Opinions - 31.01.2014

De la division à l'union fragile, vivement la Concorde Nationale

Notre union à la fois précieuse et fragile mérite protection. Réduisons nos divisions et nous irons plus loin et plus vite.

Janvier 2014, comme janvier 2011 ou octobre 2011, restera gravé dans la mémoire du monde comme un moment de grandeur de la Tunisie et de joie pour les Tunisiens.

La joie de janvier 2011 était portée par une délivrance d’une dictature doublée d’une dignité, d’une liberté et d’une justice qui étaient devenues subitement accessibles. 

La joie d’octobre 2011 était portée par la magie des élections libres qui ont procuré à chacun le sentiment qu’il comptait grâce à l’exercice d’une nouvelle démocratie, un premier pas déterminant dans la construction de notre nouvelle Tunisie. Cette joie a été déroutante pour les artisans d’une majorité surprenante et plus ou moins décevante pour ceux qui pensaient avoir tout compris et qui se sont retrouvés dans l’opposition. Nous nous sommes illico presto lancés dans une bipolarisation du paysage politique répliquée au sein de la société, avec des divisions et des rejets.La construction était déjà compromise et la gouvernance s’est égarée dans des priorités partisanes loin de celles de la révolution et de la nation.

Il aura fallu un an pour Hamadi Jebali, alors chef du gouvernement pour comprendre que les difficultés du pays trouveraient plus facilement leur résolution avec un gouvernement de compétences indépendantes. A la grande surprise de tous, cette créativité a donné l’occasion à Hamadi Jebali de se retrouver soutenu par son opposition plus que par sa majorité et de sortir par la grande porte malgré un bilan maigre.

Ainsi, Ennahdha a raté une première occasion en or et il aura fallu un grippage de l’économie, une colère grandissante dans l’opinion publique, des assassinats et une opposition farouche pour que Nahdha et la Troïka commencent à considérer la pertinence de la proposition de Hamadi Jebali, portée cette fois-ci par un quartet appelant au dialogue national. Ennahdha ne pouvait rater cette deuxième occasion en or de sortir par le haut d’un piège qu’est l’exercice du pouvoir en période transitoire, sans préparation et de ce fait avec plus d’improvisation et d’opportunisme que de compétences.

Bravo au quartet d’avoir bien cru en la pertinence de la proposition de Hamadi Jebali et de l’avoir rendue réalisable grâce à un dialogue national qui s’est construit sur fondement d’échecs successifs et qui a avancé pas à pas au rythme de la réduction des divisions puisde la convergence de toutes les parties. C’est probablement le second plus grand acquis de la révolution après la liberté d’expression.

Ce dialogue est l’illustration du génie tunisien qui s’exprime – Dieu merci - de temps à autres, il a été force de loi sans en être une, il a fait de la place au collectif à côté d’un individualisme dominant, il a appris aux uns et aux autres le respect mutuel, l’écoute, le compromis, la sensibilité de certains aux difficultés du pays et pour d’autres le sens du devoir à accomplir.

Il va de soi que la progression du dialogue national conjuguée aux difficultés de financement de l’état et de l’économie ont accéléré la finalisation de la constitution par des élus dont une majorité a fini par accepter à côté de leur légitimité électorale une légitimité d’entente nationale qui mériterait d’être transformée en concorde.
Souvenons-nous il y a quelques semaines, nous étions à deux doigts de suivre Monsieur Filali ou Monsieur Mestiri et miraculeusement, le hasard pour certains et le sens politique des autres a fini par propulser Mehdi Jomaa dans le marathon final de la transition démocratique.

L'élite tunisienne doit éviter l'erreur de 2011

Le choix de Mehdi Jomaa est une première véritable bénédiction, rapidement doublée d’une deuxième bénédiction, celle de l’accélération historique de la finalisation de la constitution et son adoption massive, à laquelle vient se cumuler une troisième bénédiction, celle de la réunion d’une « dream team » de compétents indépendants pour former une équipe serrée autour du chef du gouvernement.

Ces évolutions heureuses dans le paysage politique tunisien rétablissent de nouveau l’élite tunisienne de Tunisie ou d’ailleurs dans une position de considération et d’exigence de résultats. L’intérêt national dont beaucoup à l’intérieur comme à l’international se détournaient naturellement avant la révolution est redevenu depuis 2011 une priorité pour tous les Tunisiens qui s’approprient de plus en plus ce bien commun et se comportent de plus en plus en citoyens copropriétaires de la nation.

Néanmoins, l’élite tunisienne qui s’était trompée en 2011 doit éviter une nouvelle erreur en 2014. Celui qui sait a un avantage certain sur celui qui ne sait pas, mais les deux iront beaucoup plus loin quand celui qui sait prend le temps d’expliquer à celui qui ne sait pas.

«Quand on montre du doigt la lune, naturellement, l’imbécile regarde le doigt !», quand Gassas parle en 2014 d’un fossé entre l’élite et les citoyens qu’il représente (avec ou sans élégance), l’élite ne doit pas se braquer sur la forme et passer à côté du fond de son discours. Qu’on le veuille ou non, Gassas est l’un des nôtres, élu et donc représentant une partie de la population tunisienne longtemps ignorée avant la révolution et encore ignorée depuis.

Mehdi Jomaa et son équipe ont bien compris qu’une majorité simple leur suffirait pour accomplir leur devoir et ont exprimé le souhait d’avoir l’appui de tous les tunisiens. Quelle surprise quand ils ont obtenu l'appui des 3/4 des élus, malgré les réserves, les critiques et quelques dérapages. Heureusement pour ces pros, seul le résultat compte et ils ont ignoré les dérapages pour apprécier le succès et se mettre sans attendre au travail.
Certains ont cru bon de prendre le temps de ridiculiser Gassas et ceux qui se sont opposés ou qui ont commis des écarts de forme avant le vote. Bien sûr les agressions verbales et les insultes n’ont pas leur place dans le dialogue public. Sans vouloir restreindre la liberté d’expression, il me semble que ces élus méritent autant la reconnaissance que les autres, bien plus qu’une dérision ou des insultes.

Par construction, la démocratie impose le dialogue, la compréhension mutuelle et la convergence et/ou l’opposition consciente dans le respect de toutes les parties. Nous n’avons plus besoin de conformisme total ni de votes à 99%.

Force est de constater que c’est une prouesse de nos élus d’avoir fait connaissance et approuvé aux 3/4 une nouvelle équipe gouvernementale dont ils ont découvert tout ou partie des CVs quelques jours et pour certains quelques heures plus tôt. Les élus étaient réquisitionnés jours et nuits depuis des semaines pour la finalisation de la constitution.

Si la majorité a vite fait confiance et s’est conformée aux recommandations de certains leaders ou chefs de file, rien de plus normal que certains (n’ayant pas été continument impliqués dans le dialogue national et/ou n’ayant pas eu àl’avancetoute l’information) aient exigé des réponses à des questions légitimes, sans être accusés d’ignorance ou d’insolence. Ils portent la responsabilité du choix de ceux qui les ont élus et c’est tout en leur honneur de prendre les mesures de compréhension et de réserve qui s’imposent.

Quelle belle image en ce début de semaine que celle des félicitations croisées entre élus de divers partis. Notamment cet échange entre Rached Ghannouchi et Moncef Cheikhrouhou qui a spontanément exprimé son émotion et qui a eu le courage, l’honnêteté et la sincérité de la reconnaissance du chemin parcouru par Rached Ghannouchi à la tête d'Ennahdha.

Cheikh Rached est incontestablement un leader, ilsacrifiait 10 mois plus tôt son dauphin Hamadi Jebali (une erreur pour certains, heureuse pour d’autres) et il a depuis 6 mois convaincu ses troupes de s’aligner sur l’intérêt de la nation dans une concertation élargie (en dehors de majles echoura), couronnée par une convergence nationale depuis une semaine.

Quant à Si Moncef, il restera Cheikh-Rouhou malgré la spontanéité et la sincérité de ses échanges de félicitations avec Cheikh Rached.

Cette évolution heureuse du paysage politique tunisien est de bon augure et facilitera la reconstruction de la Tunisie qu’on aime.

Nous avons une chance historique de faire de cette convergence circonstancielle et de cette entente nationale une concorde durable indispensable à l’accélération de notre développement.

Félicitations à tous les Tunisiens et vigilance, préservons notre union, soyons reconnaissants, travaillons bien ensemble et nous irons plus loin et plus vite.

Mounir Beltaifa
 

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1 Commentaire
Les Commentaires
Loukil - 31-01-2014 17:47

Les leads dans leur maison comme RG demeurent dans leur cheminement. La Tunisie est une grande nation qui épouse son temps et qui se considère comme son propre lead . En Tunisie le leadership universel se partage pour aller vers le meilleur, ensemble nous allons loin!!!

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