L’argenterie tunisienne dans toute sa splendeur
Rachid Regaieg est un collectionneur passionné. S’il s’échine à dénicher les pièces rares et significatives de tout ce qui est magnifique, il aime les partager en les exposant autant que faire se peut et les magnifier dans un livre d’art. Épris de l’argenterie tunisienne, expression de talent et de savoir-faire millénaire, fécondé par les civilisations successives, il en fera, d’abord, emplette, puis un superbe livre, luxueux et abondamment illustré.
L’œuvre n’est guère aisée. La lumière caressant l’argent et la dorure, et enveloppant les formes dans leurs détails, est difficile à capter pour les photographes. Les reflets gâchent la beauté sublime des pièces. Mais, ce n’est pas l’unique contrainte à surmonter. La scénographie des pièces dans un concept éditorial et graphique, le détourage de certaines d’entre elles et l’étalonnage de leurs couleurs exigent une réelle inspiration et une grande maîtrise. Puis, vient le tour de l’imprimeur pour bien caler ses machines, veiller à la constance des teintes, ni trop foncées ni trop claires.
Rachid Regaieg sera bien servi par la chance et comblé par le concours de ses partenaires. L’architecte-photographe Hamadi Regaieg promènera ses objectifs sur les nobles pièces d’argenterie. L’artiste-designer Maher Medhaffer, qui dirige Mim Éditions, avec près de trente années d’expérience en France et en Tunisie, prête tout son sens de l’esthétique, pour concevoir le livre. Naceur Jeljli, le maître imprimeur chevronné à la tête de Simpact, assurera une production de qualité. Cerise sur le gâteau, Faouzi Ben Halima, directeur général de l’Office national de l’artisanat tunisien, signera la préface en connaisseur. Peut-on parler argenterie sans parler des Hlioui, de père en fils ? Maître artisan, Khaled Hlioui apportera sa bénédiction.
Un degré de raffinement spectaculaire
«J’ai eu l’idée d’éditer cet ouvrage, écrit Rachid Rgaieg, suite à ma participation à la foire internationale de l’artisanat de Sousse, au mois de juillet 2019, en créant un espace musée afin d’y exposer ma propre collection constituée de pièces en argent massif, filigrane, gravé et repoussé, ces objets étant destinés à diverses utilisations : ustensiles, pièces de décoration et objets d’usage personnel (miroir, peigne, mokhla (eyeliner)...). J’ai remarqué à travers les impressions des visiteurs spécialistes du domaine artisanal ou autres l’intérêt que présente cette exposition de pièces d’art. De par sa singularité, sa richesse et sa diversité, cette collection est devenue petit à petit la meilleure référence pour les artisans et les jeunes créateurs. Tout cela m’a poussé à écrire ce précieux livre intitulé Splendeurs de l’argenterie tunisienne () qui deviendra, par la suite, un témoignage du savoir-faire et de l’habileté des maîtres artisans tunisiens dans le domaine de l’argenterie, savoir-faire empreint de diverses influences: aghlabides, fatimides, almohades, hafsides, turques, maghrébines et également italiennes.»
Faouzi Ben Halima sera plus explicite. «L’art de l’argenterie est très anciennement implanté en Tunisie, souligne-t-il dans sa préface. Il fait partie du patrimoine de notre pays. Il atteint à travers l’histoire un degré de raffinement spectaculaire, ce qui lui a permis de résister aux bouleversements qui ont frappé notre mode de vie. Aujourd’hui il est et demeure un témoin des époques : punique, romaine, islamique et andalouse. En effet, le métier de l’argenterie s’appuie sur différentes techniques : l’ajourage, l’estampillage, la ciselure, le repoussé et le filigrane. Les artisans qui maîtrisent ces techniques sont répartis sur toute la Tunisie. Cependant, chaque région, voire chaque ville ou village, garde son propre cachet lié à ses spécificités.»
Et nous voilà dans la baraka. «La magie de la collection, c’est de préserver, de tirer de l’oubli et de faire renaître et connaître au profane la richesse de notre patrimoine, écrit Khaled Hlioui. Cette collection nous offre un aperçu général de toute la panoplie de l’argenterie tunisienne qui va de l’époque antique jusqu’à nos jours. Argenterie moubaraka comme disent les Tunisiens entre bijoux et bibelots. Bijoux berbères dans toute leur diversité. Bibelots utiles, pratiques, d’influence arabe, andalouse, turque, européenne, tout se mélange et se confectionne pour donner un artisanat merveilleux qui, nous l’espérons, se perpétuera.»
Il ne vous reste plus qu’à voyager, au gré des pages du livre, à travers ce musée féérique, dans un parcours enivrant. Un livre, en ouvrage d’orfèvre.
Splendeurs de l’argenterie tunisienne
Préface de Faouzi Ben Halima, directeur général de l’Office national de l’artisanat tunisien
Éditions Regaieg, 300 pages en grand format, 2020, 120 DT
Conception et mise en page : Mim Editions
Crédit Photos : Hamadi Regaieg
Impression : Simpact
- Ecrire un commentaire
- Commenter