Hammadi Mokdadi
Nourri d'une longue expérience bancaire et financière corroborée par ses écrits où il a aborde les spécificités ainsi que les solutions nécessaires au développement du marché financier Tunisien , Hamadi Mokdadi, établit-actualité oblige- une radioscopie de l'évolution du marché financier : Activité boursière, appel public à l'épargne, rôle des intermédiaires financiers ( inter en bourse et banques), rôle des émetteurs, psychologie des épargnants , perspectives de développement,…
tout y passe. Entretien:
Dans un contexte en pleine mouvance, la diversification et la décentralisation de l’activité des Intermédiaires en bourse devient un impératif de taille…
La solution est irrévocablement la diversification de l’activité. Les intermédiaires financiers ne doivent pas limiter leur activité au courtage puisque c’est une activité intermittente. Il y a lieu de s’intéresser à d’autres branches d’activité comme le portage d’actions, l’appel public à l’épargne, la gestion et le conseil en épargne investie à travers l’orientation des épargnants vers des produits d’optimisation fiscale comme le Compte Epargne en Action, les SICAV,FCP, assurance vie, ….
Parmi les voies à explorer, figure aussi la décentralisation de l’activité au niveau des grandes villes du pays. Nos produits doivent être accessibles à tous les investisseurs tunisiens et couvrir l’ensemble du territoire tout en invitant les banques à développer leurs activités sur le marché financier.
De cette manière, nous pourrons générer des valeurs ajoutées supplémentaires pour notre marché financier et sauvegarder nos structures et les emplois.
Cette décentralisation devra inciter les intermédiaires en bourse à aider les banques au niveau régional à de drainer une nouvelle catégorie de clientèle( personnes physiques, personnes morales , fonds d'investissements ....) permettant de développer davantage le marché financier. Les intermédiaires en bourse constituent d’excellents partenaires aux banques.
Encourager par les lois régissant la relance du marché financier? Il est impératif d'inciter les entreprises à recourir au financement direct par le marché. Quel est le rôle des intermédiaires financiers à cet égard?
Le recours à l’appel public à l’épargne reste un chantier important… Encourager et inciter les entreprises à recourir au financement direct sur le marché financier est le cheval de bataille des intermédiaires. Et ce, à travers l'émission d’actions et d’obligations et d’avoir ainsi des sources de financement additionnelles leur permettant d’alléger le fardeau des crédits qui handicapent parfois le développement durable de l’entreprise.
De même ,les établissements de crédits (banques et sociétés de leasing) ont intégré dans leurs stratégie de financement t , et compte tenu des impératifs de la gestion actif/passif , le recours au marché financier. Ainsi, la production du secteur du leasing est financé en majeure partie par des émissions d'emprunt obligataires , 200 millions de dinars ont été lever entre 2007/2008.
Quant aux banques, les nouvelles conditions des crédits immobiliers ( durée de remboursements allant jusqu'à 25 ans) permettant à une plus large catégorie de la population d'accéder à la propriété et en prime d'alléger la charge mensuelle, ont pu les amener à lever 260 millions de dinars ( avec franc succès) remboursable sur une durée allant de 10 à 25 ans ( on cite STB/BH/AMEN BANK/ATTIJARI BANK/ATB) .
Côté financement de la dette de l’Etat par le marché obligataire, dans le cadre de cette crise financière actuelle, des opportunités se présentent pour que l’Etat lève des capitaux auprès du marché domestique compte tenu des avoirs en quête de placement et, à charge pour les souscripteurs, de jouer le jeu de la rémunération demandée.
Parmi les voies prônées pour accompagner le développement du marché, l’exercice de nouvelles activités telles que l’activité de listing sponsor (entreprise de conseil financier) pour les sociétés du marché alternatif réservé aux PME/PMI, tenue de marché, la contrepartie qui sont déjà réglementées par le statut des intermédiaires en bourse.
De surcroît, le recours attendu des sociétés étatiques au marché financier à travers des opérations d’augmentation de capital par voie d’offre publique de souscription (OPS), décision déjà annoncée par les autorités, contribuera a fortiori au développement du marché financier.
Quels sont les effets d’entraînement des groupes d’affaires pour enrichir le marché financier ?
La restructuration des groupes d’affaires par la création de holdings cotés en bourse est fort intéressante. L’introduction de Poulina Group Holding est un excellent exemple. Rappelons que la défiscalisation des opérations de restructuration des groupes en vue de l’introduction en bourse est un avantage de taille. La restructuration prévoyant la création d’une société holding bénéficie du même régime. L’apport d’actions ou de parts sociales au capital de cette dernière est également exonéré au cas où elle s’engage à s’introduire en Bourse au plus tard l’année suivant celle du bénéfice de l’exonération.
Aussi, les perspectives s’annoncent bonnes avec la confirmation de l’opération de rapprochement entre Karthago Airlines et Nouvelair. Une opération qui donnera à la bourse une dimension supplémentaire pour devenir un acteur majeur dans le financement du secteur de transport aérien.
En outre, les indicateurs publiés à temps de nos entreprises et de nos banques avec des bons fondamentaux reflètent la bonne situation de notre économie qui présente un terrain favorable et sécuritaire pour l’investissent sur notre marché financier.
Comme je l'ai déclaré à maintes reprises , la vérité est établie au niveau de l’Appel public à l’Epargne (APE), on se demande souvent pourquoi les dirigeants des entreprises favorisent le financement bancaire aufinancement direct (8 % seulement dans le financement des investissements privés) : apport en fonds propres, emprunts obligataires, portage, OPS…. et s’écartent de la volonté d’introduire leurs sociétés en bourse, en dépit des encouragements des pouvoirs publics et les séries d’incitation mis en place.
Les phénomènes psychologiques comptent beaucoup en plus de l’omniprésence du financement bancaire , surtout dans la prise de décision d'investissement et de financement. La crainte de ne pas réaliser son Business plan, de répondre en permanence à des interrogations légitimes de la part des actionnaires, mais font partie du domaine confidentiel, de voir son titre instable et trop volatile, de ne pas réussir une ouverture de capital (OPV / OPS), de ne pas servir des dividendes, de ne plus être éligible à la cote de la bourse…etc. Une série de réactions qui pèse sur le noyau dur (actionnaires de références) qui manifeste généralement sa volonté de se projeter et faire appel à un potentiel d’actionnaires beaucoup plus large. Pour cela, tous les intermédiaires financiers ( y compris les banques) ,en plus des commissaires aux comptes et conseillers divers doivent les soutenir à franchir ce cap avec objectif de les rassurer et de les fidéliser.
Quels sont les conseils que vous donneriez aux investisseurs : est-il vrai qu'ils sont guidé par leur propre psychologie d'action ?
En effet , la psychologie commande (voir mon article sur les phénomènes psychologiques paru dans l'économiste maghrébin N° 486 du 4/12/2008) et le plus important est de ne pas céder à l’emballement, ni à la panique mais plutôt il faut en profiter pour prendre position « Acheter au son du violon et vendre au son du canon ». L’investissement en bourse est d’abord un investissement à moyen et long terme. Il ne faut pas hésiter à faire appel aux analystes et aux spécialistes du marché avant d’entamer n’importe quelle opération d’achat ou de vente des titres. Ces derniers disposent des capacités d’évaluer les différentes valeurs sur le marché en tenant compte des divers risques. Le traitement de l’information joue aussi un rôle important dans cette dynamique entre investisseur et marché financier. Rappelons qu’il existe six règles d’or à respecter pour mener à bien un investissement en portefeuille, puisqu’il nécessite une veille permanente des ajustements :
- Il faux prendre son temps et ne pas céder à l’emballement
- Diversifier ses placements et le style de gestion
- Savoir prendre ses bénéfices
- Profiter de la baisse des cours
- Réexaminer régulièrement ses anticipations
- Choisir des valeurs selon le rendement : couple DIV/COURS
Ainsi, il faut déterminer ses objectifs et ses contraintes, selon deux conditions obligatoires, la croissance et le rendement comme objectifs et la capacité d’épargner, la disponibilité des fonds, les horizons de placement, la situation fiscale et le degré du risque comme contraintes primaires.
Par ailleurs, nous pensons que l’intervention de toute société sur ses propres titres, en ces temps difficiles, est indispensable en vue de conforter et rassurer ses actionnaires, injecter de la liquidité et surtout atténuer la volatilité des titres et ce, conformément aux dispositions de l’article 73 de l’APE : « Les interventions d'une société sur ses propres titres doivent avoir pour objet, dans l'intérêt de ses actionnaires, soit d'assurer la liquidité du marché du titre concerné, soit de réduire les fluctuations excessives de son cours ».
Nous remarquons que la plupart des sociétés cotées ont fait voter des résolutions dans ce cadre au cours des travaux de leurs assemblées générales ordinaires ,conformément à l’article 19 de la loi 94-117, mais la majorité d’elles n’a pas mis en application cette autorisation. Il est temps d’activer cette procédure pour booster les valeurs de la cote et préserver les titres des excès à la hausse ou à la baisse.
Par ailleurs, la séance de cotation a été étendue pour une durée de cinq heures et 10 minutes (de 9h à 14h10), offrant aux investisseurs des nouvelles opportunités d'arbitrages et de prise de position. De plus, l’épargne est de plus en plus investie en épargne collective. Aujourd’hui, l’on constate qu’avec le développement de plusieurs FCP, CEA, SICAV…, l’épargne nationale investie en épargne collective devient de plus en plus importante. En effet, à la fin du mois d’octobre 2008, l’actif net des OPCVM de la place totalise 3 686 MD soit une hausse de 22 % par rapport au 31/12/2007. Ces actifs sont gérés par des gestionnaires qui ne cèdent pas aux paniques, cherchant des horizons de placement à moyen et à long terme et ce en s'écartant des positions spéculatives.
In fine, il ne faut jamais oublier une célèbre déclaration que je trouve pertinente et qui résout parfaitement les soucis de la collecte et le développement de l'épargne nationale :" je me sers de mon argent pour faire des économies et me sers de mes économies pour dépenser de l'argent ."
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Cet article demeure d'une grande importance du moment où il présente les principaux problèmes de la bourse de tunis tout en donnant des solutions pour faire décoller le marché financier. Espérant que les intervenants ainsi que les responsables du marché veillent à ce que ce genre d'initiative soit bien étudié et qu'il trouve des suites favorables.
je suis tout à fait d'accord avec vous, mais je crois que le premier pas à faire est developper notre culture boursière. En tunisie, on a pas encore une bonne idée sur la bourse et he suppose qu'a part les spécialistes du secteur maximum 5% connaissent le mécanisme de la bourse. Donc on a besoin tout d'abord d'une forte médiatisation du marché financier.
trés importante comme mise au point surtout que le marché financier doit prendre sa place dans le paysage microéconomique tunisien, nous avons beaucoup appris et les informations sont trés pertinente.MERCI SI MOKDADI et nous attendons d'autres contributions de votre part. UN GROUPE D'ETUDIANTS HEC TUNIS
très intéressant article
ANALYSE QUI VIENT A POINT POUR ECLAIRER TOUS LES ;EN EFFET L'APE DEMEURE FAIBLE EN TUNISIE