Asfour: Le berger analphabète devenu militant écolo à Zembra
«Un seul être vous manque et tout est dépeuplé». Cette phrase de Lamartine trouve ici toute sa signification. Le 9 novembre 2011, Asfour, de son vrai nom Abdallah Ben Dhafer, nous quittait à l’âge de 78 ans, au terme d’une vie entièrement consacrée à la défense de la nature. Mais comment ce berger analphabète en est-il venu à s’intéresser à cette grande cause dès sa prime jeunesse?
Sa première école fut Jebel Haouaria où il emmenait chaque jour son troupeau de chèvres. C’est là qu’il s’éveilla à «la conscience verte», qu’il a appris à aimer la nature, à la respecter, puis à la défendre.
En période de migration, les enfants de Haouaria piègeait les oiseaux. Abdallah, lui, achetait ces oiseaux pour les… relâcher dans la nature. Ce qui lui a valu son surnom d’Asfour.
Son premier contact avec Zembra fut au début des années 60 quand la STB, sous la présidence de Hassen Belkhodja, entreprit la construction d’un centre nautique et des bungalows. Asfour faisait partie des ouvriers qui furent recrutés à cet effet. Il fut tout de suite pris de passion pour cette nature vierge et cette faune sauvage.
Quelques années plus tard, il étonnera ses interlocuteurs par ses connaissances sur le comportement animal, le statut de chaque espèce terrestre ou marine, son mode de vie, son régime alimentaire, la reproduction et la nidification dans ses moindres détails.Excellent nageur en apnée, Asfour pouvait vous décrire la faune et le fond marin avec toutes ses richesses et ses couleurs, les grottes submergées où le phoque moine vivait avant de disparaître, et bien d’autres secrets de Zembra. Ali El Hili, le militant écologiste qui nous a quittés en octobre dernier, nous confiait que si Asfour avait fait des études, il serait probablement devenu un grand scientifique.
Le long séjour sur Zembra a permis à Asfour de côtoyer les grands de ce monde. Lorsque le prince Philip vint en Tunisie en 1980 en sa qualité de président de WWF, il demanda à honorer deux forestiers méritants: Asfour et Baraket, le conservateur de l’Ichkeul. La même année, il recevra le commandant Cousteau.
Notre amitié dura trente-quatre ans. Une amitié que seule la mort est venue interrompre un certain 9 novembre. Pendant toute cette période, j’ai eu la chance de côtoyer un homme attachant auquel me liait la même passion pour la nature. Mon seul regret est de n’avoir pas tenu ma promesse de lui permettre d’être enterré sur cette île qu’il aimait tant. Je me console parfois en me disant que Zembra n’était plus Zembra, après avoir perdu son charme, ses odeurs, une partie de sa faune et de sa flore. Une symbolique tombe sur Zembra sera inaugurée par ses amis le 9 novembre 2014.
Abdelmejid Dabbar
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Je n'ai connu l'importance de ce "gardien du temple " qu'à sa mort tellement son ami le regretté Dr Ali Hili était triste , tellement il tarissait d'éloges sur lui.C'était une amitié complice sans failles dédiée à la protection de notre patrimoine écologique. J'espère que ces deux personnage ,l'illétré et le savant restent dans la mémoire du pays. Qu'ils reposent en paix leur devoir accompli.