Urbanisme et Tourisme en Tunisie : Arrêtons de couler notre patrimoine dans le béton Pour un moratoire urgent contre la densification
La densification urbaine, fruit d'une politique volontariste, a pris ces dernières années une inquiétante ampleur et s’attaque au patrimoine urbanistique et historique de notre pays. La course effrénée aux constructions verticales est en passe de défigurer nos villes et de transformer le panorama urbain en un paysage en ``dents de scie" des moins esthétiques. Entre temps, nos quartiers sont au bord de l’asphyxie, nos routes constamment congestionnées, les garages se transforment en commerce et les villas en petits immeubles.
On aurait pu penser qu'une densification intelligemment conçue serait ciblée, qu'elle tiendrait compte de l'harmonie architecturale de nos villes, et appliquerait les règles les plus élémentaires de l'urbanisme en prévoyant de larges boulevards, des parkings, un transport en commun efficient, des terrains de sport, .... Or à bien regarder ce qui s'est construit dans nos villes, on se rend compte de l'indigence de nos décideurs.
Un constat amer
Les dégats de la densification et de la mauvaise gestion urbaine en Tunisie sont aujourd'hui visibles dans toutes les villes du pays (1).
La ville de Nabeul au Cap-Bon est un cas d'école. Dans son centre-ville, au riche passé, et le long des rues principales, des immeubles surdimensionnés, sans harmonisation, sans retrait suffisant ni parking, offrent aux regards la laideur de leurs murs aveugles et de leur porte-à-faux "nouvelle tendance". La surélévation des villas d'un étage ou deux déséquilibrent les anciens quartiers résidentiels. Encore plus grave, on a autorisé des R+8 le long de la plus belle avenue qui a fait la réputation de la ville. Verdure, villas et espaces aérés ont été anéantis. La « belle ville des potiers» est devenue méconnaissable et son avenir touristique est réellement compromis.
Le cas de la Marsa est d'une autre ampleur. Cette petite ville balnéaire que tant ont chanté, coqueluche des Tunisiens, se transforme aujourd'hui en un centre-ville densifié et quelconque. Le regard, qui auparavant embrassait verdure et bleu de la mer, bute aujourd'hui contre des façades de plus en plus envahissantes et de plus en plus imposantes. L'avenue principale Taieb Mehiri vient de voir pousser ses nouveaux R+3, deux étages au-delà de ce qui aurait dû être réglementaire. La beauté, la simplicité et l'harmonie de cette ville ont abdiqué face à une promotion immobilière de plus en plus vorace et une population de moins en moins disciplinée. La Marsa et toute la côte nord de Tunis dépérissent, rattrapées par cette insoutenable médiocrité qui a envahi tout le pays.
Les raisons d’une densification outrancière
La densification urbaine en Tunisie, aussi louables que puissent être ses objectifs, a été hypothéquée par la manière avec laquelle elle a été réalisée et par les abus dans sa mise en oeuvre.
Par la manière qui consiste à distribuer des permis de construire sans aucune harmonisation préalable, au mépris des normes urbanistiques (trafic routier, zoning adequat,…) et sans tenir compte des spécificités locales ou régionales (cachet, patrimoine architectural,...). Que gagne t-on à rajouter des étages à Sidi-Bou-Said ou La Marsa, si ce n'est tout perdre?
Cette politique floue de densification a par ailleurs, attisé la spéculation et l'affairisme d'une minorité grandissante qui a fait de la promotion immobilière un moyen d'enrichissement rapide. Cette caste d’affairistes a imposé aux autorités et aux citoyens ses cahiers des charges et a fait fi des plans d'aménagement. Cette même caste qui a transformé nombreuses artères de Sousse en de quasi-murailles en béton. Notre patrimoine n’est, pour elle, qu’un fonds de commerce.
Observons enfin que le bâtiment dans notre pays est devenu un placement beaucoup plus qu'une réponse à un réel besoin de logement. Ce déséquilibre porte préjudice à notre économie et alimente une bulle immobilière qui contribue à la densification urbaine sans pour autant répondre véritablement aux besoins du pays. Preuve en est que la Tunisie d’aujourd’hui souffre d'un énorme deficit en logements sociaux, alors même que les statistiques officielles indiquent que 10% des 2,9 millions de logements du pays sont vacants(2).
La solution
Il est nécessaire et urgent aujourd'hui d'imposer un moratoire sur la densification urbaine dans notre pays. Les pouvoirs publics, en particulier nos maires, doivent rapidement mettre un frein à cette course incontrolée aux étages, et prendre le temps de réfléchir à une politique de densification beaucoup moins envahissante.
La densification a ses règles et paramètres et ne peut s’appliquer de la même manière à tous les quartiers. Elle doit s’intégrer dès le départ dans un plan d’urbanisme global bien réfléchi, qui tient compte des capacités de l’infrastructure existante et de l’équilibre et harmonie urbaines des zones à aménager. Pour cela j'appelle à la création de véritables task-force d'urbanistes-paysagistes pour les villes tunisiennes et à une révision des plans d'aménagements adoptés durant le règne du déchu.
Une bonne politique urbaine doit être nécessairement accompagnée de moyens de coercition et de sanctions. Les plans d'aménagement resteront caducs si les citoyens, promoteurs et administrateurs n'oeuvrent pas à les faire respecter. Il est impératif dans ce cadre de donner à notre police municipale tous les moyens pour une intervention rapide et dissuasive.
Par ailleurs, l'Etat à travers ses différentes institutions doit s'investir davantage dans la construction et l'aménagement de l'habitat social pour, d'une part, répondre à un besoin pressant que le privé ne satisfait pas, et d'autre part pour mieux organiser la répartition de la population et endiguer la pression démographique sur les anciens quartiers.
J'appelle finalement les partis politiques, les composantes de la société civile et les médias à inscrire la question de l'urbanisme et sa relation directe avec l'état actuel de nos villes et villages sur leur agenda. Vu son impact direct sur la qualité de la vie de nos citoyens, sur notre tourisme et sur notre économie, je les invite à considérer l’urbanisme comme faisant partie des priorités nationales.
Faisons tous en sorte pour que ce pays demeure un beau pays, accueillant et ou il fait bon vivre. De grâce, arrêtons de couler notre patrimoine dans le béton.
(1) "Nos villes sont-elles des camisoles en béton?", par Chokri GHARBI, La Presse de Tunisie 03-07-2011.
(2) Nou-R nouvelle république.
Sadok Kallel
Enseignant-Chercheur, Université de Lille I
Ph.D Stanford.
- Ecrire un commentaire
- Commenter
Bravo Sadok, Toujours aussi devoue a la cause de l'urbanisme. Ton combat est legitime et important pour notre futur.
Bravo
Bravo pour votre article .Enfin une voix qui nous parle de la laideur qui s'est répandue dans novilles et jusqu'aux petits villages de notre pays .Une laideur urbanistique qui n'a d'égal que la méediocrité ,la misère intellectuelle de nos anciens dirigeants ajoutés à une attitude mercenariale faforisée par une corruption qui s'est developpée comme un cancer fulgurant .Nos futurs dirigeants seront ils sensibles à ce grave problème évoqué dans l'article de notre ami S.Kallel que je salue .
Je suis de votre avis et c'est un des défis les plus urgent à relever pour notre jeune démocratie.
Great Assessment of a horrific situation in the real estate in Tunisia yes there is no respect for zoning or set backs or parking ,mega houses are everywhere ,drainage is poor garages are transformed into retail outlets in residential zoning ,now all we need is tell it to the Mayor and hope for the best . Mega houses
Bel article dont je partage tout a fait les conclusions. Je me permets de renvoyer au blog d'un ami qui traite d'une question différente mais, dans le fond assez voisine: la défense du patrimoine historique et culturel: http://rachid-tunisiepost-revolution.blogspot.com/2011/08/quest-devenu-notre-patrimoine.html
bravo pour cet article.puissiez vous étre entendu.le paysage urbain de tout le pays a été détruit avec la complicité des municipalités et autres organismes de tutelle.on accroit le nombre d'hotels pour soit disant ramener les devises sans penser à l'impact environnemental dont la dégra dation fait fuir les touristes.ainsi on aura fait d'une pierre deux coups.on laisse edifier des constructions anarchiques et on se retrouve avec des villes poubelles.les reclamations des citoyens par rapport à ces abus demeurent lettres mortes.il faut arreter ce massacre et penser à corriger les dégats.les partis politiques qui se respectent devraient integrer ce sujet d'une importance vitale dans leur programmes au lieu de gacher leur temps dans des debats steriles.
bravo pour votre article mais pensez-vous que le souci majeur des dirigeants actuels ou de ceux qui vont suivre sera de s'occuper de façon correcte et respectueuse de l'environnement urbanistique de notre cher pays,???!!! j'ose croire et espérer que oui.....
Article reflettant la réalité de ce désastre qui envahit nos villes , seulement fau til le rappeler , ce problème ne date pas d'aujourdh'hui, bien que le phénomène s'est accéléré depuis le 14 janvier , mais le causes sont profondes et sont liées principalement à l'absence totale d'une vision claire de la plupart des acteurs politiques et un manque de volonté tant à l'échelle nationale que régionale et locale dans ce domaine sensible qu'est l'aménagement urbain , Nabeul et la Marsa ont été cités en exemple , l'exemple d'HAMMAMET est aussi frappant !!! le dernier d'aménagement apporouvé date de 1977 ( soit 34 ans maintenant ) , tous les plans d'aménagements élaborés aprés ont été " avortés ", et l'on a assisté ces drenières années à des modifications , et des rectifications faites " sur meseure " pour plaire à des personnes puissantes " cercles du pouvoir et des affaires " , la bonne volonté et l'enthousiasme de certains partiotes n'a pas pesé grand chose " vous pouvez me croire " devant la pression , le résultat , vous avez du le constater ? une ville envahie par le béton , des facades de toutes couleur " et de mauvais gout" , une occupation anarchique des terrains , et ce qui est encore grave , c'est l'absence totale d'un plan directeur prévoyant de nouvelles voies structurantes et des lotissements à caractère social pour répondre aux besoins grandissants induits par les invesstissements touristiqeus ( Yasmine Hammamet ), maintenant " j'espère bien que ça ne soit trop tard pour sauver Hammamet " , il appartient à nos futurs responsable politiques d'accorder de l'importance à cette question ( pas pour HAMMAMET seulement évidemment ) , et ce en dotant les Muniscipalités des moyens matériels et technqiues pour prendre les choses en main , en accélérant les études des plans d'aménagement et en facilitant les modalités d'approbation, en donnant les mouyens de dissuasion pour arrêter ce fléau de constructions anarchqiues , en mettant les moyens pour créer des réserves foncières et fournir ainsi aux gens des terrains constructibles , tout cela en ayant une vraie volonté de changer les choses .
Bravo pour avoir soulevé ce problème. C'est un mal que nous devons combattre au niveau des municipalités. Nos villes se défigurent et vont vers l'asphexie. Il y a des quarties où érigent des bâtisses sans penser aux parkings et à la verdure autour. Laissons nos urbanistes faire leur travail convenablement.
c un mal que nous devrons combattre;mais pourquoi les municipalites ne font pas leurs travail .j'ai posé pleinte au poste de police il me dise qu'ils ne peuvent rien faire et que je dois voir avec la police municipale j'ai déposé ma pleinte in y'a presque 2 mois a la police municipale mais la personne qui expose ces vieux meubles sur le trotoire et une partie de la route continue inconsciente du danger qu'elle porte aux personnes et a leurs biens. je ne sais pas pourquoi on vercent notre argent a l'etat pour etre servi au besoin mais les hors la lois en profite.
Je partage tout à fait votre avis toutefois il faudrait distinguer entre la densification anarchique qui prévaut actuellement et qu'il faut combattre, et la densification maitrisée qu'il faut encourager car elle est la condition de réussite d'une politique d'urbanisme intégrée. Si on lutte contre la densification sous toutes ses formes, on risque d'encourager l'étalement urbain qui est encore pire pour le fonctionnement de la ville: pensez en termes de déplacements et d'impact sur l'environnement et sur la demande d'énergie. La solution passe par un urbanisme équilibré et une mixité des activités dans une ville plutôt compacte qu'étendue. Il y a un grand nombre de villes dans le monde qui se sont lancés dans une telle démarche et qui devraient nous inspirer. Mais c'est en donnant plus de prérogatives aux collectivités locales (notamment municipalités) qu'on pourra un jour résoudre ce problème.
Dans la tunisie de l'après révolution,il est impératif de revoir les plans d'aménagement de nos villes qui sont devenues quelconques et bâtardes,construire n'importe où,n'importe comment et n'importe quoi: la ville ancienne mal entretenue, devenu fief des pauvres venus des campagnes et après leur désertion par leur propriétaires citadins, donc sont devenues proies faciles des promoteurs peu scrupuleux d'où leur achat et destruction immédiate pour construire à la place des immeubles à la va vite (ou plutôt des cages à lapins) sans esthétique aucun sans humanité : pas d'espace vert,pas d'espace de parking,invivable sans les climatiseurs et l'intimité n'a plus de droit de cité ,pas de respect pour la hauteur non plus,les vielles maisons sont englouties avec leur locataires, ,pas de respect non plus de son environnement, seul compte le nombre de cm2 qu'ils vont pouvoir vendre à prix d'or . Il nous faut une nouvelle race de promoteurs qui ont le goût de l'esthétique et qui relèguent un instant le goût pour le profit, et pourquoi pas de nouveaux matériaux de construction et un autre modèle architectural imaginés de nos vieilles bâtisses millénaires où l'esthétique et l'écologique sont bien mariés et avec un système de climatisation écologique qui a bel et bien existé jadis dans ce pays ou bien inventer un nouveau système et débarrassons-nous définitivement des climatiseurs électriques pollueurs et glouton d'énergie fossile ou autre,pour redonner à notre paysage son harmonie, son sens du beau,de l'authentique ,du paisible et son légendaire terre d'accueil où il fait bon vivre.
Le problème n'est pas dans l'immeuble et les étages. Il est dans : l'achitecture de ces immeubles mal aérés etc qui les rend style ville-rempart génératrice de pestes ! 2/ le non-respect des proportions entre batiments et espaces verts 3/ ces immeubles sont construits à la place de maisons abandonnées parfois , ce qui embouteille la ville par les voitures des résidents et bloque l'horizon tellement ils sont serrés ! La démoralisation , le jeu partisan ( eh oui , un volontaire environnemental est plut^t perçu comme rival politique , on préfère en former !!) , l'ignorance ...évincent ces questions . D'autres approches sur http://journal-ho-net.fr.gd/Immeubles%2C-beton-%2C-et-cite.htm http://journal-ho-net.fr.gd/QUESTIONS-URGENTES.htm http://journal-ho-net.fr.gd/Environnement-et-civilisation.htm
Bravo! vous avez bien visé et juste! Ce problème commence à avoir de l'ampleur,et bien sûr les conflits y inhèrents commencent à s'intensifier ce qui développe par ricocher des inadaptations au style d'urbanisation choisi. Pour ne citer que quelques exemples:à la cité el Wahat à l'Aouina et à Ain Zaghouan eune sorte de carrefour urbain por une communauté de 75000 habitants prévus pur une superficie d'une dizaine d'hectare le tout regroupant trois ensembles dune trentaine d'immeubles construits les un plus plus haut que les autres(2 à 7 étages) endroit dans lequel on a concédé à y introduire un petit espace ver de la grandeur d'un terrain de Hand !! cité qui a vu émérger les commerces en parallèle(celui qui a un garage pour voiture ne trouve pas mieux que d'en faire une Pizzéria et l'autre qui transforme sa villa en jardins d'enfants? tout cela nous démontre l'inexistance d'une planification rigoureuse qui se plie aux exigences d'une urbanisation moderne (quid de l'administration :ministère de l'équipement pour les routes,la viabilisation adéquate des réseaux d'assainissement en eauxpluviales, Onas;;;etc ou des municipalités qui laissent pousser comme des champignons des commerces en tout genre!! des fruis et légumes au bijoutier en passant par le casse croûte et autre keftaji??sans droit de regard ni de suivi; qitte à ce que tous les commerces envahisset les trottoirs et les véhicules qui stationnent en pleine rue créant des embouteillages suivis de tintamarre de klaxons assourdissants et j'en passe pour les chaussées parfois sinueuses et étroites pour un véhicule et un bus situation qui oblige l'un des deux à s'abstenir ,si civisme il y a ! Bref beaucoup à dire sinon que de verser l'eau au moulin de Mr KALLEL à qui encore une fois bravo de nous avoir permit de commenter!
Bravo pour l'article, j'en partage le constat amère. Quant aux solutions, elles peuvent aussi être fiscales, de façon à ôter à l'immobilier son attrait en tant qu'investissement. Par exemple: imposer fortement les résidences secondaires ou l'immobilier de rente. Et comme je vois que nous sommes nombreux à nous soucier de ce problème, pourquoi ne pas nous organiser en un groupe de pression actif, visible et organisé?
Merci pour ce constat même si amer mais réel. Qu'est devenu entre autre Sidi Bou Said, ce village qui nous est envié de tous ? Un véritable souk de mauvais gout et de succession de commerce de glaciers et même de Fast Food (oui juste a côté du mausolée et de la mosquée du saint des lieux ) ! Apres ces abus et l'absence totale des services publiques, qui pourra arréter ces architectes sans aucune conscience ni éthique qui dénaturent notre patrimoine. C'est pourquoi sans les professionnels du patrimoine nul plans d'aménagement ni d'urbanisme ne peuvent être viables et viables.
Manifestement l'école de la raison est universelle. Tout à fait d'accord avec M. Sadok Kallel bravo pour cet article, je rajoute juste que les gens d'un certain niveau scientifique doivent s'investir dans les associations et les communauté locale pour ne pas laisser le champ libre aux incultes et aux rustres paysans ignares de s'installer et de gouverner notre avenir.