News - 19.06.2014

Le BAC et Après?

Les épreuves du baccalauréat s’achèvent  et il est à espérer que tous nos jeunes qui se sont beaucoup dépensés pour affronter cette épreuve avec sérieux et assurance, voient leurs efforts couronnés de succès.

Je commencerai donc par souhaiter du succès à tous ceux, parmi nos jeunes, qui ont sérieusement préparé cet indispensable billet d’accès aux enseignements universitaires.

Une fois le Bac acquis se  pose alors, aussi bien pour les lauréats que pour leurs parents, l’épineux problème du bon choix de l’orientation universitaire.

Le présent papier a pour objet d’apporter quelques éclairages quant aux secteurs porteurs pour l’avenir, sans pour autant remplacer l’indispensable prise en compte du désidérata du candidat lui-même et de son niveau qui demeurent essentiels.

La plupart des experts s’accordent à reconnaître que 50% des métiers du futur sont inconnus aujourd’hui, du fait de l’évolution rapide des savoirs et des technologies.

A ce propos, il n’est pas inintéressant de rappeler les conclusions d’un livre écrit en 1998, par   l’éminent  physicien américain d’origine japonaise, le Pr. Michio Kaku, de l’université de Berkeley, sous le titre: «Visions: Comment la science va révolutionner le XXIème siècle».

Ce livre, qui fut traduit en arabe et en français, a eu un grand succès en raison de la pertinence des idées qui y sont formulées et de par la somme de la documentation qu’il a fallu rassembler pour répondre à la question fondamentale consistant à brosser une perspective du monde au cours du siècle que nous vivons.

Sa préparation a duré pas moins de dix ans et l’auteur a du visiter environ cent cinquante laboratoires de recherche de par le monde parmi ceux qui produisent l’essentiel des innovations scientifiques et technologiques. Il a eu également des entretiens avec les grands chercheurs et les principaux acteurs de l’innovation à l’échelle internationale.

Ses principales conclusions se résument comme suit:

1- Il est difficile de prévoir sur le long terme les répercussions sur la vie en société des innovations scientifiques en cours ou à venir, tellement celles-ci sont difficilement prévisibles, mais néanmoins l’auteur affirme que le monde de demain sera sensiblement différent de celui d’aujourd’hui.

2- Nous assistons à la fin de la super spécialisation et la tendance vers davantage de convergence des disciplines qui évoluaient par le passé d’une manière quasi indépendante

3- Quatre grand domaines domineront la scène internationale et connaitront de grands bouleversements à l’avenir, à savoir: la matière, Le vivant, l’intelligence et l’énergie.

4- Le monde entamera au cours du siècle une nouvelle ère qui sera caractérisée  par la synergie entre les trois révolutions: celle de l’information et de la communication, celle de la microbiologie et celle du quanta.

D’autres études prospectives effectuées à l’échelle internationale permettent de conjecturer que les deux principaux moteurs de la croissance au cours de ce siècle et par suite là où se créera l’essentiel des emplois de demain sont: l’Economie du savoir et l’économie dite verte.

L’économie du savoir est celle où le savoir constitue le facteur de production  principal et l’économie verte est celle où les principales activités concernent le cadre de vie, l’environnement et la préservation des ressources naturelles.

Cela ne veut nullement dire que les métiers classiques vont disparaître ou bien qu’ils ne pourront plus créer de nouveaux emplois, mais simplement que l’essentiel  des emplois du futur seront fournis par ces deux types d’économies.

Si bien que les secteurs comme les technologies de l’information et de la communication,  les énergies renouvelables, la biotechnologie, la microbiologie, le développement durable et la préservation de l’environnement, le génie des matériaux, etc. constituent des secteurs porteurs pour l’avenir, sans oublier les sciences humaines dont le rôle ira en grandissant du fait de la complexité croissante du monde dans lequel nous vivons et qui nécessite des éclairages et des analyses pertinentes en vue d’assurer cet indispensable complémentarité entre les trois composantes de l’être social, à savoir le désir, la  raison et ce que Platon appelle le thymos, ou la reconnaissance du  «moi», laquelle complémentarité préside à l’équilibre de l’individu et par suite à celle de la société.

Il  convient de souligner également que le monde est passé d’une logique d’accès au savoir à une logique d’appropriation du savoir, si bien que dans de nombreuses universités occidentales, l’ancienne règle «Cours en classe-  Devoirs à la maison» est remplacée désormais par «Cours à la maison (via les nouvelles technologies de l’information)- Devoirs en classe». Ce qui du reste pose d’énormes défis aux systèmes éducatifs dans leur ensemble, mais c’est un tout autre sujet.

Evidemment il s’agit là de grandes tendances à l’échelle internationale, dans l’absolu, mais concrètement cela dépend beaucoup des politiques publiques en vigueur, dans chaque pays.

A cet égard, il convient de signaler que la problématique, posée dans notre pays, en des termes quelque peu barbares, de l’ «employabilité de l’université» est souvent mal posée. En effet, il serait fortement risqué de confondre formation professionnelle, qui demeure d’une importance capitale, et formation universitaire qui procède d’une logique tout autre!

Comment en effet demander à l’université de former des profils pour répondre à une demande du marché de l’emploi à 50% aujourd’hui inconnue.

Le problème doit être posé en termes de liens entre recherche scientifique et environnement socio-économique. En effet,  c’est la recherche scientifique qui conduit généralement à l’innovation et donc à l’apparition de nouveaux métiers et de nouvelles activités. Ce n’est donc pas un hasard si le taux de chômage des diplômés de l’université est le plus faible dans les pays où un lien fort existe entre le monde de la recherche et l’environnement socio-économique, comme c’est le cas en Allemagne.

Cela nécessite toute une grande réforme à la fois structurelle et, surtout, des mentalités.

Une question se pose alors tout naturellement : un petit pays comme le nôtre est-il capable d’avoir une activité de recherche performante, avec des liens forts avec l’environnement socio-économique national et régional ?

La réponse est à mon avis affirmative, sous trois conditions principales:

1- Bien identifier des domaines prioritaires, parmi les secteurs d’avenir dont on a précédemment parlé et dont le nombre doit tenir compte des possibilités du pays, en termes de ressources humaines notamment.

2- Valoriser l’excellence et combattre la médiocrité et le laxisme, tout en améliorant les conditions morales et matérielles des chercheurs et leur faire confiance.

3- Mettre en place des mécanismes et des incitations appropriés en vue d’encourager un véritable et pérenne  partenariat entre centres de recherche et  monde de l’entreprise.

C’est une thématique qui a fait de nombreux débats par le passé et il serait fortement utile de s’inspirer des conclusions et recommandations des multiples séminaires et rencontres dédiées au sujet.

Pour finir, et tout en demeurant attentif à l’évolution des savoirs et des métiers en vue de bien choisir son orientation future, il appartient à tout étudiant de tenir compte surtout de ses désirs et de ses aptitudes, car en fin du compte l’essentiel est d’être épanoui dans la filière de son choix et de bien avoir à l’esprit que la passion et l’effort sont souvent des gages de succès et de réussite.

Bon courage à tous les jeunes, en espérant qu’ils vivront dans un monde meilleur, dans un environnement de tolérance, de liberté, de solidarité et de respect de l’autre, dans une diversité stimulante, sans haine ni exclusion.

Pr. A.Friaa
Juin 2014

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5 Commentaires
Les Commentaires
Dr. Mounira - 19-06-2014 18:59

Bel article, fort instructif. Reste que l'anarchie qui prévaut dans notre pays est loin de faciliter la mise en œuvre des réformes nécessaires pour que notre système universitaire soit aux diapasons des mutations que connaît notre monde contemporain et qui sont bien soulignées dans cet article. Bravo pr. Friaa et merci Leaders

aliocha - 19-06-2014 20:18

le système éducatif tunisien est à l'agonie! on a le bac mais on ne sait pas s'exprimer correctement dans une langue! on a le bac et on ne sait pas raisonner! on a le bac et on n'a rien dans la tête! mis à part une petite minorité (environ 20%) aucun bachelier n'est apte à suivre un cursus universitaire digne de ce nom! il faut développer les bacs professionnels et préparer correctement les élèves à un métier! même si les métiers du futur ne sont pas connus aujourd'hui il y a une constante sur laquelle on doit pouvoir bâtir un système: l'amour du travail bien fait!

citoyenne indépendante - 19-06-2014 21:17

Article très intéressant,pour ne pas dire inquiétant! Il s'agit là d'une vérité évidente . Pourvu que ce chantier soit l'oeuvre de vrais responsables. Merci à vous mr Fria de nous éclairer sur ce sujet !

Amor Mtimet - 20-06-2014 06:26

En effet le Bac est une contrainte indispensable et nécessaire pour franchir l'étape de la maturité dans la formation et l'information et le commencement des jeunes de pointer leur choix dans les métiers futures. Notre jeunesse est-elle préparée pour atteindre et réaliser ce rêve...en 2014 ? L'analyse du Pr. Ahmed Friaa ouvre le champ prospectif des enjeux actuels dans l'enseignement et la préparation des générations futures dans un monde en pleine effervescence et mutation. Comment opter pour une future orientation intelligente à la fois utile à la personne mais aussi stratégique pour notre pays ?

Hammami - 20-06-2014 09:28

Tout à fait pertinent! A débattre entre plusieurs acteurs du monde de la Recherche et de l'Education et à diffuser auprès des jeunes et moins jeunes.

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