Opinions - 25.04.2011

L'insoutenable légèreté de nos décideurs

Une énième bourde vient entacher l’action, dynamique il faut le reconnaître, de ce gouvernement : La nomination de délégations spéciales municipales fort peu représentatives de la géographie civile, associative et politique locales le tout sur fond d’opacité des critères de sélection et de nominations.

 Comme parfois dans l’action gouvernementale, le fond est respectable mais la forme calamiteuse. Sauf que la période est mal choisie pour se planter à répétition.

 La dissolution compréhensible des conseils municipaux annoncée se voulait un signal fort montrant une rupture avec les anciennes pratiques et avec ceux et celles qui les perpétuaient encore.

Sur le fond, rien à dire. L’initiative se devait d’être saluée.

Mais cette décision courageuse a été peu et mal communiquée.

Mais l’appel aux candidatures est resté quasi confidentiel malgré une volonté de le rendre public.

Et l’opacité quant aux délais de dépôt des candidatures, aux critères de sélection et de choix ont discrédité cette action opportune et divisé encore plus les différentes parties.

Chronique d’une situation conflictuelle annoncée, générant, encore, l’incompréhension, l’appréhension, la colère et une protestation légitimes.

Il m’a paru intéressant de partager mon vécu afin de contribuer à plus ou mieux éclairer une situation…kafkaïenne.

Car il se trouve que mon nom figure sur la liste du conseil de la Marsa.

La question m’a été posée des dizaines de fois. Comment as-tu fait pour « en être »?

Cela m’amène à expliquer les raisons ainsi que le parcours de ma candidature.

Combien de fois ai-je entendu ma mère et ma grand-mère soupirer en passant devant le palais beylical de la Marsa, désolées par l’abandon de ce monument  historique et architectural. Ma mère y est née et elle ne peut encore à ce jour comprendre pourquoi tant d’indifférence vis-à-vis de l’histoire, de son histoire et in fine de notre histoire.

Combien de fois me suis-je souvenu- en courant aujourd’hui sur les plages bétonnées, sales et polluées de ma ville- de nos baignades à la tour blanche il y a quatre décennies dans une ambiance familiale, amicale, saine, sur une plage propre et accueillante.

Combien de fois, avons-nous râlé sur les routes défoncées, l’urbanisme sauvage et inique, la dégradation des mœurs, les conditions peu reluisantes dans lesquelles vivent les Marsois rive gauche, l’acharnement criminel sur nos forêts,  la haine des arbres et sur tant d’autres plaies béantes de cette ville ?

Au cours de chaque jogging, des décennies durant,  j’i échafaudé des plans pour unifier les façades, tailler les arbres, nettoyer et dépolluer nos plages, réparer les routes, restaurer les magnifiques monuments et bâtisses, animer les citernes de la Malga… et rassembler tous les marsois autour d’une ville, d’un projet et d’un vouloir vivre ensemble .

Préserver la richesse inestimable de cette ville  à vocation balnéaire au départ, en faire une perle et un exemple à suivre était systématiquement le rêve, que dis je l’utopie qui m’accompagnait dans mes courses solitaires.

Ajoutez à cela la passion que vivais mon père en dirigeant, entre autres, la mairie de Kairouan et qui nous la communiquait à chaque instant et vous aurez les ingrédients de ma motivation.

Et puis le miracle et l’utopie sont  redevenus possibles, l’espoir était permis de nouveau après notre libération.

J’ai fait donc acte de candidature auprès de la wilaya de Tunis pour être membre de la délégation spéciale de la Marsa appelée à prendre le relais avant les élections municipales. J’ai appris la dissolution des conseils à travers Face book comme tant d’autres.

Je passerai sur la difficulté quant au dépôt d’une candidature : la municipalité qui ne sait pas de quoi il en retourne, la Mootamadia encore  moins puis l’atterrissage au gouvernorat de Tunis dont les abords gardés filtrent sévèrement l’accès.

Puis, apprendre la navigation rapide et erratique à travers les méandres d’une administration redevenue courtoise mais dont la logique nous reste encore, un peu, impénétrable.

Mais j’avais un rêve à transplanter dans la réalité et j’ai pris ces petits tracas comme la petite peine nécessaire à son accomplissement.

J’ai finalement et assez rapidement été reçu par le Mootamad awal , un ami marsois, avocat, m’accompagnait dans ma démarche.

Après les palabres d’usage et l’étonnement de notre interlocuteur de l’engouement pour la Marsa, il a inscrit nos noms sur une liste déjà noircie par les candidats. Nous avons même eu droit à un café !

Ce fut tout. Un bonheur !

Il suffisait donc désormais de faire acte de citoyenneté pour que les choses se fassent, la réalité encore plus belle que le rêve. Nous sommes sortis étourdis et ivres par une liberté et une citoyenneté  redevenues normes.

Et puis les listes sont sorties sur le JORT.

J’ai connu un court moment de bonheur à la parution de la liste de ce conseil de la Marsa dans laquelle figurait mon nom. J’allais désormais contribuer pour une courte durée certes à l’organisation de la vie de ma cité.

Las, dans les minutes qui ont suivi la publication officielle de la liste Marsoise, l’incompréhension, la stupeur et la colère éclataient au sein de sa population puis s’étendaient sur la toile  avec le lot devenu habituel des contre vérités, des amalgames et des diffamations.

« Ennahda a fait main basse sur la Marsa ». « Le RCD confisque la municipalité et j’en passe.

Autant de spéculations, de doutes voire de certitudes  qui ont vite fait de jeter le discrédit non seulement sur toute la liste mais aussi sur les ministères concernés et la gouvernance de ce pays.

Pourquoi un tel gâchis ? Encore et encore ?

L’examen peu approfondi de cette liste nous montre qu’une bonne douzaine de ceux qui y figurent ont fait partie de près de l’ancien régime et ont activement participé à l’édification du système qui prévalait avant.

Les relents de cette période, à tort ou à raison peu importe,  incommodent notre odorat libre depuis très peu. Et tout le monde le sait ! C’est même la raison de la dissolution de ces conseils municipaux !

Pourquoi une telle incohérence alors ?

Je refuse de croire, encore, au caractère délibéré de cette provocation car le « Namous Eddaoula » qu’évoque si El Béji Caïd Essebsi ne peut s’en accommoder.

Il ne reste plus que la solution de la légèreté. L’insoutenable, l’inacceptable légèreté de cette décision.

Eh bien, cette insupportable légèreté devrait être sanctionnée et sévèrement. Et communiquée clairement à tout le monde que diantre !

Car cela ne fait que diminuer le « « capital confiance » accordé à la gouvernance nationale, au sein de la population. Et cela fragilise notre pays ! Vous n’en avez pas et nous n’en avons pas le droit !

Car cela discrédite les bonnes volontés indépendantes et leurs patronymes et cela n’est pas acceptable.

Car cela montre l’autisme et l’aveuglement probable de la chaîne de décision. Et il est grand temps que cela cesse !

Car cela monte les uns contre les autres encore plus. Et par les temps qui courent, nous avons besoin de rassembler plutôt que de diviser.

Enfin, car cela retarde le travail colossal qui doit être entrepris dans les municipalités. Et cela contribue à nous enfoncer dans un chaos que les citoyens refusent !

Au départ, une volonté de bien faire.

A l’arrivée, des habitants mécontents et défilant dans les rues, des personnes diffamées, d’autres vilipendées encore, l’incurie du pouvoir exécutif encore mise à jour et un conseil municipal cloué au pilori et immobilisé avant même d’avoir franchi le portail.

Qui dit mieux en termes de productivité?

Dr Walid Alouini

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10 Commentaires
Les Commentaires
bousnina - 25-04-2011 16:17

Dr Walid merci pour cet article qui montre bien oh combien la transition démocratique est difficile, c'est une question de mentalité et d'habitude dans les pratiques, mais, il ne faut surtout pas que les bonnes volontés comme vous baissent les bras sinon on est foutus. IL FAUT PERSEVERER ET S'ARMER D'OPTIMISME ET DE CONFIANCE EN NOTRE CAPACITE DE CHANGEMENT. Cordialent et BRAVO!

Mohamed Daoud - 25-04-2011 17:42

Cette légèreté est insoutenable, absolument, mais est-ce qu'elle est voulue? Je le pense, en tout cas, jusq'à preuve du contraire.

MONASTIRI - 25-04-2011 22:48

Si Walid, je vous tire mon chapeau, des citoyens comme vous il nous en faut et partout. Re-Présentez vous s'il vous plait de nouveau, gardez votre enthousiasme et ne lâchez pas. Nous vous soutenons tres fortement, La Marsa a besoin de citoyens comme vous.

Amor Ben Rabah - 25-04-2011 23:41

Un bel article, écrit avec beaucoup d’intelligence et d’habileté par quelqu’un qui fait campagne pour faire partie de la délégation spéciale d’une ville, La Marsa, où personne ne le connais. La putridité de l’opportunisme et de l’hypocrisie, cher Dr Alouini, « incommodent notre odorat libre depuis très peu » tout autant que les relents de la pourriture dont cette merveilleuse révolution vient, si heureusement, de nous débarrasser. Mais, force est de constater, hélas, qu’en cette période d’immense bonheur révolutionnaire, les charognards sont beaucoup plus nombreux que les vrais révolutionnaires.

ben ammar souad - 26-04-2011 00:27

vous avez entièrement raison à propos de l'erreur qui dènote une négligence. Vous deviez les comprendre ?A savoir dans quelles circonstances et quelle con,dition ils ont établi vettte fameuse liste je presume que c'est involontairement et j'estime qur si vous y reflchissez vous conclurez que leur choix vous conviendrait puisque d'apres votre article vous faites partie des citoyens d'un certain etat d'esprit bien consu,moderne democrate ,equilibré et responsable, Bien que cette tache est dure je suis sure que vous saurez convaincre vos collegues à collaborer pour tracer vos objectifs qui serviront la communauté et parvenir à surmonter les difficultes que vous rencontrerez avec honneteté Alors bon courage,bonne volonté et presence d"esprit je suis née à LA Marsa mis j'ai combattu au coté de la femme rurale dans les coins les plus recules de notre belle Tunisie

ayadi elias - 26-04-2011 00:38

discours égocentrique; culte de la personnalité; propos élitistes et je ne pense pas exagérer en disant qu'il y a là une consonance lepeniste il n'y a pas de politique ni d'action au service du peuple ou d'une communauté sans humilité, or je ne vois dans ce discours que des propos prétentieux témoins d'une appartenance à une pseudo-aristocratie illusoire

istifaka - 26-04-2011 10:12

Bravo docteur pour cet article à la fois émouvant et révélateur. Je ne discuterai pas la question de légèreté voulue ou non, évoquée par M. Daoud car pour moi le problème est un problème de fond : une mécanique de prise de décision centralisé et bureaucratique qui continue de sévir. On la doit au refus de réformer l'administration au-delà de la couche superficielle de la forme et ce, depuis la création de l'Etat tunisien à ce jour . Ajouter à cela la défaillance dévastatrice de la communication officielle.

Abdelkrim (Genève) - 26-04-2011 15:36

Dr. Walid Alouini, j'ai trouvé votre article très intéressant, sincère et dépité de ce qui se passe. C’est dommage d’être découragé par le doute, alors qu’on brûle d’enthousiasme. J'en veux beaucoup à celui qui a créé tant d'attentes et d'espoir en prenant les commandes du pays, M. Béji Caid Essebsi. Pratiquement unanime, la population tunisienne, jeunes (qui ne le connaissent pas) et vieux (qui le respectent, malgré des doutes), toute la population, disais-je, a ressenti un grand soulagement lorsqu’il a accepté le poste de premier ministre. Les jeunes de la Kasbah, bénissant la bonne augure de sa nomination, sont mêmes rentrés chez eux dans l’enthousiasme et tout le monde attendait un sauvetage au pas de course. La situation de la Tunisie alors, était comme celle de l’accidenté cardiaque auquel des soins spécifiques doivent être apportés dans les cinq premières minutes de sa crise, sinon … Aujourd’hui, le patient en question est un peu sorti de son coma, mais bien diminué et encore sujet à d’autres attaques. Nous avions tous confiance qu’avec son expérience, sa perspicacité et sa vision politique, apprise auprès du plus prestigieux des maîtres, M. Essebsi allait faire mieux que son maître à penser et qu’il allait rapidement prendre les décisions qu’il fallait pour extraire l’ivraie de parmi les bonnes graines, bien arroser celles-ci et savamment cultiver les bonnes pousses de la future démocratie. Il s’avère malheureusement que nous avons affaire plus à des théories qu’à une vraie volonté de sauvetage et un vrai savoir-faire politique pouvant aider à sortir le pays de l’ornière et de l’enlisement. Plus que jamais, la Tunisie se trouve tiraillée entre des extrémismes menaçants et des intérêts calculateurs purement politiciens et même régionaux des « anciens-nouveaux responsables ». Même Bourguiba (paix à son âme) aurait mieux communiqué sur ses actions et aurait été plus franc quant aux axes de sa politique. Il faut bien admettre que malgré la possible sincérité vis-à-vis de l’avenir du pays, il y a l’âge… (?? ??? ????? ???? !) La manière dont la sincérité citoyenne de Dr. Walid Alouini à La Marsa a été déçue se répète malheureusement dans plusieurs domaines. Dans le brouhaha médiatique des partis ou, plutôt de certains d’entre eux, car nous sommes loin d’entendre 50 partis mais nous sommes bien envahis et assommés par quelques uns qui font un maximum de bruit et essaient d’occuper tout l’espace et d’attention (ce qui prouve leur vision tronquée de la démocratie), les citoyens ne semblent pas relever des aspects importants de la vie commune, les aspects économiques. Brouillés et aveuglés que nous sommes par les professionnels de la politique, nous ne rendons pas compte suffisamment que le Gouvernement ne fait que moudre du vent. En effet, tous les ministères qui auraient dû vite améliorer et adapter les programmes du XIIème plan (on n’a pas à réinventer la roue) en recentrant les priorités et en accélérant la création d’emplois, ne font « qu’expédier les affaires courantes », sur instruction précisément de M. Essebsi, apparemment. Cela fait que tous les Ministres ne donnent pas l’impulsion politique à une administration capable mais fatiguée et brimée, sous prétexte qu’ils ne sont que provisoires et qu’ils n’ont pas de légitimité. Mais quelle légitimité supplémentaire aura le Gouvernement qui sera nommé par la Constituante en juillet ? Ce sera toujours un mélange de compromis politiques et technocratiques et encore des gens qui attendront que la démocratie soit mise en place. Il s’agit malheureusement d’une fuite lamentable devant leurs responsabilités de gens qui ne savent pas en fait quoi faire et qui n’arrêtent pas de lorgner aux échéances politiques à venir. Et si ces braves ministres essayaient de faire leur boulot en mettant en place des solutions urgentes, tant pis si elles seront incomplètes, puisque ceux qui « auront la légitimité » pourront bien compléter ou changer. Au lieu de remettre le pays au travail, le Gouvernement provisoire s’avère incapable ou non-enclin à faire marcher l’économie et c’est cela et uniquement cela qui assurera au pays une reprise saine dans la démocratie. J’ai suivi hier soir des commentaires effrayants de la population Facebook sur les positions un peu poussées à l’extrême de certains « ??????? » à propos de la « reprise de la torture » présumée sur les criminels qu’on attrape au compte-goutte, et c’est plutôt cela qui fait peur : la population est désormais prête à assumer des tortures et une prise en main de nouveau très vigoureuse de la rue par la police et ce, en raison de l’insécurité ambiante. C’est précisément cela le but des professionnels de l’insécurité à travers la « non-maîtrise » sécuritaire prolongée (???????? ??????) et savamment orchestrée ; on s’en convainc rien qu’en suivant les experts passés à la télévision sur ces sujets. Dommage, M. Essebsi, on se serait attendu à un rendement bien meilleur ! Si vous ne pouvez pas mieux faire, laissez aux autres, mais qui justement ?

Abdelkrim (Genève) - 26-04-2011 15:42

@ ben ammar souad J'aime bien votre commentaire candide ! Il me rappelle cette image de l'innocence, de cette jeune manifestante en face du Ministère de l'Intérieur le 12 ou 13 janvier qui avait tourné en boucle sur les télévisions au moment de l'oppression aveugle, avec ses bras levés en signe de peur des balles. Elle aussi semblait croire que tout ça n'était qu'une petite erreur non intentionnelle... :-)

Ben henda - 27-04-2011 11:51

Merci Docteur, ce n'est là un secret pour personne,c'est toujours la même pratique depuis plusieurs décennies.On prend à peu près les mêmes au sein d'un cercle d'initiés et l'on redistribue les cartes ,bien évidemment cela se passe toujours en sourdine !!! Ce ne sont ni la compétence ni l'éfffcacité qui impportent etqui sont les critèrs de désignation. A ce train là,je me demande vers quelle type de démocratie l'on s'achemine, le citoyen lambda,lui n'est pas du tout concerné,lui il n'a rien à voir ni à dire , tout ce qu'on lui demande c'est d'acquiescer et de se résigner même s'il s'agit de la gestion de ses propres affaires!!! La prochaine révolution nous dira peut être si les choses et surtout nos mentalités évulueront? En attendant ,à La Marsa comme à Carthage , Sidi Bou Saïd et partout ailleurs dans le pays,citoyens satisfaits ou mécontents continuer à payer lvos Impôts, vous n'avez pas à être concernés. Votre sort ne dépend que d'un bureaucrate qui fait bien le travail , vous n'avez ni à être consulté, ni à dénoncer ces pratiques quasi frauduleues d'avant le 14 janvier 2011 ???,

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