Ne mérite-t-on pas le déni du droit qu'on subit ?
Dans une chronique publiée ici à quelques heures de la visite en Tunisie du ministre français des Affaires étrangères, Monsieur Mohamed LarbiBouguerra s'indigne du double langage de l'Occident à l'égard des pays du Sud, stigmatisant sa position de deux poids deux mesures dans le dossier nucléaire au Proche-Orient, et plus généralement la politique occidentale dans la région.
Il est bien évident que notre ami se réfère à bon droit à des principes censés régir les relations internationales et qu'il pointe à raison le manichéisme en vigueur en la matière sur la scène internationale.
Toutefois, ne se laisse-t-il pas aller à la facilité en ne voyant que la paille dans l'œil de nos partenaires, ignorant la poutre en nos yeux,méconnaissant la moitié vide de valeurs du verre du concert international en Orient dont il déplore qu'il ne soit qu'à moitié plein du côté d'Occident ?
Il est certes de bonne guerre de rappeler à leurs principes ceux qui en ont, s'en gaussent et les affichent; mais est-ce pour autant une raison pour occulter leur absence du côté dont on défend le droit à ces mêmes valeurs?
Pourtant, on sait parfaitement qu'il ne suffit pas d'avoir un droit, faut-il le mériter, ne serait-ce qu'en s'y attachant, ne le violant pas et respectant la procédure formelle pour le faire valoir.
Or, à quoi assiste-t-on, en l'occurrence ? À un État d'Israël qui, malgré la paix signée, est toujours traité en ennemi et, du moins publiquement, ostracisé, jusqu'à être considéré par certains comme une simple entité. Aussi, cet État qui n'est qu'une démocratie imparfaite, sinon de façade, arrive à se prévaloir des turpitudes démocratiques de ses adversaires pour trouer en toute impunité la légalité internationale d'illégalité flagrante. Et dans le même temps,on a affaire à des États arabes et musulmans n'étant même pas une fausse démocratie et qui réclament un traitement égal à celui reconnu à Israël par le concert des nations démocratiques, mêmes'il est bien loin d'être une démocratie authentique et irréprochable.
Bien pis ! Non seulement nos États restent rétifs à toute évolution démocratique, ils se laissent aller à des turpitudes voilant et le fond et la forme des règles de base régissant la vie internationale en vouant aux gémonies leur adversaire érigé en pire ennemi. Comment peuvent-ils alors être crédibles auprès de cet Occident attaché aux principes, et si souvent plus à leur forme qu'au fond, car la forme a toute son importance malgré tout ?
Il est clair que nonobstant son droit absolu, mais nominal, à un traitement égalitaire d'accès au nucléaire — aussi bien pacifique que militaire d'ailleurs —, un pays comme l'Iran ne pourra jamais obtenir le droit d'y accéder réellement sans l'opposition farouche et déterminée de l'Occident. Et cela sera le cas tant qu'il n'aura pas fait la preuve que pareil arsenal ne risque pas de devenir un danger en étant placé entre des mains sûres, des dirigeants responsables dans une démocratie stable.
On en est loin et on n'aura pas la possibilité d'être écouté sur la scène internationale et voir notre droit reconnu tant qu'on n'aura pas fait de réels efforts dans le sens démocratique formel et réel et, dans le même temps — car le lien est inévitable —, tant qu'on n'aura pas réussi une lecture sereine et saine de notre religion, la purifiant de tout relent xénophobe, sinon raciste, qui en viole les principes et caricature l'esprit foncièrement humaniste.
Dans sa politique aveugle et arrogante, Israël a aujourd'hui, tout comme hier, des complices objectifs dans les pays arabes et musulmans qui, du fait de leur discours excessivement militant et dénué de nuances mais débordant de vaine passion, lui permettent de voiler ses turpitudes et violer la légalité internationale de manière caractérisée. C'est que cela reste un moindre mal pour les pays ayant la démocratie pour valeur cardinale.
Commençons donc par démocratiser enfin nos régimes et libérons-nous de nos égarements passionnels à l'égard de la question de Palestine et on aura plus facilement l'écoute attentionnée de nos partenaires occidentaux et leur appui réel! Sinon, à continuer notre politique actuelle commandée par l'émotion et l'illusion, on ne sera capable que d'une stratégie de gribouille ne servant ni nos intérêts ni notre cause, étant bien plus utile à notre adversaire dans son action sans relâche de déni de nos droits à l'égalité et à la justice.
La politique israélienne —et tout esprit objectif et lucide le reconnaît — est certes injuste et honteuse, mais elle l'est moins que notre propre politique aussi bien à son égard qu'à l'égard de nos peuples. Et voilà pourquoi on n'aura pas droit à un traitement de droit malgré notre droit irréfutable ! Comme quoi, la clef est entre nos mains, mais on ne veut s'en servir.
Aussi, pour ne plus mériter le déni du droit et de la justice qu'on subit actuellement, et ce depuis si longtemps au vu et au su de toutes les consciences éveillées, il nous faut enfin réveiller notre conscience assoupie aux réalités qui nous entourent.D'urgence, il nous faut agir en vue d'une transfiguration de notre pratique de la politique en la moralisant, non pas au sens idéologique du terme, mais selon l'éthique internationalement reconnue dans les rapports des nations civilisées.
Et saisissant l'occasion de la visite de Monsieur Fabius en Tunisie, osonscette exhortation qui pourrait paraître une ineptie aux politiques tenant à la politique à l'ancienne, surtout venant d'un diplomate : ne serait-il pas enfin temps d'avoir le courage de bannir la langue de bois pour déclarer officiellement la détermination de la Tunisie révolutionnaire à pratiquer une diplomatie tout à la fois innovante et réaliste? Cela supposantqu'elle inclueparmi ses axes majeurs la réalité incontournable d'Israël, faisant passer l'État hébreu de l'ennemi qu'il n'est plus officiellement en partenaire dans le cadre, par exemple, de l'espace de démocratie méditerranéenne auquel j'appelle. La Tunisie y aura tant à gagner et la Révolution du peuple le vaut bien ! Aura-t-on seulement le courage d'assumer publiquement ce que l'on susurre pourtant dans les couloirs des ministères ?
Farhat Othman
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LA TUNISIE A ÉTÉ LA PREMIÈRE A FAIRE SA RÉVOLUTION A L’INTÉRIEUR ! ELLE EST LA MIEUX PLACÉE POUR ETRE AUSSI LA PREMIÈRE A LA FAIRE DANS LE DOMAINE DE LA POLITIQUE ÉTRANGÈRE !! Aura-t-on seulement le courage d'assumer publiquement ce que l'on susurre pourtant dans les couloirs des ministères ? " Ce dont ne se cachent plus les pétromonarques !!