Yadh Ben Achour : il y a bien eu une Révolution en Tunisie
Révolte, jacquerie, soulèvement. Insurrection, émeute. On a longtemps épilogué sur le vocable à donner aux évènements qui se sont produits en Tunisie entre décembre 2010 et janvier 2011. Pour Yadh Ben Achour il s’agit ni plus, ni moins, d’une révolution. Dans son dernier ouvrage intitulé Tunisie : «Révolution en pays d’islam»(1), il s’explique:
Les quatre conditions de la révolution
Pour juger qu’un événement constitue bien une révolution, nous pouvons retenir les quatre conditions cumulatives minimum suivantes: une protestation publique massive, la victoire de cette protestation, ce qui veut dire la chute d’un pouvoir politique avec ses hommes, ses symboles et sa constitution. Ensuite, une révolution est un message, un appel, en fait un rappel de presque les mêmes principes universels de dignité, de justice et de liberté. Cette troisième condition révèle la portée incontestablement éthique de toute révolution. Enfin, une révolution doit être assumée et reconnue par le nouveau pouvoir, même s’il comprend des responsables de l’ancien régime déchu par la révolution. Dès que ces quatre conditions sont remplies, aussi courte que soit la durée qui nous sépare de l’événement, il n’y a plus lieu de s’interroger pour savoir s’il ne serait pas prématuré de juger qu’une révolution a eu lieu ou s’il s’agit d’une révolution « au vrai sens du mot ». La question du «vrai sens» ici n’a précisément pas de sens. Et cette question n’a rien à voir avec celle de la prévisibilité des révolutions. Toute révolution, quelle qu’elle soit, relève effectivement de « l’incroyable ». Mais, dès que les quatre conditions que nous avons énumérées existent, l’incroyable devient réalité. Cela ne contredit évidemment pas ce que l’on a affirmé précédemment au sujet des spécificités de chaque révolution et de l’absence de modèle préétabli qui nous servirait de référence qualificatoire. Avec ces quatre conditions une théorie des révolutions devient possible. Je me suis limité ici aux conditions minimum d’une révolution. Évidemment, cette dernière, peut prendre des dimensions et avoir une portée variable, selon les circonstances.
Cette révolution dans le futur doit faire l’objet de profondes et nombreuses analyses et des chercheurs viendront creuser les tranchées de l’histoire pour encore mieux éclairer les tenants de la Révolution tunisienne. Elle est pleine d’enseignements nouveaux et inédits pour l’analyse du phénomène révolutionnaire, en particulier dans son rapport au droit et à la religion. C’est à ces deux aspects de la vie que nous nous sommes vus rapidement confrontés après la Révolution, dans le milieu arabe et islamique qui est le nôtre.
(1) Ed. Cérès
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