Retraite : La valeur travail
Au moment où s’engage en Tunisie un grand débat sur la refonte du système de protection sociale, avec notamment des propositions relatives à l’augmentation de l’âge légal du départ à la retraite et l’augmentation des cotisations, la réflexion menée sur ce même sujet en France par Jacques Attali, en juin dernier, dans notre confrère L’Express, ne manque pas d’intérêt. L’ancien conseiller de François Mitterrand en résume les enjeux et essaye de formuler d’autres choix pour contourner "la solution unique".
Dans le débat actuel sur les retraites, il y a trop de caricatures pour que chacun puisse se faire un avis. Chacun veut nous faire croire qu’il existe une et une seule solution, qui passe pour l’opposition par l’impôt et pour le gouvernement par l’augmentation de l’âge légal du départ en retraite. En fait, chacune de ces solutions n’en sont qu’une parmi d’autres, et chacun pèse particulièrement sur certains Français. Essayons ici de résumer clairement les enjeux.
1. Le financement de la retraite par répartition est assuré par l’impôt et par les cotisations des actifs, qui était 4 par retraité en 1960 et qui ne sont plus que 1, 7 et ne seront plus que 1,5 en 2020.
2. L’espérance de vie moyenne en retraite est passée de 8 ans en 1981, à 13,7 ans en 1982, et 19 ans aujourd’hui. Au rythme actuel, et sans changer la législation, cette espérance dépassera 21 ans en 2020 ; la durée de vie en retraite finira par dépasser le reste de la vie, passée à étudier et travailler.
3. Dans ces conditions, le déficit des retraites, qui est de 32 milliards cette année, passera à 45 milliards en 2024 et 102 Mds en 2050.
4. Le financement de ce coût supplémentaire peut être assuré par une augmentation d’impôt ou de cotisation, qui représenterait chaque année quelques dizaines d’euros par mois pour chaque citoyen.
5. Si on décide de le financer autrement que par l’impôt, pour ne pas l’alourdir, ou pour ne pas mettre à contribution le capital ou parce qu’il faudra l’utiliser pour réduire une autre partie de la dette, on peut décider d’une contribution en nature du travail, ce qui revient à retarder l’âge du départ en la retraite.
6. Là, deux méthodes principales sont possibles : augmenter l’âge légal ou la durée de cotisation.
Selon des calculs d’un très grand démographe français, Hervé Lebras, un report d’un an de l’âge légal permet une économie de 7,5 milliards la première année et 1,5 milliard chaque année suivante. Alors qu’une augmentation d’une année du nombre d’années de cotisation permet une économie de 5,3 milliards la première année et de 1,1 milliard chaque année suivante. De plus, augmenter l’âge légal conduit à une augmentation forte de la proportion de personnes dit en « carrière longue «, obligés de travailler au-delà de l’âge légal parce qu’ils ont commencé tôt (70% par génération au lieu de 50% aujourd’hui) et du nombre moyen d’années travaillées au delà des 40 annuités légales (1,5 années en moyenne sur l’ensemble de la population et 2,1 années pour ceux qui travaillent au delà de l’âge légal). Au contraire, augmenter la durée de cotisation réduit la proportion de carrières longues qui passe à 30%, soit 0,3 année en moyenne pour l’ensemble et 1 année pour ceux qui doivent rester au travail au delà de l’âge légal parce qu’ils ont commencé tard.
Donc, si on augmente l’âge légal, ceux qui ont commencé à travailler très jeunes , sans étude, paient plus ; si on augmente la durée de cotisation, ce sont ceux qui ont commencé tardivement, parce qu’ils ont fait des études, qui portent la charge.
Entre le financement par les détenteurs du capital, les ouvriers ou les cadres, le gouvernement semble avoir choisi. Il en a le droit. Mais il ne peut pas dire que son choix est le seul possible. D’autant plus qu’il faudra sans doute employer tous ces moyens à la fois, vu l’ampleur du problème, dans des proportions qui révéleront les classes que chaque majorité privilégie. C’est l’honneur de la politique que de le faire clairement.
j@attali.com
in L’Express – 19 juin 2010
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un article parfait de j.attali,mais ça c'est pour les français.chez nous tout est different malgre l'amelioration des indicateurs de sante: une bonne retraite reste toujours un luxe. ceux qui ont fait de longues etudes ont commence a travailler autour de 40 ans,a 60 ou 65 ans ont une retraite minable pour finir leur vie;ceux qui ont commence a travailler tôt,les ouvriers (et les parametres de risque qu'ils ont pu accumule le long de leur parcours:tabac ,diabete,hypertension,alcololisme,les toxiques chimiques industriels et agricoles...)rares ceux qui ont travaille en continu (a part les agents de la fonction publique)et a 60 ans le resultat est presque pareil que nos haut cadres sinon pire,si toutefois ont de la chance de vivre encore.donc la meilleure retraite,pour quelques uns d'entre nous,reste le coup de pocker de la vie et ce qu'elle peut nous offrir en sante et en materiel .pour les autres (qui sont une majorite) leur jours vont encore rester difficiles avec ou sans reformes malheureusement.
C'est très clair. Peut-on analyser la situation dans notre pays d 'une manière aussi claire?
Effectivement, comme conclue Attali, il faut faire les choses CLAIREMENT. Pour ce faire en Tunisie, il faut que toutes les parties contribuent leur juste part et là le problème se pose pour les employeurs qui bénéficient souvent d'encouragement soit disant pour encourager l'emploi... C'est un volet qu'il faut bien examiner. Quant aux contribuables et dans le secteur public et dans le secteur privé, il faut vraiment les épargner cette fois-ci que ce soit au niveau de l'augmentation de l'âge légal ou de la durée de la cotisation.
Ce qui m'inquiète le plus c'est la comparaison si simpliste avec la France. Dans notre pays , les conditions de travail ne sont pas similaires aux celles des français, le système de santé non plus,. il faut juste jetter un coup d'oeil sur notre classement mondial pour ces deux critère pour voire l'énorme gouffre qui nous sépare de la France. Pourtant l'age pour partir à la retraite est devenu 62 ans alors que' en France le gouvernoment peine à passer une nouvelle loi pour pousser l'age de partir à la retraite à 62 ans.
Jacques ATTALI, essaye, par cette analyse, de nous montrer la lune, et nous continuons à regarder son doigt. Ce n’est pas tant le calcul arithmétique, qui n’est qu’un simple jeu d’enfants, qui constitue l’objet de son article, que les implications idéologiques du choix que le législateur français (entendre l’actuelle majorité de droite) ferait entre les différentes alternatives en présence. L’auteur semble taraudé par le souci de voir la réforme du régime des retraites se faire au détriment des couches les moins favorisées, alors que le capital, tout particulièrement, en soit épargné. Mais, quelque soit la valeur de cette approche, certainement appropriée à la réalité française, elle ne peut être plaquée à la situation des caisses de retraite tunisiennes. Car il faut vérifier si celles-ci réunissent les conditions consubstantielles à leur caractère mutualiste dont la gestion est strictement paritaire, et ou l’Etat n’intervient que pour veiller au respect de la loi et de la légalité, l’opportunité restant du ressort exclusif des partenaires sociaux, loin de toute considération ou contingence politique partisane. Ceci est également valable pour le patrimoine immobilier et autre, que chaque caisse se doit d’accumuler progressivement, et de gérer en bon père de famille, au mieux des intérêts de ses seuls affiliés. Les différents fonds, que le gouvernement, sans doute animé de bonnes intentions, crée au profit de certaines œuvres sociales, telles que celui des pensions alimentaires, du rapatriement des dépouilles mortelles de ressortissants décédés à l’étranger, ou encore celui destiné à l’encadrement social de notre colonie émigrée…etc., pour si indispensables qu’ils soient, ne doivent en aucun cas ponctionner ces mêmes caisses, indument et en dehors de tout cadre légal. C’est seulement quand aura assaini la gestion de nos caisses de retraite de toutes les incohérences et tous les abus, qui entachent actuellement leur de gestion, que l’on pourra envisager valablement de les réformer. Les calculs et les formules techniques nécessaires à la mise en œuvre des réformes décidées, seraient une simple affaire pour les spécialistes de grande compétence dont notre pays dispose, heureusement, en très grand nombre.