News - 14.02.2011

Comment la BAD entend soutenir la Tunisie: l'analyse de Donald Kaberuka

La Banque africaine de développement (BAD) a réitéré son soutien au gouvernement intérimaire de la Tunisie afin de permettre une transition en douceur et la stabilité à long terme du pays. A l’issue de l’entretien qu’il a eu lundi matin, avec le Premier Ministre, M. Mohamed Ghannouchi, le président du groupe de la BAD, M. Donald Kaberuka, a déclaré que la Tunisie aura besoin de tout l'appui de tous ses partenaires, afin de surmonter les défis auxquels est confronté le pays touchant notamment aux questions fiscales et sociales, ainsi qu’à des enjeux structurels tels que le chômage des jeunes et les inégalités régionales.

S’adressant aux médias, le président de la BAD a donné lecture d’une déclaration qui souligne ce soutien de la banque, rappelle les différentes interventions en faveur de l’économie tunisienne  et présente une analyse succincte aux défis qui se posent au pays. Document intégral. (Lire aussi: Cessez de culpabiliser les institutions financières qui ont soutenu des peuples et non des régimes)


1. Bonjour, mesdames et messieurs. Ce matin, et à ma demande, j’ai été reçu par Son Excellence M. Mohamed Ghannouchi, Premier ministre de la Tunisie. 


Je tenais, au nom du Groupe de la Banque africaine de développement, partenaire multilatéral de longue date de la Tunisie, à en savoir davantage sur le processus de la transition et l’assurer de notre disponibilité à soutenir les efforts du gouvernement intérimaire et du peuple tunisiens en ce moment critique de l’histoire de ce pays. 


2. Au moment où le pays amorce une mutation politique pleine de promesses pour sa population, mais aussi de risques non négligeables, il va sans dire que, pour minimiser les risques et maximiser les opportunités, la Tunisie aura besoin de la bonne volonté et du soutien de ses amis pour surmonter les difficultés budgétaires et sociales immédiates que connaît le pays et s’attaquer à certains défis qui sont au coeur des problèmes structurels auxquels il est confronté, en particulier le chômage des jeunes et les inégalités régionales. 


3. La priorité du gouvernement est d’organiser avec succès la transition et de remettre le pays au travail. L’économie tunisienne est lourdement tributaire du secteur des services, qui représente 40 % du PIB et 50 % des emplois du secteur formel. 


Les recettes touristiques représentent 5 % du PIB et 15 % des recettes globales en devises. Ce secteur a subi les contrecoups des troubles sociaux et aura sans doute besoin de temps pour retrouver son rythme. 

Les autorités estiment que durant les récents événements, 5 à 8 milliards de dollars ont été perdus, les recettes touristiques ont été gravement affectées, des investissements essentiels gelés et des milliers d’emplois perdus. 

Selon nos prévisions, le pays connaîtra une contraction de l’activité économique ou au mieux une légère croissance, entre 1,6 % et 2 %. J’ai indiqué au Premier ministre notre intérêt à travailler avec le gouvernement en vue du redressement économique, un redressement qui soit créateur d’emplois et d’opportunités. 


La Tunisie connaîtra une situation budgétaire tendue à court terme, et probablement pour le reste de l’année 2011, du fait de la contraction de l’activité économique, de la baisse des recettes fiscales et de la recrudescence des revendications sociales, du coût de réfection des infrastructures, de la compensation des dommages, de la lutte contre le chômage et probablement de la hausse des subventions des biens de première nécessité, qui , à 4% du PIB étaient déjà assez substantielles. 


Mais nous sommes persuadés que le pays pourra s’en sortir, avec l’appui de ses partenaires. La Tunisie a, en effet, des réserves de change brutes officielles de 9 milliards de dollars (fin 2010), représentant 5 mois d’importations, une dette extérieure représentant 46 % du PIB (21 milliards de dollars, avec un service de la dette de l’ordre de 10% des exportations). En outre, la Tunisie jouit de la confiance des marchés et des institutions financières internationales. 


4. La Tunisie demeure un partenaire clé pour la Banque, dont elle est le deuxième plus grand client. Nos engagements totaux dans le pays se chiffrent actuellement à 1,4 milliard de $ EU. Plus de 80% de ce montant ont déjà été décaissés, dont près de 250 millions de $ EU en faveur du secteur privé. 


Je saisis cette occasion pour féliciter le gouvernement tunisien de transition qui a continué à honorer ses engagements envers les institutions financières internationales et je suis persuadé qu'il fera de même pour le marché obligataire international le moment venu. 


Certes, des agences de notation ont déclassé la Tunisie d’un cran, mais il est également vrai que les swaps sur défaillance de crédit de la Tunisie qui, en janvier, étaient supérieurs à 200 points de base continuent à baisser. 

Le pays compte deux importantes émissions obligataires internationales arrivant à échéance en avril et en septembre. Je ne doute pas qu’il honorera ces engagements comme il l’a fait auprès des institutions financières internationales. 


5. L’un des défis de longue date auquel la Tunisie est confrontée est le chômage qui se situe aux alentours de 13 à 15 %. Même en pleine croissance, l’économie ne créait que 65 000 emplois par an, chiffre nettement insuffisant. Par ailleurs, le tiers de la population tunisienne vit en milieu rural et près d’un million de personnes vit dans la pauvreté. Cette situation reste un défi pour la période de transition et au-delà. 


6. Ce matin, j'ai discuté avec les autorités de l'appui financier nécessaire au cours de la période de transition et des priorités qui, comme il fallait s’y attendre, concernent l’organisation d’une transition réussie vers une nouvelle dynamique démocratique, la lutte contre le chômage, les inégalités régionales, l’équipement des régions défavorisées, l’investissement dans les infrastructures, l’appui à la gouvernance et la récupération des avoirs mal acquis dissimulés à l'étranger. 


La Banque travaillera en collaboration avec le gouvernement tunisien et une coalition de partenaires de la Tunisie, dans la limite de son mandat, ses moyens et de ses politiques, pour contribuer à l'effort mondial visant la relance et la transition harmonieuse en Tunisie. 

Nous resterons présents en cette période de mutation marquée par des opportunités et de nouvelles perspectives, à travers le déploiement d’un éventail d’instruments financiers dont nous disposons. 

Nous avons, par le passé, démontré notre capacité à réagir, comme ce fut le cas pendant la crise financière - nous sommes prêts à le faire à nouveau, avec le peuple tunisien et nos partenaires internationaux. 


7. Comme beaucoup d’entre vous le savent, le siège de la Banque se trouve à Abidjan. La Banque a été temporairement relocalisée ici en février 2003. Je saisis cette occasion pour remercier, une fois de plus, les autorités et le peuple tunisiens pour l’hospitalité qu’ils nous accordent depuis huit ans. 


8. Nous comprenons le contexte et l’importance des événements qui se sont déroulés en Tunisie. Nous sommes parfaitement conscients qu’il faudra du temps pour que le pays revienne pleinement à la normale. 


En attendant, la confiance totale de la Banque dans la Tunisie reste intacte. Point n’est besoin de dire que le moral des membres du personnel, en particulier ceux d’entre eux qui avaient vécu ainsi que les familles, des événements analogues à Abidjan, a été affecté, surtout au plus fort de la crise. 

Des dispositions ont été prises pour atténuer ce choc, mais, globalement, le Conseil d’administration, la Direction et le personnel de la Banque sont restés inébranlables durant ces événements. 


J’exprime ma profonde gratitude aux autorités qui nous ont apporté leur soutien en tout temps. 


9. Pour le moment, et jusqu’à ce que la situation se normalise à Abidjan, Tunis reste notre site de relocalisation temporaire et un lieu de travail adéquat. 


Tout au long des événements, la Banque est restée opérationnelle à Tunis, n’effectuant des ajustements que pour s’adapter aux exigences du couvre-feu. 

10. Je tiens à réaffirmer ici que les perturbations de nos opérations ont été minimes et parfaitement gérables dans le cadre de notre plan de continuité des activités. 


En outre, en raison de la solidité de son assise financière, la BAD, en tant qu’institution bancaire, possède une très forte capacité à supporter les risques et jouit d’une bonne résilience. 


11. S’agissant des enseignements à long terme qui se dégagent des événements tumultueux survenus en Afrique du Nord, il est  trop tôt pour en tirer toutes les conclusions. Toutefois, il apparaît clairement qu’une plus grande attention doit désormais être accordée aux questions d'inclusion sociale et aux opportunités offertes aux jeunes – opportunités au sens large, à savoir économique, sociale politique et une plus grande ouverture démocratique. 


12. La Tunisie est empreinte d’histoire. Elle regorge d’hommes et de femmes de talent, dont le rôle est essentiel pour la prospérité et la stabilité de l'Afrique; un pays auquel la Banque attache la plus grande importance. 


Nous sommes conscients des besoins, des défis et du contexte particulier de la Tunisie. Nous, Banque africaine de développement, principale institution de financement du développement en Afrique, tenons à être à l’avant-garde des efforts visant à aider la Tunisie au moment où le pays entre dans cette phase décisive de son histoire, et nous exhortons d’autres partenaires à se joindre à nous.

 

 

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2 Commentaires
Les Commentaires
Gasmi Lamine - 15-02-2011 09:30

J'adhere totalement à l'analyse pertinante du President de la BAD qui ne fait qu'honorer et son insititution et notre Grande TUNISIE qui reste et pour toujours un phare aux peuples epris de liberté , de valeurs , de vertus et de d'independance. Que nous tunisiens prenons en compte ces propos pour nous mettre au travail le plutot possible et dans tous les secteurs car c'est en travaillant d'avantage que nous pouvons faire aboutir notre pays là ou' il faut ; c'est à dire parmi les nations developpées . Ceci n'a jamais été un probleme quand tout le monde s'y met .Que la situation revienne d'abord à la normale dans les rues et tout sera reglé dans les normes . Vive la TUNISIE.

Moncef Guen - 16-02-2011 03:17

Bravo au President de la BAD! La Tunisie ne peut qu'apprecier le soutien moral et financier de cette courageuse institution africaine. Je suis sur que son example sera suivi par les institutions de Bretton Woods et par le Fonds arabe de developpement ainsi que par l'Union europeenne et les autres instituitions multilaterales. La Tunisie a vraiment besoin d'un appui rapide et soutenu pendant les prochaines annees de mutation politique, economique et sociale. L'action de soutien doit etre urgente et importante. Dr.Moncef Guen

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