Tunisie : La démocratie, une affaire d'hommes libres
Huit mois après le 14/01, comment se présente le paysage politique ; alors que le pays est à la veille du premier test électoral post révolutionnaire de la constituante ?
Résultant des contradictions de la société qui fut marquée par « un unanimisme » de façade, ce paysage apparaît sous forme d’une mosaïque bariolée aux couleurs de l’arc en ciel .Il évolue, toutefois, sur une lame de rasoir.
Et pour cause : la fracture entre les élites saisies par un retour de la conscience et le grand nombre de citoyens englué dans une course désorientée pour la survie.
Une impatience qu’aggrave une dichotomie entre les attentes et les promesses, quand bien même, il faut savoir en politique il faut composer avec les cadences du facteur temps…
Ces mêmes élites- ou supposées telles- aspirent a rattraper le temps perdu dans une tentative de se déculpabiliser du mutisme, du passéisme voire de la complicité ayant caractérisé certaines attitudes qu’étouffaient alors l’unanimisme et l’esprit partisan. Toutes ces élites méritent autant de respect que le peuple que l’on crut longtemps « soumis » avant qu’il ne fasse sauter la charpente d’acier d’une dictature programmée.
106 PARTIS
Dés lors, un décor politique est planté avec d’ anciens et de nouveaux plis , ainsi qu’une propension au renouveau d’espoirs de liberté et de dignité suscités par une Révolution phare du « printemps arabe « , et par extension, pour tous les autres damnés de la terre. Le mur de la peur est tombé. Le rideau de l’audace s’ouvre sur des horizons inédits avec l’appréhension de la glissade vers l’imprévisible. Si le clignotant vire actuellement au vert, les regards intra et extra muros demeurent braqués sur cette petite (de taille) Tunisie, historiquement originale par l’intelligence de ses hommes d’action et de culture.
106 partis politiques meublent ce paysage dans un florilège de cinq tendances que l’on pourrait schématiquement ainsi classer :
- Nationalistes arabes
- Démocrates libéraux
- Démocrates socialistes
- Autonomes
- Islamistes.
En principe, ces tendances tournent autour d’une ambition et d’un vecteur unique : servir le pays. Chacune à sa manière et selon ses convictions sujettes à la contradiction et au questionnement critique, excepté l’Islamiste qui amalgame sournoisement le temporel et l’intemporel. Un amalgame qualifié de « tactique « que l’on pourrait assimiler à un syndrome infantile et incompatible avec l’esprit démocratique. Bien que personne ne peut reprocher à un musulman ses convictions intimes, il serait souhaitable, dans un jeu hautement politique ,que celles-ci soient cantonnées dans la sphère subjective. Celle du libre-arbitre .Et cela pour au moins deux motifs. Le premier identitaire, est inhérent à l’omniprésence socio-culturelle du fait religieux et son interprétation linéaire (innocente). Le deuxième, politique étant donné que l’histoire démontre qu’aucun régime se réclamant d’une légitimité religieuse n’est parvenu à élaborer un modèle (démocratique) susceptible de libérer les potentialités des individus et de concrétiser les aspirations à la liberté, la justice et au bonheur. Même l’Empire Ottoman qui a régné sous l'étendart de l’Islam durant cinq cents ans en Asie, au Moyen orient, en Afrique du nord et sur une partie de l’Europe du sud n’a pas été en mesure de réaliser de telles aspirations. Bien sûr, dirait-on, cela est dû à l’impérialisme anglo- français ou à une déviance dans l’application du texte coranique. ! Désolé, les faits sous les yeux sont têtus. Ni l’Iran des ayatollahs, ni le Soudan de Tourabi/Béchir, ni le Yémen de Salah, ni les Emirats du golfe,ni les Monarchies arabes , ni Gaza du Hamas …n’ont réussi à concrétiser -dans la sérénité - ces aspirations. De même ,en Europe , il fut un temps où la religion faisait des ravages, comme si, au lieu d’unir, la religion est devenue source de malheurs et de divisions. A plus forte raison, dans son bercail et alentour.( schismes et chiisme ).Le modèle turc n’est admissible que dans un contexte rationnel et laïque et… sous le regard de l’armée. Et puis la Tunisie n’est pas la Turquie, ni aucun autre pays !
Pis. Le panarabisme des nationalistes que l’on présenta comme une alternative à la faillite de l’Islamisme ottoman avait conduit aux mêmes dérives dont les ultimes avatars n’étaient autres que le baathisme (irako- syrien) sanguinaire et le nassérisme hégémonique après1956. Avec les nationalistes et les autres tendances il y a place, cependant, au débat, contrairement aux Islamistes politiques.
Omnis dubitatio, in Deo est certitudo (S’agissant de Dieu, tout doute est certitude).
Le monde change
La démocratie, fille d’Athènes la méditerranéenne est une question d’hommes libres et intelligents. Elle suppose l’acceptation mutuelle dans la diversité et sans ostracisme. C’est une affaire relative et imparfaite, à l’image de l’homme perfectible. Ne perdons pas de vue que dans ses balbutiements, la démocratie athénienne avait ses défauts par l’exclusion de son champ des esclaves, les étrangers de la cité, les pauvres et la femme. Avec le débat et la culture, l’idée de la démocratie a évolué.
En son nom, que d’esclaves ont été depuis, affranchis,des étrangers intégrés , des pauvres enrichis, des femmes émancipées et des dictateurs décapités…Pourquoi devrait-on stopper son cheminement ascendant ,tant et si bien , comme le dirait son philosophe Platon l’Idée de la liberté , l’Idée de la justice, l’Idée de la dignité sont « au dessus et par delà ».
Les pétrodollars ne construisent pas non plus la démocratie. Ils élaborent des desseins mesurés, à la démesure d’autocrates alliés des familles mafieuses.
Quoi qu’il en soit, la démocratie requiert plusieurs impératifs, en particulier :
- La reddition (questionnement) de l’Exécutif.
- La justice autonome.
- Un droit à l’information.
Même si le monde change dans la forme et le fond, il reste soumis à l’implacable logique des intérêts matériels et spirituels des nations. Et si l’on veut évolueravec, il importe de bannir le discours de la haine vengeresse, le discours de la victimisation et celui de la diabolisation de l’autre. Et l’autre, c’est le voisin du palier, d’abord, celui ou celle de la géographie planétaire , ensuite dans leur dimension humaine , économique et culturelle.
Souverain le peuple tunisien qui a repris – après tant de sacrifices et sans intervention étrangère- le fil conducteur de sa libre destinée. Saura- t -il passer avec succès ce premier test électoral post – révolutionnaire en évitant l’écueil d’un post- totalitarisme ?
H.O.
Journaliste
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Un grand bravo! Merci beaucoup.
En fait, il y a actuellement deux courants de pensée dans notre pays, bien camouflés mais deux et pas plus. Il y a d'un coté ceux qui sur plus de 50 années de système corrompu ont accumulé des richesses colossales et qui vont tout faire pour conserver leur bien même s'il a été mal acquis et de l'autre coté - où il y a un grand nombre d'intellectuels et d' honnêtes citoyens- qui demandent une redistribution des richesses. Le 1er groupe a le pouvoir mais une progéniture peu motivée habituée à la vie facile et l’oisiveté alors que le 2ème a la rue , le nombre et une très forte motivation.
Très bonne analyse,avec des arguments lucides et bien fondés ,oncrétisés par des exemples politiques et historiques très bien choisis.