Printemps des peuples, automne des femmes ?
Après le printemps des peuples arabes de l’hiver dernier, le 7 Septembre aurait-il sonné l’automne des femmes ? A l’aune de leur représentation au niveau des têtes de liste, le fait est indéniable: elles ne conduiront que 5% des 1 600 listes en présence. A la notable exception du Pôle démocratique moderniste, qui réalise une parité parfaite (16 têtes de liste féminines sur 33), et dans une moindre mesure celle de «Afek Tounes» (8 femmes sur 24), c’est donc un paysage politique massivement masculin qui se prépare après le dépôt des candidatures. Certains partis étaient attendus sur ce terrain, et nul n’est surpris de les y retrouver. Mais ils y sont en bonne compagnie, celle de nombreuses formations nettement moins modernistes à l’usage que leurs proclamations ne le laissaient espérer. La plus emblématique à cet égard étant le PDP, qui n’a trouvé que deux femmes — outre sa secrétaire générale — pour leur confier la conduite de l’une de ses 33 listes.
D’aucuns rétorqueront que là n’est pas l’essentiel, et qu’à l’heure d’écrire notre nouvelle Constitution, la priorité devrait être donnée à la compétence et à l’expérience politique. Compétence ? Les quelque 60% d’étudiantes à l’université, joints à leurs performances scolaires, sont là pour témoigner qu’à cette aune-là, rien ne justifie la persistance de la domination masculine sur la société, civile comme politique.
Quant à l’expérience politique, parlons-en : également sevrés de démocratie depuis 55 ans, les Tunisiens et les Tunisiennes en sont tout autant dépourvus. Personne n’aura en revanche oublié que les jeunes filles et femmes tunisiennes étaient largement présentes aux premiers rangs des manifestants qui ont acculé le tyran et sa mafia à la fuite. Cet objectif atteint, et notre liberté reconquise, celles qui ont risqué leur vie dans la bataille ne seraient donc plus assez qualifiées pour conduire des listes aux élections ?
On se souvient pourtant de la touchante unanimité qui avait prévalu à la Haute Instance lors de l’adoption du décret-loi sur la parité des candidatures. C’était au lendemain de la révolution.
Mais c’était peut-être aussi que, en épargnant les têtes de liste, cette parité ne présentait aucun danger de se traduire en sièges à la Constituante. Dans un paysage politique aussi éclaté que le nôtre, rares en effet sont les seconds de listes ayant une chance d’être élus.
Alors, il a suffi de laisser faire les pesanteurs sociologiques et culturelles, plus que jamais présentes dans notre société en cette année de révolution. Sans volonté politique forte pour les bousculer, sans action résolue et volontariste pour les dépasser, le miracle pouvait-il avoir lieu ?
Le plus étrange reste l’insensibilité manifestée par les défenseurs d’une société civile à cet enjeu. Dans l’étape actuelle, les femmes sont pourtant les mieux à même de porter leur combat, et d’y rallier les suffrages des femmes.
Car qu’elles soient bourgeoises ou prolétaires, citadines ou campagnardes, éduquées ou moins éduquées, voilées ou non voilées, rares sont celles qui se résigneraient à une régression de leur statut.
Les mettre en avant pour assurer leur présence à l’ANC aurait donc constitué un acte de clairvoyance politique autant que de civilisation. Mais le sort est désormais jeté, et avec lui la présence des femmes à la Constituante. Ce n’est certes que partie remise, car il arrive à l’histoire de repasser les plats, mais quel gâchis! Notre IIème République aurait certainement mérité une plus belle ouverture.
M.J.
(*)Universitaire
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contradiction flagrante! les femmes font, elles aussi, partie des peuples, c'est donc le printemps pour tous.