Questions à ... - 18.12.2008

Hammadi Mokdadi

Nourri  d'une  longue  expérience  bancaire et financière  corroborée par ses  écrits où il a aborde les spécificités ainsi que les solutions nécessaires  au  développement  du  marché financier Tunisien ,   Hamadi  Mokdadi, établit-actualité oblige- une radioscopie de l'évolution du marché financier  :  Activité  boursière, appel  public  à  l'épargne,  rôle  des intermédiaires  financiers   (  inter  en  bourse  et  banques),  rôle  des émetteurs,   psychologie  des  épargnants , perspectives de développement,…
tout y passe. Entretien:

Dans un contexte en pleine mouvance, la diversification et la  décentralisation  de l’activité des Intermédiaires en bourse devient un impératif de taille…

La  solution  est  irrévocablement  la  diversification  de l’activité. Les intermédiaires  financiers ne doivent pas limiter leur activité au courtage puisque  c’est  une  activité  intermittente. Il y a lieu de s’intéresser à d’autres  branches  d’activité comme le portage d’actions, l’appel public à l’épargne,  la  gestion  et  le  conseil  en  épargne  investie  à  travers l’orientation  des  épargnants  vers  des  produits  d’optimisation fiscale comme le Compte Epargne en Action, les SICAV,FCP, assurance vie, ….

Parmi  les voies à explorer, figure aussi la décentralisation de l’activité au niveau des grandes villes du pays. Nos produits doivent être accessibles à tous les investisseurs  tunisiens et couvrir l’ensemble du territoire tout en invitant les banques à développer leurs activités sur le marché financier.
De   cette   manière,   nous   pourrons   générer   des   valeurs  ajoutées supplémentaires  pour  notre marché financier et sauvegarder nos structures et les emplois.

Cette  décentralisation  devra inciter  les  intermédiaires  en  bourse à aider les banques  au niveau régional à de drainer une nouvelle catégorie de clientèle( personnes  physiques,  personnes  morales , fonds d'investissements ....) permettant de développer davantage le marché financier. Les intermédiaires en bourse constituent d’excellents partenaires aux banques.

Encourager  par  les lois régissant la relance du marché financier? Il  est  impératif  d'inciter  les  entreprises à recourir au financement  direct   par  le  marché.  Quel est le rôle des intermédiaires financiers à cet égard?

Le recours à l’appel public à l’épargne reste un chantier important… Encourager  et inciter les entreprises à recourir au financement direct sur le  marché financier est le cheval de bataille des intermédiaires. Et ce, à travers     l'émission  d’actions  et  d’obligations  et  d’avoir ainsi des sources  de financement additionnelles leur permettant d’alléger le fardeau des   crédits   qui   handicapent   parfois  le  développement  durable  de l’entreprise.

De même ,les établissements de crédits (banques et sociétés de leasing) ont intégré dans leurs stratégie de financement t , et compte tenu des impératifs de la gestion actif/passif , le recours au marché financier. Ainsi, la production  du secteur du leasing est financé en majeure partie par  des émissions d'emprunt obligataires , 200 millions de dinars ont été lever entre 2007/2008.

Quant aux banques, les nouvelles conditions des crédits immobiliers ( durée de remboursements allant jusqu'à 25 ans) permettant à une plus large catégorie de la population d'accéder à la propriété et en prime d'alléger la charge mensuelle,  ont pu les amener à lever 260 millions de dinars  ( avec franc succès) remboursable sur une durée allant de 10 à 25 ans ( on cite STB/BH/AMEN BANK/ATTIJARI BANK/ATB) .

Côté  financement  de la dette de l’Etat par le marché obligataire, dans le cadre  de  cette  crise financière actuelle, des opportunités se présentent pour  que  l’Etat lève des capitaux auprès du marché domestique compte tenu des  avoirs  en quête de placement et,  à charge pour les souscripteurs, de jouer le jeu de la rémunération demandée.

Parmi  les  voies  prônées  pour  accompagner  le  développement du marché, l’exercice  de  nouvelles  activités telles que l’activité de listing sponsor (entreprise  de  conseil  financier) pour les sociétés du marché alternatif réservé  aux  PME/PMI,  tenue  de  marché, la contrepartie qui sont déjà réglementées par le statut des intermédiaires en bourse.

De  surcroît, le recours attendu des sociétés étatiques au marché financier à  travers  des  opérations  d’augmentation  de  capital  par  voie d’offre publique  de  souscription (OPS), décision déjà annoncée par les autorités, contribuera a fortiori au développement du marché financier.


Quels  sont  les  effets  d’entraînement  des  groupes  d’affaires pour enrichir le marché financier ?

La  restructuration  des groupes d’affaires par la création de holdings cotés en  bourse  est  fort intéressante. L’introduction de Poulina Group Holding est un excellent  exemple. Rappelons  que  la  défiscalisation  des opérations  de  restructuration  des  groupes  en  vue de l’introduction en bourse  est un avantage de taille. La restructuration prévoyant la création d’une  société  holding  bénéficie du même régime. L’apport d’actions ou de parts sociales au capital de cette dernière est également exonéré au cas où elle  s’engage  à s’introduire en Bourse au plus tard l’année suivant celle du bénéfice de l’exonération.

Aussi,   les  perspectives  s’annoncent  bonnes  avec  la  confirmation  de l’opération  de  rapprochement  entre  Karthago  Airlines et Nouvelair. Une opération qui donnera à la bourse une dimension supplémentaire pour devenir un acteur majeur dans le financement du secteur de transport aérien.

En outre, les indicateurs publiés à temps de nos entreprises et de nos banques avec  des  bons fondamentaux reflètent la bonne situation de notre économie qui  présente  un  terrain favorable et sécuritaire pour l’investissent sur notre marché financier.

Comme je l'ai déclaré à maintes reprises , la vérité est établie au niveau de  l’Appel  public  à  l’Epargne (APE), on se demande souvent pourquoi les dirigeants   des   entreprises   favorisent   le  financement  bancaire  aufinancement  direct  (8 % seulement dans le financement des investissements privés) : apport en fonds propres, emprunts obligataires, portage, OPS…. et s’écartent  de  la  volonté d’introduire leurs sociétés en bourse, en dépit des  encouragements  des pouvoirs publics et les séries d’incitation mis en place.
Les  phénomènes  psychologiques comptent beaucoup en plus de l’omniprésence du   financement   bancaire   ,  surtout  dans  la  prise  de  décision  d'investissement et de financement. La  crainte de ne pas réaliser son Business plan, de répondre en permanence à  des  interrogations  légitimes  de  la  part des actionnaires, mais font partie du domaine confidentiel, de voir son titre instable et trop volatile, de  ne  pas  réussir une ouverture de capital (OPV / OPS), de ne pas servir des  dividendes,  de  ne plus être éligible à la cote de la bourse…etc. Une série  de  réactions qui pèse sur le noyau dur (actionnaires de références) qui  manifeste  généralement  sa volonté de se projeter et faire appel à un potentiel d’actionnaires beaucoup plus large. Pour  cela, tous les intermédiaires financiers ( y compris les banques) ,en plus  des  commissaires  aux  comptes  et  conseillers  divers doivent  les soutenir  à  franchir  ce  cap  avec  objectif  de  les rassurer et  de les fidéliser.

Quels sont les conseils que vous donneriez aux investisseurs : est-il vrai qu'ils sont guidé par leur propre psychologie d'action ?

En  effet  , la psychologie commande (voir  mon article sur les phénomènes psychologiques  paru dans l'économiste maghrébin N° 486 du 4/12/2008) et le plus  important  est  de ne pas céder à l’emballement, ni à la panique mais plutôt il faut en profiter pour prendre position « Acheter au son du violon et  vendre  au  son  du  canon ». L’investissement en bourse est d’abord un investissement  à moyen et long terme. Il ne faut pas hésiter à faire appel aux  analystes  et  aux  spécialistes  du  marché avant d’entamer n’importe quelle opération d’achat ou de vente des titres. Ces derniers disposent des capacités  d’évaluer les différentes valeurs sur le marché en tenant compte des  divers  risques.  Le  traitement  de  l’information joue aussi un rôle important dans cette dynamique entre investisseur et marché financier. Rappelons  qu’il  existe  six  règles d’or à respecter pour mener à bien un investissement  en  portefeuille,  puisqu’il nécessite une veille permanente des ajustements :

  • Il faux prendre son temps et ne pas céder à l’emballement
  • Diversifier ses placements et le style de gestion
  • Savoir prendre ses bénéfices
  • Profiter de la baisse des cours
  • Réexaminer régulièrement ses anticipations
  • Choisir des valeurs selon le rendement : couple DIV/COURS


Ainsi,  il  faut  déterminer  ses objectifs  et ses contraintes, selon deux conditions  obligatoires, la croissance et le rendement comme objectifs et la capacité d’épargner, la disponibilité  des  fonds, les horizons de placement,  la  situation  fiscale et le degré du risque  comme contraintes primaires.

Par  ailleurs,  nous  pensons que  l’intervention de toute  société sur ses propres  titres,  en  ces  temps  difficiles, est  indispensable en vue de conforter et rassurer ses actionnaires, injecter de la liquidité et surtout atténuer la volatilité des titres et ce, conformément aux dispositions de l’article  73  de l’APE : « Les interventions d'une société sur ses propres titres  doivent  avoir pour objet, dans l'intérêt de ses actionnaires, soit d'assurer  la  liquidité  du  marché du titre concerné, soit de réduire les fluctuations excessives de son cours ».

Nous  remarquons  que  la  plupart  des  sociétés cotées ont fait voter des résolutions  dans  ce  cadre  au  cours  des  travaux  de  leurs assemblées générales ordinaires ,conformément à l’article 19 de la loi 94-117, mais la majorité d’elles n’a pas mis en application cette autorisation. Il  est temps d’activer cette procédure pour booster les valeurs de la cote et préserver les titres des excès à la hausse ou à la baisse.

Par  ailleurs,  la  séance de cotation a été étendue pour une durée de cinq heures et 10 minutes  (de  9h  à  14h10), offrant  aux  investisseurs des nouvelles opportunités  d'arbitrages et de prise de position. De  plus,  l’épargne  est  de  plus en plus investie en épargne collective. Aujourd’hui,  l’on constate qu’avec le développement de plusieurs FCP, CEA, SICAV…,  l’épargne nationale investie en épargne collective devient de plus en plus importante. En effet, à la fin  du mois d’octobre 2008, l’actif net des OPCVM de la  place  totalise 3  686 MD soit une hausse de 22 % par rapport au 31/12/2007. Ces  actifs  sont   gérés  par  des  gestionnaires  qui  ne cèdent pas aux paniques,  cherchant  des horizons de placement à moyen et à long terme et ce  en  s'écartant des positions spéculatives.

In  fine,  il  ne faut jamais oublier  une célèbre déclaration que je trouve pertinente  et qui résout parfaitement  les soucis de la collecte et le développement  de l'épargne nationale :" je me sers de mon argent pour faire des économies et me sers de mes économies pour dépenser de l'argent ."

 

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5 Commentaires
Les Commentaires
Souhaiel - 26-12-2008 16:32

Cet article demeure d'une grande importance du moment où il présente les principaux problèmes de la bourse de tunis tout en donnant des solutions pour faire décoller le marché financier. Espérant que les intervenants ainsi que les responsables du marché veillent à ce que ce genre d'initiative soit bien étudié et qu'il trouve des suites favorables.

Achwak - 26-12-2008 16:36

je suis tout à fait d'accord avec vous, mais je crois que le premier pas à faire est developper notre culture boursière. En tunisie, on a pas encore une bonne idée sur la bourse et he suppose qu'a part les spécialistes du secteur maximum 5% connaissent le mécanisme de la bourse. Donc on a besoin tout d'abord d'une forte médiatisation du marché financier.

- 27-12-2008 14:36

trés importante comme mise au point surtout que le marché financier doit prendre sa place dans le paysage microéconomique tunisien, nous avons beaucoup appris et les informations sont trés pertinente.MERCI SI MOKDADI et nous attendons d'autres contributions de votre part. UN GROUPE D'ETUDIANTS HEC TUNIS

- 27-12-2008 15:22

très intéressant article

haykel - 01-01-2009 17:08

ANALYSE QUI VIENT A POINT POUR ECLAIRER TOUS LES ;EN EFFET L'APE DEMEURE FAIBLE EN TUNISIE

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