis mon enfance grâce à ma défunte grand-mère qui m’avait appris la cueillette des olives et que je pratiquais constamment en dépit de mes périples internationaux en tant que Chercheur Scientifique. La Tunisie et son patrimoine d’oliveraie est rangée 4eme après l’Espagne, l’Italie et la Grèce. Mais nous sommes les premiers producteurs mondiaux par tête d’habitant. Alors, il est inadmissible que certains citoyens tunisiens ne consomment presque pas d’huile d’olives que le le gouvernement de leur pays exporte à bas marché pour des devises étrangères. J’ai vérifié que le litre d’huile coûte le même prix dans les supermarchés français que ceux en Tunisie (environ 10 € en France ou 26 dinars en Tunisie). Alors, pourquoi ne subventionne-t-on pas notre huile pour celles et ceux qui ne peuvent pas se l’offrir ? N’ont-ils pas droit de goûter à cette huile en tant que citoyens tunisiens? En ce qui concerne la devise étrangère pour le secours du budget de l’Etat, rappelons que ce sont bien les travailleurs tunisiens résidents à l’étranger qui contribuent le plus à envoyer cette devise au pays. Concernant le manque d’eau, en plus d’investir dans la technologie de déstalinisation qui est nécessaire, comme vous le suggérez, je voudrais aussi rappeler que la plus grande réserve mondiale d’eau se trouve profondément dans notre Sahara maghrébine. Il suffit d’investir aussi dans la technologie appropriée pour l’extraire de sa profondeur.