Mounir Rejiba - Tunisie - UE: Continuons à mener, en bons capitaines, le navire de notre partenariat (Albums photos)
Le Mémorandum d’entente sur le partenariat stratégique et global signé en juillet 2023, entre la Tunisie et l’Union européenne, ne relève pas des accords internationaux classiques. Il ne remplace pas non plus l’Accord d’association et n’est surtout pas un accord migratoire. C’est ce que a précisé Mounir Rejiba, secrétaire d’Etat auprès du ministre des Affaires étrangères, de la Migration et des Tunisiens à l’étranger, avant d’ajouter: «En revanche, le Mémorandum est une déclaration politique forte par laquelle la Tunisie et l’UE se sont résolument engagées en faveur d’un partenariat au nouveau visage, d’égal à égal, dans le cadre duquel les deux parties prenantes associent leurs efforts dès l’entame de réflexions, jusqu’à la mise en œuvre concomitante des différents domaines d’intérêt commun, et en particulier ceux prioritaires de la stabilité économique, du commerce et de l’investissement, de la transition énergétique, du rapprochement entre les peuples et de la question de la mobilité/migration.»
Ouvrant les travaux du colloque sur les relations entre la Tunisie et l’Union européenne, organisé par le Laboratoire de droit international et des relations Maghreb - Europe, il a passé en revue les différents jalons de ce partenariat et l’esprit que la Tunisie entend lui imprimer.
En conclusion, il a déclaré: «Continuons à mener en bons capitaines le navire de notre partenariat afin de faire de notre espace à tous et à chacun un espace de cohésion, de prospérité et de respect, transformant chaque différence en opportunité. Pour ce faire, nous gardons espoir que notre partenaire européen, en dépit du conflit qui se déroule à ses frontières et de ses défis internes, accorde toute l’importance qu’elle mérite à la composante euro-méditerranéenne de sa politique extérieure, dont dépendent la préservation des intérêts des deux rives de la Méditerranée et de la communauté de destin dans le bassin méditerranéen.»
Texte intégral
La Tunisie a toujours accordé une importance stratégique à sa relation avec l’UE et œuvre constamment à son développement dans tous les domaines, en consécration des principes qui animent notre partenariat, à savoir la solidarité, le dialogue, la coopération et le respect mutuel. Cet engagement avec l’UE demeure l’une des priorités de la Tunisie et l’une des constantes de notre politique étrangère.
En effet, ces liens ont été juridiquement matérialisés en 1969 et 1976 avec la signature des premiers accords en matière de commerce et de coopération entre la Tunisie et la CEE. Toutefois, les ambitions de la Tunisie et de l’UE ont motivé le dépassement du cadre purement commercial, en dotant cette relation d’un instrument aux contours plus larges, d’un socle fondateur pour leur partenariat. Ainsi, l’Accord établissant une Association entre la Tunisie et la Communauté européenne et ses Etats membres, premier du genre conclu par un pays de la rive sud-méditerranéenne, a été signé à Bruxelles le 17 juillet 1995 et est entré en vigueur le 01er mars 1998.
Depuis cette époque, et pour répondre aux nombreuses mutations internationales, régionales et domestiques en Tunisie et en Europe, la Politique européenne de voisinage a été l’un des vecteurs de maintien de liens étroits entre les deux rives. Les résultats obtenus ont été divers, à l’image du Partenariat Privilégié ou du projet d’Accord de libre-échange complet et approfondi (communément connu sous le nom de l’ALECA). Indépendamment de ces résultats, la multiplication des défis communs a confirmé le souhait et le besoin de Tunisie pour l’Europe, comme le souhait et le besoin d’Europe pour la Tunisie.
En effet, nous considérons le continent européen comme une zone d’ancrage naturelle que les réalités socio-économiques rendent inéluctable. Pour mémoire, l’UE est notre principal partenaire commercial, plus de 85% des entreprises étrangères implantées dans notre pays sont européennes, plus de 08 salariés tunisiens sur 10 employés par des sociétés étrangères le sont par des structures européennes, et près de la moitié des IDE en Tunisie sont pourvus par des investisseurs européens. Ces chiffres sont révélateurs, mais nous aspirons à plus et à mieux.
D’ailleurs, nous nous devons de garder à l’esprit que la concrétisation de ces ambitions reste intimement liée à la promotion de relations harmonieuses au sein de notre aire commune, la Méditerranée. En effet, la paix, la stabilité, le développement, et la garantie des droits les plus essentiels des peuples de la région devraient être autant d’éléments incontournables nourrissant nos relations. Toutefois, les conflits, l’instabilité, l’insécurité, les défis économiques, les risques climatiques comme les tensions migratoires pèsent encore aujourd’hui lourdement sur l’espace méditerranéen dans son ensemble et constituent des défis communs que nous devons relever ensemble.
A ce propos, je me dois d’évoquer le sort qui s’acharne contre le peuple palestinien qui endure des attaques aveugles et meurtrières, et des souffrances inimaginables. La Tunisie a été l’une des premières voix à s’élever pour exprimer sa ferme condamnation des crimes commis par l’entité sioniste et sa forte indignation face à cette question de colonisation qui remet en question la légalité, la justice et la sécurité internationales.
Dans ce contexte général, le positionnement géostratégique de la Tunisie en Méditerranée occidentale, attribue à notre pays un rang particulier vis-à-vis du voisinage Nord, et nous impose à tous, une responsabilité commune renforcée puisque l’impact des relations tuniso-européennes rejaillissent au-delà de nos frontières stricto sensu.
Afin de répondre à ces défis et ambitions, le Mémorandum d’entente sur un partenariat stratégique et global a été signé en juillet 2023. Pour répondre au reflexe familier du juriste, je souhaiterais d’abord signaler que ce mémorandum ne relève pas des accords internationaux classiques, il ne remplace pas non plus l’Accord d’association et n’est surtout pas un accord migratoire.
En revanche, le Mémorandum est une déclaration politique forte par laquelle la Tunisie et l’UE se sont résolument engagées en faveur d’un partenariat au nouveau visage, d’égal à égal, dans le cadre duquel les deux parties prenantes associent leurs efforts dès l’entame de réflexions, jusqu’à la mise en œuvre concomitante des différents domaines d’intérêt commun, et en particulier ceux prioritaires de la stabilité économique, du commerce et de l’investissement, de la transition énergétique, du rapprochement entre les peuples et de la question de la mobilité/migration.
Il nous est essentiel de garder à l’esprit que l’interdépendance entre la Tunisie et l’UE est nourrie des relations humaines riches et valorisantes.
En effet, la Tunisie est convaincue que ces relations humaines sont bénéfiques. J’en veux pour preuve notre participation aux programmes «Erasmus» et «Horizon Europe», dans le cadre duquel la Tunisie fait d’ailleurs figure d’unique pays arabe et africain participant. Dans ce cadre, nous ne ménageons aucun effort pour apporter des réponses concrètes à la problématique de l’octroi de visas, et ce afin de faciliter les échanges et synergies entre experts, chercheurs, universitaires et étudiants tunisiens et européens.
De manière connexe, mais non moins importante, les efforts déployés dans le domaine de la formation professionnelle attestent du souhait profond de modifier la perception parfois erronée des échanges humains. En effet, la Tunisie est convaincue que la migration professionnelle circulaire et la coopération en matière d’acquisition et/ou perfectionnement des compétences, peuvent générer des opportunités multiples, permettant de contrer efficacement les maux auxquels nous sommes confrontés, parmi lesquels le phénomène de la fuite des cerveaux.
Enfin, nos démarches englobent aussi les échanges humains les plus ordinaires, car ceux-ci sont un vecteur significatif d’enrichissement mutuel et présentent un potentiel trop souvent oublié. En effet, les voyages, rencontres et découvertes n’ont-ils pas constitué le legs de femmes et d’hommes exceptionnels, parmi lesquels le poète marginal tunisien Ali Douaji, un des premiers contemporains à prôner la «libre errance» et le voyage touristique en Europe, sans buts ni fins, ne serait-ce que pour se retrouver et découvrir.
Je souhaiterais formuler le vœu que nous, responsables, experts, universitaires, étudiants, comme observateurs, de Tunisie et d’Europe, continuions à mener en bons capitaines le navire de notre partenariat afin de faire de notre espace à tous et à chacun un espace de cohésion, de prospérité et de respect, transformant chaque différence en opportunité.
Pour ce faire, nous gardons espoir que notre partenaire européen, en dépit du conflit qui se déroule à ses frontières et de ses défis internes, accorde toute l’importance qu’elle mérite à la composante euro-méditerranéenne de sa politique extérieure, dont dépendent la préservation des intérêts des deux rives de la Méditerranée et de la communauté de destin dans le bassin méditerranéen.
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