Exclusif : Comment les Force Spéciales de l'armée sont parvenues à neutraliser les terroristes (Album photos et Vidéos)
Le souvenir des camarades d’armes tombés en opération— ce Groupement en a payé le prix le plus fort—reste vivace dans tous les esprits, en devoir d’honorer leur mémoire, par la défense de la Patrie.
Si la Tunisie n’était guère préparée, comme tant d’autres pays, à faire face au terrorisme, elle a su rapidement s’y employer. Les Forces spéciales de l’armée nationale, restructurées sous un commandement centralisé, et dans une nouvelle vision, déploient une stratégie innovante qui, chaque jour, démontre son efficacité. En fait, les unités de commandos ont toujours fait partie de l’armée tunisienne depuis sa constitution en juin 1956. Mais, c’est le 1er avril 1965 que la première unité dédiée a été constituée en régiment. Gagnant en importance, cette unité sera érigée le 1er mai 1980 en groupement centralisant toutes les structures concernées, en XX, dénomination qui sera changée, le 1er octobre 1983, en brigade.
En temps de paix, la mission était claire. Mais, avec l’irruption du terrorisme, de nouveaux principes d’opération étaient nécessaires à concevoir, adopter et déployer. Cette nouvelle stratégie repose, explique à Leaders le colonel-major (général) Mourad Kouki, commandant du Groupement des Forces spéciales, sur cinq points essentiels : l’attaque, la prise de l’initiative, la traque permanente pour ne laisser aucun répit aux terroristes et les empêcher de s’installer dans n’importe quel lieu, la prise de mesures efficientes et le déploiement d’équipes appropriées.
Pour réussir ces missions, le Groupement s’organise en trois niveaux complémentaires constitués successivement des para-commandos, des Forces spéciales et des unités d’intervention. Véhicules terrestres, avions militaires (hélicoptères, Black Hawk, C 130...) zodiacs et autres unités de la marine sont à disposition.
«La sélection des candidats, issus de l’Académie militaire essentiellement, est très rigoureuse, insiste le colonel-major Kouki. Malgré les besoins élevés, il s’agit de privilégier la qualité comme critère majeur de choix des futures recrues, comme, ensuite, leur formation. La technique, les équipements et la logistique sont précieux, mais ce sont les qualités personnelles, le niveau d’instruction acquis et le sens de l’engagement qui l’emportent le plus. L’ascension s’effectue en trois étapes, sanctionnées chacune par des tests: parachutiste, unités spéciales et unités d’intervention. D’excellents éléments qui ont déjà réussi l’étape de parachutiste et accédé soit à celle des unités spéciales ou d’intervention rejoindront l’unité de renseignement tactique.»
La dimension renseignement et reconnaissance est fondamentale pour les Forces spéciales. De la cartographie à la météo, de la collecte des données et de leur analyse ainsi que celles reçues de différentes sources, de la vérification au recoupement : la chaîne ne saurait souffrir la moindre défaillance.
Tout est exceptionnel
Lorsqu’on dit Forces spéciales, tout doit y être spécial, exceptionnel, performant. Même les chiens utilisés sont très précieux et multifonction, capables de reconnaître les traces et retrouver l’ennemi et le figer, de détecter les explosifs et les stupéfiants. Sur terre et en mer.
La responsabilité assumée est elle aussi spéciale. Si le quartier général du Groupement est établi à Menzel Jemil, des unités sont déployées sur l’ensemble du territoire, opérant en parfaite synergie avec les différentes formations de l’armée nationale et collaborant avec les forces de sécurité interne. A la demande de l’état-major de l’armée de terre dont relève le Groupement, les unités des Forces spéciales sont en mesure d’intervenir dans moins de 15 mn. Elles se tiennent en effet prêtes à prendre la route, embarquer dans un avion ou se déclencher par voie maritime. Rien ne saurait la retarder et l’empêcher de s’élancer immédiatement. C’est un principe.
Les missions de commandos s’exercent le plus souvent par parachutage. Maintenant que tout se sait facilement, et que les terroristes ont des yeux et des oreilles mais surtout des complices qui leur permettent de détecter les mouvements de l’armée, l’infiltration discrète des combattants des Forces spéciales est indispensable. L’un des meilleurs moyens est d’opérer la nuit par largage sur les montagnes à partir d’une hauteur de 4 000 m. De cette altitude, le bruit des moteurs et hélices est quasiment inaudible. Lâchés, les combattants déploient leurs parachutes (qui pèsent pas moins de 12 kg et représentent une fois ouverts un volume de près de 80 m3). Ils descendent en dérive sous voile, et décident du lieu exact de leur pose sur le sol, pouvant aller jusqu’à 20 km par rapport à leur point de largage. A leurs pieds, pendant la descente, qu’ils récupèreront sur le dos par la suite, ils ont leurs gaines étanches contenant armes, munitions, instruments de transmission, et moyens de subsistance leur permettant de tenir longtemps en toute autonomie. Leurs casques équipés de caméras de jour et de nuit sont hyperconnectés, leur permettant de se maintenir en liaison avec les autres membres de l’équipe ainsi que leur commandement.
Les parachutes sont essentiels
Il en va de même pour ce qui est du largage de chute opérationnelle. Lorsqu’il s’agit de dépêcher immédiatement sur les zones d’intervention et de combat des dizaines de commandos, en utilisant soit des hélicoptères et Black Hawk ou des C130, les vols s’effectuent à une altitude généralement de 400 m. Dès le toucher du sol ou de la mer, chaque combattant doit pouvoir rassembler son parachute sans s’en encombrer et s’engager rapidement.
Le parachute, moyen essentiel de transport, à partir du largage au point de chute fait l’objet d’une attention spéciale. Toute une unité spécialisée lui est dédiée. Au retour de chaque saut, le parachute est d’abord nettoyé (sable, boue, eau de mer...), inspecté dans ses différentes parties, passé au peigne fin, réparé et recousu si nécessaire. Puis, il sera plié selon des procédures spécifiques et mis en paquet prêt à l’utilisation. Cette rigueur est de mise : la moindre défaillance peut causer un accident, voire coûter la vie à un combattant.
Des opérations qui peuvent durer longtemps
Chez les Forces spéciales, les opérations sont de différentes natures, mais obéissent aux mêmes règles. La traque des terroristes dans les montagnes est cependant spécifique. Une fois infiltrés sur les lieux sur la base de renseignements confirmés, les commandos engagent la traque, prêts à l’affrontement. Détruire tout campement, obligeant ainsi les terroristes à errer, les rechercher attentivement et s’employer à les neutraliser constituent leur objectif N°1.
Les affrontements peuvent être furtifs comme ils peuvent durer des heures, parfois même plusieurs jours. Mais, jamais on ne baisse les bras ni ne permet le moindre relâche. «Je viens de passer six semaines en continu, sur le terrain à la montagne, avec mon groupe, confie un officier. Une semaine avant le ramadan, quatre semaines durant le mois saint, en jeûnant, les jours de l’Aïd et ceux qui ont suivi, loin de nos familles. Malgré le caractère spécial de cette période, nous avons observé les strictes règles d’usage, changeant fréquemment de position, ne perdant guère vigilance.»
L’humain en vertu
C’est en maintenant une pression maximale contre eux que les terroristes finissent par tomber. Ou fuir. Si dans la plupart des cas, dans les affrontements, les commandos finissent par abattre leurs ennemis, des survivants, souvent blessés, sont à prendre en charge. Première urgence : secourir. «Nous sommes une armée réglementaire, souligne un officier du Groupement. Nous respectons le droit tunisien et international, les conventions appropriées en la matière et gardons toujours haut et fort nos valeurs humaines. Même s’il s’agit de quelqu’un qui nous a tiré dessus, voire blessé l’un d’entre nous et, pire, tué l’un des nôtres, notre premier devoir est de le prendre en charge, de le secourir et de le soigner.»
Les 30 premières minutes cruciales
Dans les règles de procédures aussi en vigueur en la matière, l’interrogatoire. Immédiatement, durant les toutes premières 30 minutes, il s’agit d’interroger le terroriste et d’essayer d’obtenir de lui le maximum de données sur son appartenance, son groupe, les plans prévus, les lieux de localisation et de regroupement, les armements, les moyens de transmission, etc. Cette première demi-heure est cruciale. En le fouillant, on peut tomber sur des données importantes et en analysant son téléphone, trouver des renseignements très utiles. Là aussi, les Forces spéciales sont bien entraînées disposant de manuels précis.
L’évacuation des blessés est aussi urgente que délicate. Chaque formation comprend parmi ses équipes un secouriste appelé Medic. Au moindre incident, on fait appel à lui et il se charge d’apporter les premiers soins d’urgence, d’éloigner le blessé du champ des opérations et de décider en fonction de la gravité de son état de santé, soit de son évacuation par les moyens du bord, soit de faire appel à une évacuation par hélicoptère. Au cas où l’endroit empêcherait tout atterrissage, l’hélicoptère se tiendra en vol statique, lancera un treuil pour tirer la civière sur laquelle le blessé aura été bien sanglé.
Une montée en puissance remarquable
Corps le plus directement engagé dans le combat, les Forces spéciales multiplient au quotidien les opérations sur le terrain. Celles les plus significatives peuvent atteindre jusqu’à 24 opérations comme en 2018. Elles avaient commencé par 13 en 2015, 15 en 2016, 18 en 2017. Au premier semestre cette année, elles totalisent déjà pas moins de 14 opérations.
Le prix à payer dans cette traque du terrorisme et cette sécurisation du pays n’est pas réduit. Ce sont les Forces spéciales —les plus exposées aux terroristes— qui s’en acquittent le plus. C’est ainsi qu’elles auront déploré ces toutes dernières années pas moins de 18 martyrs et 74 blessés. Tous resteront gravés dans la mémoire de leurs camarades, suscitant en eux un devoir de reconnaissance de leur sacrifice et un engagement renouvelé à poursuivre et intensifier leur combat commun.
Ce qui est remarquable, c’est que les blessés, une fois guéris, sont très enthousiastes à l’idée de retrouver leurs camarades, redoublant d’ardeur pour aller à la confrontation avec l’ennemi. Leur attitude patriotique est héroïque. Exceptionnelles Le moindre relâche risque de tout faire perdre. Un seul moment d’inattention et c’est des années d’efforts, de sang et de sueur qui risquent d’être récupérés par les terroristes. Or, les Forces spéciales ne lâchent pas prise. Chaque jour, plus et mieux d’entraînement, de perfectionnement et d’opération. La Tunisie et les Tunisiens leur doivent beaucoup. Ce n’est pas par hasard que les armées de grandes puissances s’intéressent de près à leurs performances, essayant de comprendre leurs enseignements et de tirer profit de leurs expériences. Elles sont vraiment spéciales, ces Forces spéciales tunisiennes. Exceptionnelles. Hommage et gratitude.
T.H.
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