Fadhel Moussa: Les intellectuels face au terrorisme
Je me permettrais en premier de noter que le « Congrès des intellectuels contre le terrorisme », qui se tient aujourd’hui le 12 aout 2015 à Tunis au palais des congrès à 17h00, a été initié par des universitaires, des actifs du monde de la culture et des arts et de la société civile. Il est ouvert à tous ceux qui souhaitent s’y joindre quels que soient leurs sensibilités ou le niveau de leur culture. Cette clarification entend mettre un terme au débat sur la définition des intellectuels…
Ce forum est ainsi ouvert à tous ceux qui veulent s’impliquer contre le terrorisme que les pouvoirs publics ne pourraient y faire face seuls. Cette initiative aura incontestablement un impact car les intellectuels disposent d’un magistère d’influence qui doit être exploité dans cette lutte contre ce fléau..
Les intellectuels entendent dissiper cette image d’Epinal qui leur est souvent collée à tort faisant d’eux de simples agitateurs d’idées vivant dans une tour d’ivoire. Ils seront encore une fois sur le terrain comme lors du déclenchement de la révolution et du processus démocratique et lors du réajustement du processus constituant et de la remise des pendules à l’heure.
Les intellectuels entendent être à la pointe du combat pour faire avorter l’obscur projet de ceux qui se sont mis en dehors du cadre constitutionnel, de l’Etat de droit et qui œuvrent pour la disparition de l’Etat national républicain moderne et pour la destruction de l’expérience de transition démocratique encore en cours.
Les intellectuels entendent leur dire qu’ils ne passeront pas et défendront le droit de cette génération de vivre en paix et en sécurité et transmettre aux générations futures cet héritage avec une plus-value démocratique, de justice sociale, de progrès économique et scientifique.
Les intellectuels ont trouvé une nouvelle raison pour reprendre l’initiative et se mobiliser dans cette lutte contre une lente et sournoise stratégie de mise en échec de l’exemple tunisien qui est le rare à mériter encore le label de la plus belle saison de l’année : le printemps.
Il ne fait plus aujourd’hui de doute que la Tunisie est sérieusement menacée et que ce n’est pas jouer les cassandres en craignant la survenance d’une véritable guerre nous opposant à une armée de pseudos croyants n’ayant ni foi ni loi.
Pour ceux qui ne croient pas en ce possible scénario ils ne perdront rien en faisant le pari de Pascal. De grâce arrêtons l’amateurisme et l’espérance de la protection divine et des « ouliyas w salhines » et préparons-nous sans paniquer à faire face à toutes les éventualités. La culture de la sécurité bien comprise et sans angoisse doit prévaloir c’est ce qui a manqué et qui a laissé la voie ouverte à la terreur et sa banalisation.
Ce congrès coïncide avec la promulgation de la fameuse loi sur la lutte contre le terrorisme et le blanchiment d’argent. Rappelons que le débat engagé à cette occasion a dénoté une regrettable confusion : Une antinomie entre la sécurité et la liberté alors que la coexistence est possible voire nécessaire. Il y a tout simplement un compromis à trouver dans l’esprit de ce que prévoit l’article 49 de la constitution.
Mais les querelles se sont apaisées, la loi est passée et promulguée, aucun recours pour inconstitutionnalité n’a été déposé. On ne peut qu’être surpris qu’il n’y ait pas eu de recours après tous ces débats. Le consensus politique semble avoir prévalu et la pression de l’opinion publique a probablement eu raison des récalcitrants. Mais ce n’est que partie remise l’exception d’inconstitutionnalité reste ouverte pour des contrôles ultérieurs à l’occasion de procès où cette loi sera appliquée.
C’est là où les intellectuels doivent veiller à une bonne et correcte application de cette loi par la justice qui doit être efficace mais sans porter atteinte à l’essence des droits et des libertés garantis dans la Constitution et dans les limites de la nécessité que demande un État civil démocratique avec le respect de la proportionnalité et de la nécessité.
Je souhaite conclure en rappelant que plusieurs des initiateurs de ce congrès ont fondé « l’initiative citoyenne » à l’aube de la révolution. Elle s’était alors fixée pour objectif la défense d’un projet de constitution pour des citoyens libres dans un Etat civil fondé sur la citoyenneté la volonté du peuple et la primauté de la loi, un Etat attaché à son identité culturelle et civilisationnelle arabe et musulmane mais ouvert sur le monde et fier de ces plus de trois mille ans d’histoire. C’est fait.
Un nouvel objectif est fixé aujourd’hui par cette nouvelle initiative citoyenne : sauver cet Etat constitutionnel naissant et le prémunir d’une mortalité infantile que lui prédisent ceux qui ne croient pas en l’Etat de droit fondé sur la constitution et qui appellent à la violence. Ceux-là doivent être combattus arrêtés et traduits en justice. Ça reste à faire.
FM
Professeur à la faculté des sciences juridiques politiques et sociales de Tunis
Université de Carthage
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Cher Pr Moussa, Tout d'abord, permettez-moi de vous pour votre engagement citoyen qui prolonge l'engagement politique qui a été le vôtre à l'ANC où vous avez porté haut l'étendard de la conviction démocratique, la justice sociale et la probité. Je suis le premier à louer cette initiative qui prolonge le débat de la lutte antitérroriste au sein de la société civile. Après tout, cela n'est pas "qu'"une affaire politique. Il y a à mon sens un bémol (que l'on pourrait également attribuer à votre parti Al Massar) : c'est celui d'un parti pris trop élitiste. Je m'explique. Appeler ce rassemblement "Les intellectuels face au terrorisme" est à mon sens une erreur. Cette formulation malheureuse confine le débat à une "caste", une intelligentsia qui vit dans cet entre-soi, en gros une petite gauche caviar-harissa à la sauce locale. Pourquoi un citoyen "lambda" n'aurait-il pas droit de cité à ce genre de conclave bien-pensant? Où sont les prolétaires sur les photos diffusées de la rencontre? N'y figurent que les Moussa, Kazdaghli et consorts. Vous dites "Il est ouvert à tous ceux qui souhaitent s’y joindre quels que soient leurs sensibilités ou le niveau de leur culture". Dont acte. Pourquoi donc user de l'anaphore "Les intellectuels" au début de quatre (4) paragraphes successifs? Il existe à mon humble avis une discordance entre le fond du message et la forme employée (tant au niveau du style rédactionnel que de l'organe choisi pour la diffusion de votre message, en l’occurrence nos amis de "Leaders"). Il serait malheureux que votre initiative, à l'image de votre parti politique, souffre de désaffection de la part de nos concitoyens pour une simple raison de communication alors même que vous souhaitez éviter cet écueil. Vous donnez l'impression (je dis bien l'impression!) de saboter par vous-même un discours si louable et si nécessaire. Bien cordialement, Jean
On ne peut que féliciter ceux et celles qui ont pris l'initiative d'organiser ce congrès pour donner de l'élan et une nouvelle dimension à la lutte du peuple tunisien contre le terrorisme. Nous devons les rejoindre et lui donner de l'ampleur. Les crimes ignobles de la plage de Sousse et du musée du Bardo étaient des messages des plus clairs donnés par les terroristes pour dire qu'ils sont passés de l'action terroriste circonscrite à l'action généralisée. Du cantonné aux montagnes et des individus pris comme cibles et choisis parmi les leaders, les hommes et femmes de l'armée et de la sureté nationale, les terroristes sont passés à l'action dans les espaces publics et ont touché la population civile et par deux fois une activité clé de l'économie tunisienne, le tourisme. Le temps est au combat contre le terrorisme. La grande affluence des universitaires et des hommes de la culture de ce pays, les messages formulés par le grand poète Essgheir Awlad Ahmed, malgré le cancer qui ronge son corps, de Besma Khalfaoui, veuve du martyr Belaïd et de l'Universitaire américaine d'origine algérienne dont le père a été victime de ce terrorisme en Algérie sont forts et doivent souder notre Union pour vaincre ce fléau.
Point de vue très subjectif. Car la haine ou la honte sont des critères moraux, et n’expliquent rien. E l’explication psycho-anthropologique est infructueuse. En fait le terrorisme c’est l’arme ultime des faibles et des impuissants. C’est la réaction ultime des islamistes devenus salafistes, quand ils ont compris qu’ils ne pourront jamais vaincre la civilisation occidentale avec la religion de l’Islam. La religion chrétienne à connu au 16ième siècle, après l’échec des croisades, la barbarie de l’inquisition et la guerre des religions, et a perdus son pouvoir. Les pays arabo musulmans vont-ils vivre le même échec. En fait le moteur de l’histoire c’est la lutte des classes par la violence. Et l’histoire des peuples en est le meilleur exemple. En Tunisie la « pseudo révolution » a permit le triomphe de la classe moyenne. Or comme cette classe moyenne opportuniste à l’extrême et n’a ni foi ni loi, elle bien capable de donner le pouvoir à Daech ?
