Ah ! Ces Diplomates !
A peine sorti la semaine dernière à Paris, « Les Diplomates » fait déjà des vagues dans les 160 ambassades de France de par le monde, deuxième réseau diplomatique juste derrière les Etats-Unis (165). A ces chancelleries, il faut ajouter 21 représentations multilatérales, 98 postes consulaires et 154 services de coopération et d’action culturelle, soit avec le Quai d’Orsay à Paris, plus de 16000 agents…
C’est dans ces coulisses et intrigues que nous fait pénétrer l’auteur, Franck Renaud, journaliste (Ouest-France), ayant été correspondant de presse au Vietnam et dans la région, ce qui lui a permis de connaître in-vivo une bonne partie de l’appareil diplomatique français. Le reste, reconstitué à travers des rapports publics, recherches universitaires, articles de presse, confidences et témoignages directs, lui a offert une matière riche, dense et, inéluctablement, controversée. Le tout, risque de devenir explosif !
Que ne dit-on pas, partout dans le monde, sur les diplomates, plus particulièrement, les ambassadeurs, leurs épouses et « compagnons », leurs péchés mignons et extravagances, sans occulter des dérives en tous genres. Des lobbies se constituent, comme ceux des anciens de l’ENA versus la filière Orient, pour ce qui est du Quai d’Orsay. Des minorités se protègent, à l’instar de l’ALGO, cette association des lesbiennes et gays qui regroupe une cinquantaine de membres et « considérée comme une interlocutrice à part entière par la direction des ressources humaines » de ce que l’auteur va jusqu’à appeler le « Gay d’Orsay ». Et des réseaux s’entraident… Le livre détaille au quotidien la vie en poste à l’étranger avec son train de pressions, de pouvoirs et vexations, et les intrigues au Département, pour « chasser toujours la victime », bien se positionner et obtenir les meilleurs postes. Les amateurs de commérages en seront servis.
Des détails croustillants
Evidemment, la crise est passée par là : restrictions budgétaires qui imposent de réduire le train de vie et de « chercher des financements innovants» pour financer les réceptions, notamment celles du 14 juillet. L’une des ambassades a été jusqu’à accepter à s’y faire sponsoriser par… la boisson américaine Coca Cola. Mais, il y a plus croustillant, dans tous les chapitres aux titres alléchants : «Grande ambition, petit ministère», «Bouchons, réseaux et coups de pouce», «les ambassades ont-elles un sexe ?», «le jackpot des indemnités de résidence», «le petit personnel», «visa : silence on privatise», « corruption : petites et grandes affaires», et « des visites officielles et touristiques »…
La conclusion est instructive : « A partir du moment où la France a choisi de préserver l’universalité de son réseau d’ambassades et de consulats, au prix d’un redimensionnement de certains postes, il lui appartient de réfléchir à ce qu’elle veut et de se donner les moyens d’agir, de faire valoir les compétence, les talents et l’expertise… de tenir ses promesses, que ce soit celles de l’aide publique au développement ou celles des documents cadres de partenariat, jetés aux oubliettes sitôt signés. De faire entendre une petite musique différente, séduisante. Et non pas de vivre sur une illusion surannée… »
Les Diplomates
Derrière la façade des Ambassades de France
Franck Renaud
Nouveau monde éditions, 390 pages, juin 2010
- Page 189 - Entretien avec Franck Renaud
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