Tunisie 2012 : la note souveraine malheureusement pas très souveraine !
Standard and Poor’s a abaissé de deux crans la note de la Tunisie, de BBB- à BB, avec un biais stable, nous situant dans la catégorie spéculative, ce qui n’augure rien de bon pour le futur.
Ce n’est, à vrai dire, une surprise pour personne, car la détérioration de la situation générale, présente du pays, est, qu’on le veuille ou non, bien réelle, et nos perspectives d’avenir incertaines.
Essayons de passer en revue ces deux aspects, sur lesquels se fondent les appréciations des agences de notation, et d’en évaluer les conséquences.
Une situation générale du pays fragilisée par le désordre permanent
Le désordre perdure, tous azimuts, sécuritaire, politique, économique social, sociétal.
L’autorité se perd, et le tissu social se délite.
Comment voulez vous avoir un redressement de l’autorité, quand personne n’impose son autorité ?
La scène politique est traversée par des dissensions, dont tout esprit sérieux voit bien qu’elles sont du niveau d’une " cour d’école".
Tant du côté de la majorité que de l’opposition, les problèmes majeurs, sont occultés par les querelles "d’égo" et les surenchères à la petite semaine.
La classe politique ne sait pas que ses divisions, renforcent les marchands de malheur : les trafiquants, les nihilistes, ceux qui ne croient en rien, en dehors de leurs turpitudes.
Sans autorité, pas de sécurité, et sans sécurité, il ne serait pas sérieux d’appeler l’économie à la rescousse.
La classe politique, majorité et opposition confondues, et bien entendu divisées, est dans les "starting blocks" pour les élections à venir. C’est trop flagrant pour inspirer confiance et restaurer l’autorité.
Il n’existe pas dans le pays des références morales, et en dehors d’une petite poignée d’hommes politiques d’envergure, l’espace du même nom est réduit à la portion congrue.
Les intellectuels et les porteurs de bonne parole, sont inaudibles dans une sphère médiatique qui fait des efforts, mais se cherche encore des références, après des années d’un silence contraint.
D’où l’absence de voix qui en imposent par leur vision, leurs compétences et leur amour de la patrie, au bénéfice des nouveaux occupants de l’espace cathodique, les experts autoproclamés tout terrain, qui ajoutent de la confusion à l’incertain que nous vivons.
Ainsi, les demandes d’un remaniement ministériel, procèdent d’une vision irresponsable des choses : si le remaniement espéré se traduisait par des difficultés du même ordre ou pire, que ferions-nous ?
Des perspectives d’avenir illisibles peu encourageantes
Standard and Poor’s a tenu compte de tous les événements qui ont conduit à la situation présente, et qui, pour elle, sont à classer à la fois dans les éléments de l’inventaire de sa notation, et dans les perspectives d’avenir, aussi longtemps que rien ne viendra adoucir ce climat délétère.
Car l’agence est le protecteur des préteurs, et sa note tient compte de la solvabilité de l’emprunteur, en l’occurrence l’Etat tunisien.
Cette solvabilité dépend, plus encore des perspectives d’avenir de notre économie, quand le remboursement devient exigible et que le préteur doit recouvrer sa créance.
A cet égard, Standard and Poor’s fait preuve d’inquiétudes très fortes sur la solvabilité de l’Etat tunisien en raison d’un manque de lisibilité de l’avenir du pays : incertitude sur la date des élections, lenteur des travaux de l’Assemblée constituante, lenteur dans la période transitionnelle préjudiciable à une prise de décision énergique et surtout absence de maîtrise du calendrier économique et social.
De plus, la loi de finances complémentaire, n’a pas rassuré l’agence sur la capacité du pays à créer les conditions d’un regain significatif de l’investissement productif, qui a besoin d’un horizon dégagé des incertitudes, notamment sur la durée des statuts fiscaux, et la pérennité des avantages accordés.
Il est important pour un créancier de prévoir ce que sera la santé pécuniaire de son débiteur, à terme : pour Standard and Poor’s et pour les hommes d’affaires en général, cette visibilité de l’horizon économique et social n’existe pas.
Cela ne peut être possible, que par l’élaboration d’un programme à moyen terme qui soit d’évidence fiable, concret par les moyens objectifs qu’il prend en considération, et qui emporte? par une communication rigoureuse? l’adhésion et la confiance.
Conclusion
Nous sommes dans une situation transitionnelle, par certains égards curieuse : le pays longtemps bâillonné par la dictature est délesté des principes d’une gouvernance minimale, d’une concorde nationale, de l’esprit citoyen, et en conséquence de la force et du courage de gravir les marches de la relance économique nécessaire.
S’il échoue dans ce nouveau défi, il affrontera des difficultés incommensurables : la difficulté de se financer pour nos investissements, synonyme d’une lourde charge additionnelle dans le budget de l’Etat, l’augmentation du nombre des sans emploi, l’accélération de la fuite des investisseurs, dont certains sont déjà partis voir ailleurs, enfin, tout simplement, la faillite, avec sa lot de misères, de souffrances et de malheurs.
Avons-nous la force de nous relever ? C’est d’abord à nos élites, si absentes, ou dans le meilleur des cas tellement dissonantes, qu’il appartient de donner l’exemple du goût du sacrifice et de l’effort.
Peut être, et à cette condition, pourrions-nous espérer un meilleur destin.
M.G
Mourad Guellaty
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Un écrit déroutant de clarté, qui rend si simple ce sujet complexe.M Jalloul
Merci Monsieur Guellaty de cette opinion qui sonne si simple, parce que sa description du problème est sans fioriture et va à l'essentiel.Hayet Mouelhi
Excellente réflexion, sans faux espoir sans démagogie et sans parti prix: l'oeuvre d'un expert brillant ! Nadia Denguezli
Explication saisissante de clarté. Respect pour l'auteur qui ne sombre pas dans le défaitisme et ne désespère pas de voir son pays reprendre le bon chemin. Nabil Loghmani
Généralement les dictatures sont bonnes gestionnaires. Nous en Tunisie, avons eu la dictature et la mauvaise gestion. Résultat nous avons créé notre dette dans le silence et la soumission, sans savoir que la corruption régnait à un taux estimé selon les instances internationales à 10% du PIB, qui gonfle les soldes des banques libanaises et canadiennes des familles anciennement au pouvoir.Moncef Marrouki
Mr Guellaty écrit différemment ce que d'autres appellent depuis longtemps, avec sa manière dépouillée, que rend sa proposition évidente. Il faut rétablir l’autorité de l’Etat, et canaliser l’énergie sans limites des fauteurs de troubles vers des travaux obligatoires d’intérêt général. Jaafar Amine
L'ancien enseignant, devenu un expert trés apprécié, n'a pas oublié ses fondamentaux:une simplicité dans l'explication du contenu et une plume limpide qui coule de source.Avec Mourad Guellaty on comprend tout et on se dit qu'on n'est pas si inculte! Latifa ben Amor
mourad guellaty, qui a déjà écrit plus d'une fois sur les agences de notation, nous donne une fois de plus, le commentaire placide de l'expert: la mise en exergue distanciée des points importants sur lesquls S&P a construit sa notation, à savoir le bilan de la période passée et les éléments les plus forts des anticipations. Tout cela avec l'élégance du conférencier-expert, qui fait sienne l'exigence de simplicité, image de son talent incontestable de pédagogue. Ali Guiza
Merci à Si mourad de nous faire bénéficier de cette plume si belle, pour décrire avec le talent qui est le sien une situation tellement inquiétante.K Ben GUIZA
Excellente tribune, de Mr Guellaty, qui résume d'une manière concrète les conséquences d'une dégradation de la note souveraine, tout en tenant compte de la situation spécifique de la Tunisie. Ahmed Nasseem
Mourad est un spécialiste de la dette. Combien d'articles sont parus sous sa plume, y compris dans Leaders, dans le passé? Donc ce qu'il écrit à nouveau, devrait, le connaissant, se lire dans le texte et entre les lignes. Brillantissime! Patrick Masonneuve
Reflexion percutante, avec une réserve tout de même: il sera difficile de faire pire que quelques ministres actuellement en place. H Abid
Excellente tribune, de Mr Guellat, excellent analyse de la situation actuelle de notre cher paye. Il est urgent que le pouvoir actuel prenne en charge le plan d'action proposé par Mr Gellat pour éviter une proche catastrophe. Ou sont l'autorité et les pouvoirs de l'état ? Un climat sécuritaire et une stabilité politique s'avèrent nécessaires pour relancer l'économie et sortir notre paye de ce gouffre.
Une plume alerte, trés ciselée, comme toujours avec Si Mourad, au service d'une argumentation dont la cohérence le dispute à la raison. A lire absolument, par tous ceux que la situation actuelle agite au lieu de les rassembler.Y Merdassi
Cette tribune est une opportunité de comprendre une situation sans courir le risque d'être mal informé, en raison de considérations partisanes de l'auteur. Le partis de Si Mourad c'est la Tunisie et aprés il a pris comme seconde patrie la vérité. M Jerbi
L'auteur, qui fait l'unanimité, dans les milieux professionnels, et dans la communauté d'affaires nationale et internationale, contribue par ses commentaires raisonnées à apaiser les esprits illuminés par les surenchères didactiques. A sa manière feutrée, il donne une indication de ce qu'il y lieu de faire pour sauver le pays: respect des institutions existantes mais avec vigilance et sans chèque en blanc. Je souscris à tout ce qu'il écrit.S Youssef
Mourad a raison de s'inquiéter du glissement concommitant de la dette souveraine. D'autant qu'il me semble que Moody's en avait fait de même pour la Tunisie. Il faudrait ajouter que la dégradation d'une dette souveraine n'est pas une perspective de faillite certaine. C'est un gros avertissement cependant pour les pays qui la prennent avec un haussement d'épaules.C'est ce qu'a voulu dire MOurad Catherine Leroux
Mourad Guellaty parle d'or.Ne nous affolons pas, même si la dégradation de deux niveaux d'un pays n'est pas un phénomène anecdotique.Reprenons tunisiens amis citoyens tunisiens le chemin du travail . arrétons de babiller, de trafiquer, desurenchérir! retroussons les manches et travaillons. Seuls remèdes contre le déclin.regardez un peu ce qui s'est passé en Asie, l'exemple de la Corée du Sud et l'exact contraire de la Corée du Nord devraient nous donner à réfléchir.Respect à mon Maître et Si Mourad, toujour égal à lui même, par son analyse sans excés, mais tellement intelligente des évènements qui se produisent en Tunisie. Oui respect! Dalila Mami ( Paris)
C'est juste, malheureusement, cent fois juste.Amis tunisiens, retroussez les manches et arrétez vos enfantillages. Vous avez réussi l'impensable et à présent vous vous fourvoyer.Allons donc, réveillez vous! Catherine De Poix
La Tunisie est comme un boxeur tétanisé par un coup dur. Que doit il faire ? En grand amateur de boxe, Mourad Guellaty, "l'escrimeur de la plume financière", propose avec finesse qu'il ne s'affole pas, reprenne sa garde et repartir sagement au combat. C'est à dire, pour le pays, au travail.Lotfi Landoulsi (Paris)
Je suis d'accord avec l'analyse cent fois d'accord. Il est bon d'ajouter que d'autres pays ont été dégradés et ont eu la force de regagner leur notation initiale. Alors au travail, tunisiens, tunisiennes! M Fezzani
Les conséquences seront terribles. Qui va vouloir nous préter de l'argent? Et pourquoi le ferait il, pour nos beaux yeux? on n'est même plus capable de vivre ensemble. Alors de là à ce qu'il s'attendent à ce qu'ils soient remboursés.... Sauf à nous appliquer des taux usuraires.YossefMerdassi