Mustapha Ben Jaafar,docteur Patience
Il s’est toujours soustrait de la pression de l’horloge, laissant le temps au temps. Finissant par l’emporter. Depuis sa dissidence du Parti socialiste destourien, au début des années soixante-dix, pour entrer en opposition aux côtés d’Ahmed Mestiri contre le pouvoir unique de Bourguiba et, sous Ben Ali, en résistance contre la dictature, il savait que le parcours allait être long.
A la tête de l’Assemblée nationale constituante, Mustapha Ben Jaafar s’y laissera prendre aussi.A contrecœur parfois, il jouera les prolongations, ou par habileté, il arrêtera les aiguilles de l’horloge de tourner, comme il l’avait fait cet été, suspendant les travaux après l’assassinat de Brahmi, le temps de parvenir à un compromis.
Cible de tirs croisés, il ne reconnaîtra pas ses contempteurs, sous la coupole du Bardo et ailleurs. Certains lui font porter la responsabilité des escalades verbales, des dérapages et de la montée de la tension. Il est vrai que dès les premières séances, en 2011, son empoignade avec Maya Jeribi avait donné le ton. Mais, c’était confiné dans le respect et l’élégance et on était alors encore loin des «sorties» de Brahim Gassas et consorts.
Cheveux hérissés, visage rouge de colère et verbe cassant, il ripostait du haut de son perchoir, usant de son pouvoir (technologique, aussi) pour couper la parole à ses adversaires du jour. C’était durant les premiers mois. Avec le temps, il gagnera en flegme, optant pour la dérision, une arme tranchante mais guère dissuasive pour certains. Ben Jaafar fera du temps son allié et de la patience son moteur, tournant au ralenti, mais garantissant l’arrivée à bon port.
Le jour où il écrira ses mémoires, il nous livrera de surprenants secrets.
Brandissant cet opuscule portant en dorure à chaud sur la couverture en rouge le titre de Constitution, et en première page intérieure sa signature indélébile, il a gagné son pari! Le destin l’y a beaucoup aidé, les circonstances aussi, le martyre de Belaïd et Brahmi, surtout, et le Dialogue national, en ultime secours. Malgré tant d’impairs, certes involontaires, il restera désormais l’un des pères de cette constitution.
«Et maintenant, que vais-je faire ?», fredonne la chanson. Se portera-t-il candidat à la prochaine présidentielle? Son parti, Ettakatol, composé pour la plupart de bons éléments, sera-t-il en mesure de lui fournir la machine électorale indispensable pour remporter le scrutin? Savourant encore ses performances au forceps du Bardo, Mustapha Ben Jaafar affirme qu’il n’a pas eu le temps d’y penser sérieusement. Encore une question de temps pour ce docteur Patience.
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A mon sens, M MBJ est un homme politique habile et intelligent, et sait comment gagner du temps tout en le perdant. Dans cette aire de liberté récemment acquise, il n'y a à priori que les vieux qui savent faire la politique, il suffit de voir à gauche et à droite pour tirer cette conclusion. Mais à la différence des autres, M MBJ est le seul élu parmi ces techno-saures. Parce qu'il est un homme de principe, et sa sorti du parti destourien le prouve. Il n'a jamais fait des pratiques contre ses convictions ou aux valeurs de la liberté ou des droits de l'Homme. C’est pour ces raisons qu'il couronnera sa carrière par une fonction aussi noble que d’être le serviteur de la nation, et auquel il a aspiré sans précipitations et sans brûler les étapes. Bonne chance monsieur l'ingénieur ou le docteur de la constitution