Barack Obama et la politique industrielle !
Les politiques sectorielles ont été au centre du dispositif de l’action publique depuis la seconde guerre mondiale. En effet, les politiques agricoles et les politiques industrielles ont joué un rôle majeur dans la plupart des pays développés et les ont aidé à construire leur autosuffisance alimentaire ainsi que la compétitivité industrielle. L’on se rappellera que les grands pays développés et particulièrement l’Europe étaient déficitaires du point de vue agricole jusqu’à au milieu des années 1960. Un déficit qui trouve ses origines dans les legs de leur « épopée » coloniale et de la division internationale du travail qu’ils ont imposés à leurs colonies en les spécialisant dans les produits agricoles et leur exportation vers la métropole qui elles mettaient l’accent sur les produits industriels. Un marché de dupes qui a été justifié de manière scientifique par les grands économistes du XVIIIème siècle et particulièrement, David Ricardo. Seul le vieux Marx s’était dans son temps levé contre cette partition absurde de la production mondiale ! Mais, à l’époque déjà on l’avait donné pour archaïque et on avait défendu au nom de la modernité et du progrès cette répartition des tâches. La force militaire de la colonisation est venu alors ramener à la « raison » tous les récalcitrants et qui se rattachaient aux idées d’autonomie et d’indépendance nationale !
A la décolonisation, les pays développés avaient hérité de structures économiques qui étaient loin d’être auto-centrées et qui étaient encore fortement liées à leurs anciennes colonies. C’est dans ce contexte que les politiques sectorielles vont jouer un rôle essentiel pour permettre à ces économies de recentrer leurs dynamiques de croissance. Ces politiques vont user d’importants moyens publics et d’instruments afin de redonner aux vieilles puissances économiques de nouveaux ressorts et leur suprématie d’antan. Les politiques agricoles vont permettre à ces économies, à travers un important appui aux producteurs ainsi qu’une protection sans faille des marchés et une aide à l’exportation, de retrouver non seulement leur autonomie alimentaire mais de devenir aussi des grandes puissances exportatrices de produits agricoles sur les marchés mondiaux. Les politiques sectorielles ne se sont pas limitées au niveau national mais l’Europe s’est engagée dans une politique agricole régionale qui est devenue l’un des piliers de la construction européenne. De même, la plupart des pays développés ont mis en place des politiques industrielles ambitieuses qui leur ont permis de reconstruire leur compétitivité ainsi que leurs tissus industriels mis à mal, particulièrement en Europe, par les destructions de la guerre.
Dans les années 1960 et 1970, les politiques sectorielles vont connaître leur apogée avec les indépendances des pays du Tiers-Monde qui vont en faire des axes majeurs de leurs stratégies de rupture avec les anciennes métropoles coloniales et d’indépendance. Ainsi, se sont-ils mis aux politiques agricoles et aux politiques industrielles avec l’aide et le soutien des grandes institutions internationales dont les deux sœurs de Washington et les coopérations bilatérales.
Mais, ce contexte va profondément changer au début des années 1980. D’abord, la mort de Keynes, comme l’avait annoncé les radicaux de la nouvelle macroéconomie économie classique et autres héritiers de Friedman et de l’école de Chicago, était à l’origine d’une forte remise en cause de l’action publique dans le fonctionnement des économies et le retour des principes de l’économie marchande. La critique de l’Etat était forte et n’avait d’égal que le dédain et le mépris qui étaient réservées aux adeptes du marché lors de leur traversée du désert lors des années à la gloire du maître de Cambridge.
Il faut souligner que le changement du contexte idéologique n’est pas la seule explication des remises en cause et des faillites des politiques sectorielles. En effet, l’application de ces politiques n’est pas exempte de tout reproche et elles ont été à l’origine de beaucoup d’inefficacité et de rentes qui n’ont favorisé ni la croissance ni la compétitivité. Il faut aussi mentionner qu’à partir du début des années 1980 on a assisté aux premiers développements de la globalisation qui ont été à l’origine d’une grande libéralisation des frontières. Du coup, l’efficacité des politiques sectorielles est sujette de plus en plus à des critiques et ses effets deviennent moins évidentes. Les limites des politiques industrielles définies par l’un des premiers gouvernements de Mitterrand et de la gauche au pouvoir ont sonné définitivement les glas de la compétitivité sous haute protection étatique.
C’est un nouveau contexte qui va dominer l’action économique à partir du milieu des années 1980 et le consensus de Washington va mettre l’accent sur le rôle du marché dans l’allocation des ressources et limiter l’action publique aux politiques macroéconomiques. Les pouvoirs publics devaient assurer un environnement des affaires favorables à l’investissement privé et ce sont les entreprises privées qui doivent conduire désormais les dynamiques économiques et construire leur compétitivité.
Or, ces politiques ont montré leurs limites dans les pays développés et dans les pays en développement qui ont fait confiance au consensus de Washington et aux règles abstraites du marché. Les puissances industrielles traditionnelles ont continué à se désindustrialiser et beaucoup de pays en développement se sont trouvé prisonniers de la trappe des pays intermédiaires. Et, du fait de ces difficultés ces pays font face à un chômage et à une détresse sociale sans précédent. En même temps, les pays qui ont poursuivi des politiques sectorielles vigoureuses sont devenus d’importantes puissances industrielles et agricoles, particulièrement les BRICs.
C’est dans ce contexte qu’on a assisté au retour des politiques sectorielles et particulièrement des politiques industrielles. Le Président Barak Obama a été de ceux qui ont fortement défendu le retour à ces politiques en lui consacrant une grande partie de son discours sur l’état de la nation à la fin du mois de Janvier 2012. Dans ce discours, il est parti de l’exemple de General Motors et de la détresse sociale dans laquelle se trouvaient la ville de Detroit et l’industrie automobile américaine au moment de la crise. Or, avec l’action vigoureuse du gouvernement l’entreprise et l’industrie sont en train de sortir de leur crise et de retrouver une partie de leur superbe. Et, le Président américain de souligner que ce qui a été fait pour l’automobile peut être également mis en œuvre pour d’autres secteurs industriels. Il souligne surtout l’importance stratégique des politiques industrielles pour régler le problème du chômage massif. Mais, surtout dans ce discours et dans différentes autres interventions et projets, le Président américain a suggéré d’autres moyens pour réinventer la cohérence et la compétitivité de l’industrie américaine. Il a mis en exergue la politique fiscale, l’aide sur les marchés mondiaux et surtout l’éducation et la formation et l’innovation afin de permettre aux entreprises américaines de renforcer leur leadership sur les nouveaux secteurs des nouvelles technologies. L’intérêt et les propositions de politiques industrielles suggérées par le Président Obama ont trouvé un écho en Europe et particulièrement en France lors de la campagne électorale.
Notre monde aujourd’hui est marqué par la fin des illusions dans le libéralisme triomphant. Du coup, l’action publique et les politiques industrielles ont retrouvé leur jeunesse d’antan. Mais, il s’agit de politiques industrielles qui se libèrent des schémas et des carcans bureaucratiques passés pour trouver des instruments novateurs qui permettent aux économies de reconstruire leurs dynamiques productives et leurs compétitivité.
HBM
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