Ahmed Tlili: Un legs d’actualité
Mort en exil à Paris, seul et démuni, le 25 juin 1967, Ahmed Tlili n’avait que 50 ans. Figure emblématique du mouvement national et du syndicalisme, compagnon de Bourguiba et de Hached, proche du Front de libération nationale (Algérie), panafricaniste de renom, il est parti sans avoir écrit ses mémoires. Personnalité atypique par rapport à la classe politique de l’époque, il a subi un double déni : la non-reconnaissance de son apport à la construction du nouvel Etat et la non-restitution de ses documents épars, étouffés ici et là. Son témoignage sur la dérive du régime instauré par Bourguiba et les raisons de sa dissidence, puis sa rupture, auront été instructifs, pour mieux comprendre la première période postcoloniale (1956-1967).
En historien, mais aussi en fils dévoué, Ridha Tlili a pris l’initiative de lui consacrer un livre qui mérite lecture. Sous le titre de «Ahmed Tlili, Mémoire de la démocratie» (éditions Nirvana), il revient, documents à l’appui, sur un parcours d’exception. Après avoir rappelé les origines familiales ancrées à Ksar Gafsa, «un village mythique», il structure son récit en quatre chapitres:
1. Un itinéraire politique peu commun,
2. Une personnalité à part,
3. De la dissidence à la rupture,
4. Le front antidémocratique en Tunisie et à l’étranger.
En annexes, l’auteur produit onze documents de valeur, comprenant notamment une note sur l’armement de la révolution algérienne, une note d’information de l’ambassadeur de Tunisie en France, signalant sa présence à Paris, à Béhi Ladgham, le 27 juillet 1965, la lettre historique adressée à Bourguiba, le 25 janvier 1966, une lettre et d’autres courriers.
Ancien élève de Sadiki et du lycée Carnot, Ahmed Tlili, instituteur (1937), postier (1938), sera un militant patriote très actif. « Rien ne se faisait sans lui dans le Sud tunisien », selon de nombreux témoins. Pleinement engagé au sein de l’Ugtt et dans l’action politique, il portera le combat partout, se rendra à l’étranger, se fera arrêter et emprisonner au lendemain du 18 janvier 1952, et ne sera libéré qu’en 1954, avant la visite de Pierre Mendès France. Le rôle que jouera Ahmed Tlili auprès des chefs du FLN et le soutien qu’il leur apportera, mais aussi à l’Ugtt et au Parti destourien (membre du bureau politique), restent encore peu connus. L’ouvrage en lève un coin de voile, mais pas assez pour cerner les différentes dimensions de cette illustre figure tunisienne. C’est aussi et surtout un plaidoyer pour la démocratie.
Ce livre est nécessaire, pour que la révolution menée par les Tunisiens ne soit pas «une révolution sans mémoire.»
Ahmed Tlili
Mémoire de la démocratie
de Ridha Tlili
Editions Nirvana
200 pages
25 DT
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Ahmed est mort en Tunisie, il y était rentré de son exil exil peu avant sa mort. Voir les mémoires de Me Mansour Cheffi publiées dans Alchourouk, Echaab papier et Echaabnews.tn