Consultation nationale: ce que nous disent les Tunisiens
Bien que de portée réduite, n’ayant reçu que 534.915 répondants (dont 5.837 seulement à partir de l’étranger, pour 8 millions de Tunisiens inscrits au registre électoral et 3 millions de votants en 2019, la consultation nationale par voie électronique ne manque pas d’indicateurs à prendre en considération. Par définition, une enquête d’opinion, qui fige un instant précis, ne pourrait que « réduire les facteurs d’incertitudes » dans l’exploration des perceptions / images et positions du public sondé.
Partant de cette conception très large, et sans s’attendre, dans le cadre de cette consultation, ni à une base de sondage soigneusement construite, ni à un redressage des résultats par rapport aux caractéristiques démographiques, socio-professionnelles et autres, les limites sont claires. Il ne s’agit, à travers les résultats, que d’un constat non-représentatif, mais instructif.
La consultation a porté sur six thématiques à savoir : l’aspect politique et électoral, l’économie, le social, le développement durable, la qualité de vie et l’aspect éducatif et culturel. Ouverte pendant 65 jours, du 15 janvier au 20 mars 2022, elle a connu un rythme soutenu de réponse pendant les derniers jours, sous la relance des pouvoirs publics.
Des réponses tranchantes
Que nous disent les plusd’un demi-million de Tunisiens qui ont participé à cette enquête ? D’abord, leur attachement à un Etat de droit (70,4%), à un régime présidentiel (86,4%), à un scrutin uninominal (70,7%) et au principe du retrait du mandat électif (92,2%).
Principales réformes institutionnelles que demandent les répondants sont la révision de la loi électorale (60,8%) et de la loi sur les associations (44,4%), l’amendement de la constitution (38,0 %) et une nouvelle constitution (36,5%)
Aussi, la gestion du culte doit relever de l’Etat et de l’Etat seulement (80,7%).
Les répondants sont sévères dans leur appréciation de la magistrature : elle n’a pas assuré l’instauration de la justice escomptée (75,7%). Ils déplorent également le sous-équipement des hôpitaux ainsi que le manque de médecins et de médicaments, le très peu d’espaces culturels et de loisirs, l’inadéquation des programmes éducatifs, l’encombrement des transports publics, la vétusté de la flotte, la dégradation de l’infrastructure et autres manquements. Ils se sont également exprimés avec des réponses tranchées sur les différentes questions posées par la consultation.
Ce qui est important dans l’analyse des résultats, bien que non représentatifs de l’avis de tous les Tunisiens, c’est le taux enregistré par chaque réponse à la question posée. Cette topographie dessine ainsi une tendance à prendre en considération (en tant que telle). Malgré ses limites, la consultation fournit des éclairages à ne pas négliger et sert de base à un observatoire qui doit s’instaurer dans la durée pour mesurer l’évolution de l’opinion des répondants.
Synthèse des résultats
Ci-après en synthèse les principaux indicateurs issus de la Consultation. Le texte intégral du rapport d’enquête est téléchargeable à partir de ce lien.
1- Quel avenir aimeriez-vous pour la Tunisie ?
• Un état de droit (70,4%)
• Emploi, liberté, dignité nationale (31,2%)
2- L’aspect politique et électoral
• Le régime politique préféré
- Présidentiel (86,4%)
• Mode de scrutin préféré
- Scrutin uninominal (70,7%)
• Retrait du mandat électif
- Pour (92,2%)
• Principales réformes institutionnelles
- Révision de la loi électorale (60,8%)
- Révision de la loi sur les associations (44,4%)
- Amendement de la constitution (38,0 %)
- Une nouvelle constitution (36,5%)
• Le rôle de la magistrature dans l’instauration de la justice
- Elle n’a pas assuré la justice escomptée (75,7%)
• Qui doit assurer la gestion du culte
- L’Etat, seulement (80,7%)
3- L’aspect économique
• La solution du problème économique et social au niveau local
- Oui, c’est possible au niveau local (75,1%)
• Les causes de la récession économique dans votre région
- La corruption et le népotisme (54,1%)
- L’absence d’un modèle de développement intégral et équitable (53,1%)
- La mauvaise gestion et l’inefficacité (44,2%)
- La dégradation de l’infrastructure (32,6%)
- Le manque ou l’absence de la culture du travail (25,8%)
- La concurrence malhonnête, comme le commerce parallèle (19,2%)
• Quels sont les secteurs les plus porteurs pour le développement
- L’agriculture (76,9%)
- Les industries manufacturières (38,5%)
- Les services du commerce (24,7%)
• Avez-vous entrepris la création d’un projet
- Non (53,7%)
• Quels sont les obstacles qui entravent la création d’un projet
- Les difficultés d’obtenir les autorisations et la complexité des procédures (57,4%)
- L’accès au financement (56,5%)
4- L’aspect social
• Les établissements publics remplissent-ils leur rôle dans la réalisation des besoins des citoyens
- Non ! (63,2%)
• Quelles sont les solutions pour résorber le chômage ?
- L’incitation à la création d’entreprises et le travail indépendant (74,9%)
- La mise à niveau du demandeur d’emploi (43,9%)
- L’incitation à l’embauche dans le secteur privé (41,4%)
- Le recrutement dans la fonction publique (25,7%)
- L’émigration (15,1%)
• Quels sont les principaux problèmes auxquels fait face la famille ?
- Financiers (63,7%)
- Santé (18,2%)
• Quels sont les principaux problèmes auxquels font face les enfants ?
- Le faible encadrement familial (59,9%)
- L’absence de lieux de loisirs et de culture (49,8%)
- L’addiction aux drogues (44,6%)
- Le décrochage scolaire (38,8%)
• Quelles sont les lacunes sociales qu’éprouvent les personnes âgées et les porteurs d’un handicap ?
- L’absence de structures de prise en charge spécialisés (54,7%)
- Le faible soutien pour une prise en charge au sein de la famille (54,1%)
5- Le développement durable
• Les priorités en matière d’énergie
- Le recours aux énergies renouvelables (61,9%)
- La réduction des frais de raccordement et de consommation (55,1%)
- Les priorités en matière d’eau
- L’amélioration de la qualité de l’eau (65,4%)
- La réduction des coupures d’eau (50,3%)
• Comment promouvoir l’agriculture dans le cadre du développement durable
- Par la valorisation des produits locaux (56,9%)
- Par la promotion et le soutien de l’agriculture biologique (50,20%)
• Quelle serait la principale mesure pour améliorer l’environnement ?
- L’amélioration des programmes de gestion et de valorisation des déchets (54,8%)
• Quel est l’impact des changements climatiques dans la région ?
- Une menace pour la sécurité hydraulique (47,5%)
- Une menace pour la sécurité alimentaire (45,7%)
- Des risques de sécheresse et d’inondations (40,0%)
6- La qualité de vie
• Quelles sont les mesures à prendre pour améliorer les soins de santé ?
- Equiper les établissements de santé (80,5%)
- Renforcer le staff médical, notamment par des spécialistes (54,7%)
- Fournir les médicaments en quantités suffisantes (52,8%)
• Quelle appréciation de la qualité des transports publics ?
- Manque de moyens de transport (58,3%)
- Encombrement dans les stations et les moyens de transport (48,9%)
- Longues attentes et irrégularité des fréquences (34,1%)
• Quels sont les espaces récréatifs et pour les jeunes qui manquent dans les régions ?
- Parcs et parcours de santé (53,6%)
- Des salles de cinéma et des théâtres (49,0%)
- Des terrains de sport (45,3%)
• Quelle appréciation des services administratifs en ligne ?
- Interruptions fréquentes des connexions et services (42,9%)
- Très peu de services en ligne (40,6%)
- Manque de moyens de paiement en ligne (32,1%)
• Ce qui freine l’accès aux services électroniques ?
- La connexion à l’internet (36,5%)
- Le paiement en ligne (31,9%)
- La maîtrise de l’utilisation des services numériques (24,1%)
7- L’aspect éducatif et culturel
• Quels sont les principaux problèmes du dispositif éducatif ?
- Le contenu des programmes et leur inadaptation (62,6%)
- L’infrastructure dégradée (38,8%)
- Le manque d’équipements et d’instruments pédagogiques (35,1%)
• Quels sont les principaux problèmes pour les crèches et jardins d’enfants ?
- Le recrutement de cadres nonspécialisés (48,1%)
- Le coût élevés (40,1%)
- L’absence de contrôle (37,1%)
• Quelles mesures pour l’insertion professionnelle ?
- Des programmes pour le développement des qualifications (52,4%)
- L’actualisation des spécialités et la coordination avec l’université et l’entreprise (47,8%)
- La concentration sur la demande des marchés internationaux (40,8%)
• Quelles entraves à la participation aux activités culturelles et artistiques ?
- Le manque d’espaces culturels (64,7%)
- Le manque de galeries d’expositions (44,6%)
- Le coût élevé des billets d’entrée (30,4%)
• Quels sont les sources d’information ?
- Les réseaux sociaux (67,1%)
- Les chaînes télé (57,0%)
- Les stations radio (44,0%)
Télécharger le rapport intégral de la consultation nationale
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La consultation nationale n’est ni une élection, ni un référendum. Donc les pourcentages (taux de participation) valent ce qu’ils valent. En fait, qui est concerné ? • Sur une population de 12 millions, • 7 millions sont majeurs, • Parmi ces derniers, au maximum 2, peut-être 3 millions, peuvent accéder à la consultation. Donc, dans tous les cas, un nombre absolu de 500 000 participants, ce n’est pas rien et c’est même très significatif d’un point de vue statistique. Pourquoi ? 1. Les questions ne sont pas du tout orientées, au contraire, elles sont pertinentes. Exemples importants : a. Régime politique : présidentiel, parlementaire, mixte, b. Code électoral législatif : par listes, uninominal, c. La constitution : nouvelle, amendement, garder la même. 2. Cette consultation correspond à un sondage statistique 3. Avec échantillon de type aléatoire : n’importe qui, peut participer, partisan ou pas, 3. Et dans ce cas c’est la loi des grands nombres qui gouverne: 4. Un échantillon de 2000 participants, par gouvernorat, est suffisant pour assurer une précision remarquable des résultats 5. Donc 50000 au niveau national. En conclusion : cette consultation est loin de faire le pschitt (espéré de certains), c’est l’inverse. Et on savoure déjà les magnifiques résultats de cette excellente initiative présidentielle. Car qu’on le veuille ou non, cette consultation débouche sur une photo précise et complète de la population et de la société tunisienne.