Habib Mellakh: Lassaad Jarda Chabbi ressuscite André Nagy
Par Habib Mellakh - Joueur du Club Africain au début des années 80, Lassaad Jarda Chabbi a fait sa carrière de footballeur en Autriche avant d'entraîner à partir des années 2000 plusieurs clubs autrichiens où il a toujours fait honneur à sa bonne réputation. Il a rejoint, au début de la saison actuelle, le championnat de la Ligue 1 tunisienne en tant qu’entraîneur de l’Union Sportive Monastirienne qu’il a, avec peu de moyens, propulsée, en une année, dans la cour des grands alors qu’elle a failli être reléguée en Ligue 2 la saison dernière.
Dans le monde du football dévoyé par l'argent, l'entraîneur de l'US Monastir est un grand monsieur. Il fait honneur à son métier et à la Charte du sportif. A l’issue de la demi-finale de la Coupe de Tunisie remportée par les siens, Lassaad Jarda s’est déclaré fier de la prestation des siens et Il a vanté en même temps les grandes qualités de son adversaire. De ces déclarations d'après match dont on n’est plus coutumier, de ces leçons de professionnalisme, de fair-play, d'humanisme et d'humilité, on en redemande !
Dinosaure en voie d’extinction dans le paysage footballistique tunisien, Il vient d’en administrer une nouvelle fois la preuve à la suite de la finale de la Coupe de Tunisie. Dans une superbe et émouvante déclaration à l’issue de la rencontre, l’ancien joueur clubiste n’a pas tari d’éloges sincères au sujet de l’EST mais il a, surtout et d’emblée, rendu un magnifique hommage à feu André Nagy, son ancien entraîneur au Club Africain à qui il a dédié la victoire et auquel il exprime sa reconnaissance et sa gratitude : « Un Monsieur qui m’a tout appris et auquel je dois tout, comme entraîneur », a-t-il dit.
Naïf, j’ai imaginé les journaux et les sites électroniques tunisiens titrant ou sous-titrant le lendemain du match: « Lassaad Jarda rend hommage à André Nagy, l’entraîneur emblématique du Club Africain ».Je suis resté sur ma faim. La presse cherche aujourd’hui le buzz et elle défend de moins en moins les valeurs. A la place de nos journalistes, j’aurais profité de cet hommage pour rappeler aux Tunisiens de ma génération et pour dire aux jeunes Tunisiens qu’André Nagy a réussi là où il est passé. J’aurais raconté à tous ces lecteurs comment il a marqué de son empreinte le club où il est passé, qu’il s’agisse du Club Africain où il a fait l’essentiel de sa carrière tunisienne et avec lequel il a remporté des titres, du Sfax Railway Sports, parrainé par la SNCFT et dont il a fait un grand club ou du Stade Tunisien de Hédi Enneifer, sevré de titres à l’époque. Je leur aurais parlé de sa détermination, de sa rigueur d’entraîneur à cheval sur la discipline et sur les principes, à une époque où ces vertus avaient un sens pour les Tunisiens. Je leur aurais dit qu’il a su inculquer ces valeurs à ses poulains. Je leur aurais confié qu’il a écarté de l’équipe un joueur pour son indiscipline en dehors du terrain, rien que pour l’avoir vu griller un feu rouge. Aujourd’hui il aurait été pris pour un extraterrestre.
André Nagy faisait de joueurs inconnus des vedettes. Il a échoué le jour où il a entraîné des vedettes en prenant en mains les destinées de l’Equipe de Tunisie de 1974 à 1975. Abdelmajid Chetali prendra son relais et il sera l’un des héros de l’épopée argentine.
Merci à Lassaad Jarda Chabbi de ressusciter André Nagy, incarnation des valeurs perdues !
Habib Mellakh
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