O France, pays des Lumières: Quand l’Histoire trébuche
Par Aïssa Baccouche - Nous avons toujours eu une certaine idée de la France. La France des Lumières, la France des libertés, la France des droits de l’homme, bref la France des valeurs tel qu’en lui-même, André Malraux (1901-1976) égrenait dans un discours lyrique prononcé, en présence du général de Gaulle lors du transfert des cendres de Jean Moulin (1899-1943) héros de la résistance, sur le parvis du Panthéon au Quartier Latin. J’y étais.
Cette France-là nous rassurait et nous réconfortait dans notre conviction que le pays des Gaules était la puissance phare de la Méditerranée. De ce fait il lui revenait un certain nombre de charges et d’obligations à l’égard de ses riverains et particulièrement de ceux qui constituent son aire «géoculturelle».
Par-delà toutes les vicissitudes de l’Histoire, les pays nord-africains puisqu’il s’agit d’eux, ont souvent tissé avec l’ancienne métropole des relations d’amitié, de coopération et même d’entente. Lors des grands moments de vérité, notamment au cours des deux dernières guerres mondiales, ils en ont même payé le tribut. Ce souvenir de ces terribles épreuves immortalise à jamais la contribution de nos aïeux à la libération de la France du joug nazi.
Mais loin de dresser un bilan historique qui, en la matière, est éminemment édifiant, il importe maintenant de regarder le présent et de scruter l’avenir.
Aujourd’hui que la France de M. Macron s’écarte, en titubant, du sillon gaulliste, il est permis de croire que l’Histoire trébuche et qu’elle marche à reculons. On se croirait en 1956 quand M. Guy Mollet (1906-1975) s’engouffra aux côtés de l’Angleterre et Israël dans le trinôme auteur du raid sur Suez en Egypte et qui tourna à la débandade.
Pourtant le général de Gaulle avait bien tranché lors du conseil des ministres tenu le 2 juin 1967 c’est-à-dire à la veille de la guerre des six jours.
«Nous n’avons pas d’engagement dans cette affaire vis-à-vis de personne. Les choses ont changé depuis 1956; nous ne sommes plus les alliés d’Israël»*
Quand l’irréparable eut lieu le 15 juin 1967, de Gaulle en conseil des ministres tenu le 15 juin déclara: «je voudrais que les français, dans cette affaire, voient leur intérêt national avant tout. Quand nous avons prôné la modération, les Arabes nous ont écoutés. Pas les Israéliens que nous avons pourtant prévenus contre les succès militaires que leur assure leur armement. Nous ne pouvons admettre d’entériner des conquêtes territoriales.
Le spectacle des réfugiés arabes mourant de soif et sans recours est tragique. Il y a un vrai ghetto à Gaza (Déjà !)
Les conséquences morales et politiques du drame préseront lourd. Au cours du conseil suivant tenu le 21 juin le général donne l’estocade finale: «Nous tenons pour nuls et non avenus les résultats militaires obtenus par Israël. Faute de quoi, si l’on avalise ces actes, on va à la guerre mondiale».
Voilà la messe est dite par le plus illustre des résistants de France contre l’occupant allemand.
Sommes-nous alors à des années lumières (sic) de la France, pays ami et proche et qui dut, à deux reprises combattre pour recouvrer un morceau de son territoire (l’Alsace et la Lorraine) spolié par une puissance arrogante et sûre d’elle-même ? Ou bien, comme l’énonçait Blaise Pascal (1623-1662) il y a vérité en deçà des Pyrénées et erreur au-delà!
Les palestiniens, n’ont-ils pas eux aussi le droit – et le devoir – de combattre pour récupérer non pas une partie de leur territoire, ou ce qui en reste, mais tout simplement une patrie.
La France, nous dit Mr Lecornu, ministre des armées, ne participe pas aux hostilités à Gaza. Elle ne fait que renseigner les armées israéliennes. Nuance! La langue française – est friande de ce genre de subtilités.
L’un de nos maîtres au collège Sadiki, Mr. Matri, ne cessait de nous interpeller pendant le cours d’Histoire: «Qu’est-ce que cela signifie?». Il aurait répondu à ce propos, «renseigner, cela signifie tout simplement être, à tout le moins de connivence».
A Sadiki, comme en Sorbonne, nous étions férus de la langue de Voltaire et de Victor Hugo, mais encore de Paul Eluard (1895-1952) le chantre de la liberté:
«Sur toutes les pages blanches
Sur toutes les pages lues,
Pierre, sang, papier ou cendre.
J’écris ton nom»
Et de Boris Vian (1920-1957):
«Mr le Président,
C’est pas pour vous fâcher
Il faut que je vous dise
Les guerres sont des bêtises
Le monde en a assez»
Combien d’enfants palestiniens doivent périr pourra étancher la soif de vengeance des prépondérants de Tel-Aviv après le déluge du 07 Octobre?
Les chroniqueurs de France et de Navarre qui paradent dans les plateaux TV peuvent-ils éclairer, à ce sujet, nos lanternes, eux qui sont si prompts à louer le guerrier en chef d’Israël pour son geste magnanime de suspendre ses raids meurtriers pendant quatre heures par jour.
Pour les autres vingt heures: silence, ou tue!
Aïssa Baccouche
* Toutes les citations sont tirées du tome 3 du livre «c’était de Gaulle» d’Alain Peyrefitte (1925-1999) paru chez Fayard en l’an 2000.
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