Diagnostic et solutions pour le développement des paiements électroniques en Tunisie
Par Neyer Memmi
Le constat: La Tunisie à la traîne dans le développement du paiement électronique
La Tunisie accuse un retard dans le développement du paiement électronique par rapport à ce qui se fait dans le reste du monde, et les Tunisiens ne sont pas encore habitués à cette pratique. Quelles sont les raisons à l'origine de ce retard ?
Tout d'abord, le paiement électronique peut être défini comme tout paiement réalisé sur internet ou via un réseau de télécommunications, également connu sous le nom de paiement mobile. Il peut être effectué avec une carte bancaire sur un terminal de paiement chez un commerçant, sur un ordinateur avec une connexion internet pour accéder à un site marchand, ou sur un smartphone via l'application d'un commerçant. En Tunisie, l'introduction de la monétique a été facilitée par le secteur du tourisme. En effet, les touristes porteurs de cartes internationales devaient avoir la possibilité de les utiliser. Par la suite, les banques ont commencé à émettre des cartes de paiement et de retrait, tout en développant un réseau d'acceptation en installant des terminaux de paiement électronique chez les commerçants.
Cependant, le constat est clair: il y a un retard dans le développement des paiements électroniques en Tunisie. Les statistiques ont certes évolué, mais elles restent en deçà des attentes par rapport à ce qui se passe dans le reste du monde.
Plusieurs raisons expliquent cette situation:
1. Le taux de bancarisation en Tunisie est encore bas, ce qui limite l'émission de cartes bancaires. C'est pourquoi les autorités ont mis en place une stratégie d'inclusion financière, dans laquelle les paiements électroniques jouent un rôle important.
2. Les habitudes de paiement sont fortement influencées par l'aspect culturel. La préférence pour l'utilisation des espèces persiste dans de nombreux pays, y compris en Tunisie. Même lors de l'utilisation d'un instrument de paiement électronique, les retraits d'espèces sur les distributeurs automatiques des banques dépassent largement en nombre et en valeur les achats chez les commerçants. De plus, dans le commerce électronique, la majorité des paiements sont effectués en espèces lors de la livraison à domicile.
3. L'adhésion des commerçants de proximité à l'acceptation des cartes n'est pas unanime. Un grand nombre de terminaux de paiement restent inactifs en raison du montant élevé des commissions que certains commerçants compensent en augmentant les prix. Cette pratique est mal acceptée par les clients, qui évitent ainsi les paiements par cartes.
4. La qualité du réseau de télécommunication est un autre facteur. Les transactions de paiement électronique nécessitent une connexion stable, et toute interruption, aussi minime soit-elle, peut compromettre la bonne finalisation de la transaction et causer des problèmes pour le client.
5. Les lacunes en matière de culture financière des Tunisiens rendent les instruments de paiement électroniques complexes, en particulier le paiement mobile, qu'ils jugent difficile à utiliser ou hors de leurs capacités en termes de pouvoir d'achat.
6. L'acceptation du paiement mobile n'est pas généralisée, ce qui limite son utilité en tant que produit.
7. Le cadre réglementaire des paiements électroniques comporte des conditions contraignantes, certaines imposées par les normes internationales (KYC-RGPD-PCIDSS) et d'autres au niveau national, telles que le montant de capital minimum pour les établissements de paiement ainsi que les soldes des comptes dans les portefeuilles électroniques.
Face à ce diagnostic, les solutions suivantes peuvent accélérer le développement et la démocratisation du paiement électronique :
1. Poursuivre les actions visant l’objectif de l’inclusion financière, avec un rôle important des pouvoirs publics.
2. Les émetteurs des instruments de paiements électroniques doivent vulgariser leurs produits et rendre l’expérience client plus simple et pratique.
3. Inciter les commerçants à l’usage du paiement électronique en leur accordant des abattements fiscaux, des réductions de taux de TVA pour les articles payés par e-paiement.
4. Encourager les commerçants à offrir des remises en cas de e-paiement.
5. Les banques doivent élargir leurs domaines de prospection à de nouveaux secteurs qui ne font pas partie de leurs réseaux d’acceptation comme des petits commerces de proximité, les médecins, les moyens de transport.
6. Les émetteurs et accepteurs doivent trouver des solutions techniques adéquates pour éviter les problèmes de connexion.
7. Multiplier les actions de culture financière. A cet égard l’observatoire de l’inclusion financière OIF vient de lancer une plateforme d’éducation financière destinée à rendre facilement compréhensible tout produit financier et instrument de paiement y compris ceux électroniques.
8. Les réglementations relatives aux paiements électroniques doivent être facilitatrices et en harmonie avec l’environnement tout en respectant les règles de sécurité y compris celles internationales.
Il est impératif de mobiliser toutes les parties prenantes en mettant en avant les pouvoirs publics en premier lieu car ils disposent du pouvoir fédérateur nécessaire pour atteindre les objectifs. A ce sujet, plusieurs projets en cours pourraient contribuer à édifier cette démarche. Parmi eux, le projet de restructuration de la SMT et du switch monétique mobile ainsi que le projet de digitalisation des paiements des droits et taxes douanières.
Par rapport à la situation des paiements électroniques à l’échelle internationales, la Tunisie doit s'adapter rapidement à cette évolution afin de maintenir sa compétitivité et de répondre aux attentes changeantes des consommateurs. L'incorporation de ces services ne se limite pas à l'amélioration de l'efficacité des transactions financières, elle constitue également un levier essentiel pour stimuler le développement économique en favorisant l'inclusion financière et en simplifiant l'accès aux services bancaires.
Les besoins des consommateurs sont profondément influencés par l’évolution rapide de la technologie, la mondialisation croissante et les nouveaux modes de consommation. Les consommateurs sont friands de solutions rapides, pratiques et sécurisées. Ils exigent des services accessibles n’ importe où et à tout moment, les solutions mobiles, les applications et les plateformes en ligne offrent cette flexibilité. Avec l'augmentation des transactions en ligne, la sécurité revêt de plus en plus d’importance. Les services financiers électroniques doivent intégrer des protocoles de sécurité robustes et fiables pour gagner la confiance des utilisateurs. L’utilisation de l’intelligence artificielle est désormais monnaie courante, elle permet l'analyse de données pour personnaliser les offres, suggérer des produits financiers pertinents et fournir des conseils personnalisés. Les solutions électroniques peuvent jouer un rôle crucial en élargissant l'accès aux services financiers, notamment pour les populations sous-bancarisées ou non bancarisées.
L'intégration des services financiers permet l'adaptation aux demandes émergentes des consommateurs, favorise l’agilité, la fluidité des transactions et le développement économique. Elle nécessite l’interconnexion des systèmes, l’adoption de technologies avancées, le concept d’open-banking, des plateformes numériques unifiées, la sécurité et la conformité, la sensibilisation des utilisateurs et l’innovation continue.
Enfin, l'adoption de services financiers électroniques représente une réponse proactive à ces besoins, en développant des solutions à la fois modernes, flexibles et orientées client.
Neyer Memmi
Expert en Monétique
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