Tunisie: la liberté d’expression muselée pour cause de mort
Par Monji Ben Raies - La plus belle histoire du langage, c’est la création et l’apparition des mots et l’expression des objets, des personnes, des idées."Au commencement était le verbe… "(prologue de l’Evangile de saint Jean).La puissance active du verbe aurait créé le monde à partir de rien, selon un processus de ‘’Creatio ex nihilo’’. Lorsque le verbe originel cesse de retentir, les formes matérielles cessent d’exister et se désagrègent ; et l’on peut donc dire que la matière, la forme matérielle, est du verbe, l’expression de la pensée et de la parole. Toutes les formes matérielles sont des créations spirituelles, c’est-à-dire de la pensée, et sans la pensée aucune forme ne peut exister. Même l’Homme, ne peut rien construire sans imaginer ou penser au préalable ; et ceci est valable en ce qui concerne la fabrication d’objets ou de machines, mais également en ce qui concerne les différentes institutions ou organisations ; tout est de la pensée cristallisée. Mais pour créer, il faut savoir. C'est pourquoi le Verbe possède aussi la Sagesse. Il extrait et assimile la quintessence des formes et du travail accompli, acquérant ainsi la connaissance et le pouvoir. Cependant bien des hommes sont encore dans les ténèbres et ne reçoivent pas, ou ne veulent pas recevoir, la lumière de l'Esprit, se contentant simplement de l’usage de la force et de la contrainte. C’est tout dire de la puissance des mots et du pouvoir de l’expression quand celle-ci est libre et non commandée.
Liberté est un mot puissant
Les fractures sociales, culturelles, et territoriales qui marquent notre société éloignent les Tunisiens les uns des autres. Elles minent leur confiance en leurs pairs et en l’avenir. Leur sentiment d’appartenir à une communauté de destin est de plus en plus ténu. Mais ceci n’a rien d’irrémédiable. Les forces de la division sont puissantes, mais elles ne sont pas invincibles. Mieux comprendre ces mécanismes antagonistes, c’est faire renaitre un chemin commun et contribuer à unir les concitoyens entre eux pour affronter ensemble les défis du temps présent. A rebours des analyses déclinistes auxquelles ils se sont habitués, il leur faut un point de départ pour expérimenter des projets à même de les rassembler de mettre en contact tous ceux qui agissent pour rendre leur démocratie plus forte face à la tentation du repli. Les libertés pour la concrétisation desquelles des hommes et des femmes ont lutté sont leur trait d’union et parmi elles, celle d’expression, d’opinion et de pensée.
Liberté est un mot puissant, capable d’ébranler des montagnes, mettre à bas les adversaires les plus puissants et générer une résurrection. Sa seule évocation fait peur à tous les autocrates et les désarme. Face à elle ils ne peuvent rien sinon user de contrainte et de violence, les armes des faibles, inutilement, car ils n’ont aucun pouvoir sur elle. Grâce à ce mot, une personne n'est pas sous la dépendance de quelqu’un et n'est pas enfermée dans une forme de captivité contre son gré. Il est aussi cette possibilité d'agir sans contrainte en toute autonomie, disposer du pouvoir de décision et d'action.
Lorsque l’on évoque le quatrième pouvoir, ces moyens de communication qui servent de contre-pouvoir face à l'État, c’est un creuset dans lequel se mêlent à la fois, la liberté d’opinion qui est une liberté individuelle que l’individu exerce seul, et des libertés collectives, comme la liberté d’expression, la liberté de pensée, liberté d’écriture, de presse et de communication, la liberté de conscience et de croyance, aussi. Ce sont des choix fait par un individu des valeurs et/ou des principes qui vont conduire son existence et de la liberté d’agir en fonction de ses convictions. Ces libertés font partie des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République ;
La liberté d’expression, fondement majeur d’une société démocratique
La liberté d’expression a un coût, d’abord humain, qui pèse lourdement sur ceux qui prennent la responsabilité de parler sans complaisance. Les journalistes, les lanceurs d’alerte et les citoyens engagés, qui prennent la parole ne craignent plus seulement pour leur réputation et leur carrière, mais aussi pour leur intégrité physique et morale. Sous la pression des groupes d’intérêts mafieux et des intérêts factieux, des lois liberticides et des pratiques arbitraires se multiplient dans l’indifférence générale, y compris de l’État et son personnel politique corrompu. Partout dans le monde, la liberté d’expression recule, les Etats et leurs représentants étant également prêts à criminaliser le journalisme d’investigation quand il fait son travail. Les lois qui encadrent la liberté d’expression, de pensée et d’opinion, au nom des meilleures intentions du monde, non seulement censurent, punissent et envoient en prison, mais génèrent une véritable armée de réserve de groupes d’intérêts spéciaux, de supplétifs de police et d’associations paraétatiques instrumentalisant la justice pour dresser et faire taire les voix discordantes et dissidentes. L’État protège l’ordre établi alors qu’il se doit de protéger l’exercice de la liberté d’expression car elle appartient à tout citoyen, et que la contrainte ne peut pas convaincre les individus, mais seulement les faire taire un temps. Seul le débat public, l’éducation et l’échange d’idées peuvent faire progresser les Hommes, les sociétés et les civilisations. John Locke, dans ses écrits sur la tolérance en 1689, défendait l’idée de la nécessité de protéger le pluralisme raisonnable au sein de la société. Protéger l’exercice de la liberté d’expression suppose aussi de protéger l’indépendance des médias, y compris du pouvoir politique. Mais Le régalien est en crise, et l’État s’est perdu dans le clientélisme le plus démagogique, le plus populiste et le plus irrationnel.
Pour la Cour européenne des droits de l’Homme, « la liberté d’expression constitue l’un des fondements essentiels d’une société démocratique, l’une des conditions primordiales de son progrès et de l’épanouissement de chacun ». L’article 11 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 en fait « l’un des droits les plus précieux de l’Homme ». Aujourd'hui, la liberté d'exprimer ses opinions est une des premières libertés politiques. L’article 10 de la Convention européenne des droits de l’Homme, prévoit que « toute personne a droit à sa liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière ». La liberté d’expression implique aussi pour la Cour, la protection des sources journalistiques ou des organismes de presse. Elle fait partie des libertés les plus essentielles et n’est pas soumise à une autorisation préalable pour s’exercer. Toutefois, il est dit que la liberté de la presse doit respecter les contraintes de l’ordre public. Il serait alors légitime d’interdire l’expression de certaines idées outrageantes (apologie du racisme, de la violence, ...), de porter atteinte à la vie privée ou de proférer injure ou diffamation.
La liberté d’expression concerne également la communication audiovisuelle, communication au public de service de radio ou de télévision. Cette liberté s’oppose à toute idée de monopole ou de censure, notamment de la part de l’Etat. Paradoxalement, en matière de cinématographie le droit de la plupart des Etats prévoit un régime d’autorisation préalable à la diffusion des films, délivrée par les autorités ayant en charge l’acculture ; celles-ci ont ainsi la possibilité de restreindre la diffusion de films en fonction de catégories d’âge ou en raison d’apologie de la violence ou du racisme, du terrorisme ou de la guerre comme dans le cas de la liberté de la presse. Les activités de télécommunication doivent désormais s’exercer librement, mais sous l’autorité d’un organe de régulation des communications audio-visuelles, électroniques et numériques. En Tunisie, la Haute Autorité Indépendante de la Communication Audiovisuelle (HAICA) est sensée œuvrer à la régulation et à l’instauration d’un nouveau mode de gouvernance de l’audiovisuel.
C’est une instance constituée, créée par le décret-loi n° 2011-116 du 02 novembre 2011, relatif à la liberté de la communication audiovisuelle, et dotée d’un pouvoir réglementaire et consultatif dans le secteur de l’audio-visuel. (Voir l’affaire ‘’Persépolis’’ et la Chaîne de télévision Nesma TV 2011-2012). Il est à déplorer que la liberté acquise au lendemain du soulèvement de 2011 soit tombée otage d’une pensée unique. Jusque-là, les médias qui se respectaient avaient réussi à garder une certaine indépendance et une liberté de ton. Beaucoup commencent à s’inquiéter du monopole de la vie politique concentré entre les mains du Chef de l’Etat. Depuis le 25 juillet 2021, le traitement médiatique est devenu à sens unique, formaté en fonction d’une seule vision et d’une seule conception, contrevenant au principe de pluralisme. Cette situation empêche la presse de jouer pleinement son rôle historique de réel pouvoir, qui consiste à expliquer sans prendre parti, analyser en toute impartialité et surtout vérifier toute information. Finalement, l’auditeur et le téléspectateur ou le lecteur doivent construire leur propre idée sans tuteur ou maître-à-penser. Or, le Chef de l’Etat, promeut sa vision dichotomique manichéenne du monde, contre la corruption politique et financière et donc favorables à l’ensemble des décisions du Président, et tous les autres, assimilables aux corrompus. Une telle attitude renforce la défiance à l’égard de ce qui pourrait être un quatrième pouvoir, et, pousse les journalistes à prendre parti et à trahir leur métier.
Les entraves des libertés d’expression, d’opinion et de presse
La liberté d’expression ne peut contrarier la sécurité nationale et/ou l’ordre public. Elle est incompatible avec des propos diffamatoires, des injures, l’appel à la violence, sur des procès en cours, au nom du secret de l’instruction ou du respect de la vie privée, … ; ces faits sont interdits et sanctionnés. Le recours à la morale peut parfois justifier une limitation de la liberté d’expression. Par ailleurs, les fonctionnaires sont tenus à une obligation d’impartialité et de neutralité, mais aussi à une obligation de modération et de réserve.
Principaux boucliers contre la désinformation, les libertés d’expression, d’opinion et de presse, sont gravement entravés dans 73 des 180 Etats figurant dans le classement établi par ‘’Reporters Sans Frontières’’ dans son rapport de 2021. Le journalisme, est quant à lui, totalement ou partiellement bloqué dans 73 % des pays évalués par l’association, soit 130 Etats sur 180 et est restreint dans 59 Etats. Le journalisme est par conséquent dans une “situation difficile”, voire “très grave” et l’exercice de la profession est considéré comme “problématique” et à haut risque. Le blocage du journalisme est révélé par les restrictions d’accès et les entraves à la couverture de l’actualité, dont l’indicateur a enregistré une dégradation flagrante. Les journalistes sont confrontés à des fermetures d’accès au terrain, comme aux sources d’information. Ils sont aussi confrontés à une difficulté croissante pour enquêter et faire des révélations sur des sujets sensibles, en particulier en Asie et au Moyen-Orient, ainsi qu’en certaine parties de l’Europe. Pour exercer leur métier, les journalistes européens font face à des menaces multiples et variées. L’affaiblissement de l’état de droit, les violences, la crise numérique et économique menacent de détruire les derniers ressorts de l’information indépendante. Comme c’est le cas en Tunisie, dans certains pays d’Europe (Hongrie, Pologne, Bulgarie), la mainmise des pouvoirs publics sur la justice produit des effets néfastes sur la liberté de la presse. Certains tribunaux utilisent le code pénal pour condamner des journalistes, accusés de diffamation, à des peines pouvant aller jusqu’à un an de prison, renforçant ainsi un climat d’autocensure, déjà latent. Les journalistes se retrouvent confrontés aux violences des forces de l’ordre ou de manifestants en colère.
Il est malheureux de constater combien le meurtre de journalistes connus devient chose courante de nos jours ; il n’est plus rare de voir l’actualité entachée du sang de la presse. C’est l’assassinat d’une reporter palestinienne par un sniper de l’armée israélienne, parce qu’elle leur paraissait jouer les mouches du coche ; c’est aussi le meurtre d’un journaliste jordanien abattu devant un tribunal jordanien, alors qu’il était poursuivi en justice pour « insulte à la religion » et « incitation à la discorde confessionnelle » au titre de la législation nationale sur le blasphème, parce qu’il avait partagé une caricature considérée comme offensante pour l’islam ; En Turquie, le 25 avril 2019, six journalistes, sont mis en prison. En Irlande du Nord, une journaliste de 29 ans était abattue dans la nuit du 18 au 19 avril 2019. En Birmanie, en décembre 2017, des reporters de Reuters ont été arrêtés et condamnés à sept ans de prison ; et bien d’autres encore…De très nombreux journalistes et militants ont été arrêtés et incarcérés au titre de dispositions pénales qui réprimaient la diffamation de la religion, des régimes politiques et d’autres institutions d’Etats. En une année 49 écrivains et journalistes ont été exécutés, dont 8 en France. Emprisonnés, persécutés, nombreux sont ceux qui sont encore menacés. Ce phénomène est souvent la conséquence de campagnes de haine et de la perte de confiance de la population envers la profession. Les menaces numériques comme la cyber violence et la surveillance électronique contribuent à fragiliser le métier de journaliste sur tous les continents, y compris dans les pays les plus respectueux des libertés. Le cyber harcèlement, des menaces ou des messages de haine en ligne se développent. La remise en question du secret des sources menace le journalisme en Europe. En Allemagne, ont été proposés par le gouvernement, une disposition criminalisant le traitement des données divulguées, ainsi qu’un projet de loi permettant aux services de renseignement allemands de pirater des ordinateurs et des smartphones des particuliers.
En Roumanie, un détournement de l’esprit du règlement européen sur la protection des données (RGPD) permet aux autorités, ainsi qu’à des entreprises ou des particuliers de poursuivre en justice les médias ayant publié des articles d’investigation. Dans toute l’Europe centrale et orientale, le journalisme audiovisuel est affaibli par les attaques des gouvernements contre l’indépendance éditoriale des médias publics. L’examen de la situation dans le monde indique que plusieurs crises concomitantes affectent l’avenir du journalisme indépendant, auxquelles s’est désormais ajoutée la crise sanitaire et économique, ce qui permet aux pays les plus autoritaires d’accentuer leur répression contre la presse, empêchant les journalistes d’exercer cette fonction essentielle d’être les tiers de confiance des sociétés. L’opacité de certains Etats ainsi que l’invasion de l’Ukraine par la Russie, sont criants des difficultés du métier de journaliste et de l’importance qu’il revêt pour informer correctement la société.
Les journalistes sont en première ligne dans des conflits et des situations mettant en péril leur intégrité physique et mentale
Les peurs nourrissant le pouvoir en place, la censure est l’une des conséquences les plus tangibles de ce terrible constat. Or le journalisme a aussi vocation à défendre la transparence et à demander des comptes. Les journalistes peuvent être victimes de stratégies visant à les faire taire lorsqu’ils menacent les intérêts de groupes tout-puissants ou qu’ils dénoncent les agissements de gouvernements ou de personnalités de premier plan. Ce sont autant de raisons pour lesquelles ils devraient impérativement être protégés, chose pas toujours évidente. Les victimes représentent chacune les meurtrissures de la démocratie, suite aux attaques perpétrées contre la liberté d’expression ; elles envoient un message très inquiétant relativement à la situation de cette liberté sacrosainte, dans le monde. Ces voies de fait visent des personnes qui expriment pacifiquement leurs opinions, quand bien même elles seraient impopulaires.
Nul ne devrait être molesté et/ou emprisonné pour avoir partagé une caricature ou une opinion n’incitant pas à la violence, même si certains considèrent qu’elle est offensante. Il ne peut y avoir de floraison littéraire, de culture de la paix véritable, ni de justice sociale dans le monde, si la liberté d'expression n'est pas respectée et protégée, car cette liberté est très fragile et en grand danger dans de nombreux États. Persécutés, menacés de mort, privés de liberté, des centaines voire des milliers d'écrivains, de lanceurs d’alertes et de journalistes sont sur la route de l'exil ou dans des geôles. La violente répression qui a touché une vingtaine de journalistes, dont des correspondants étrangers, qui couvraient des manifestations contre le président Saïed, en février 2022, met l’accent sur le risque de dilution des acquis de la révolution tunisienne. Le secteur médiatique tunisien est en trop lente transformation et les évolutions politiques récentes marquent un virage autoritaire qui impacte directement la presse tunisienne et menacent la liberté d’expression qui fut pourtant le premier acquis de la révolution tunisienne. La Tunisie est embourbée dans une crise politique qui s’est accentuée depuis le 25 juillet 2021, suite à l'imposition de mesures exceptionnelles par le président Kais Saied, Depuis lors, les journalistes, les militants des droits de l'Homme et les organisations de médias tunisiens ont fait l'objet de restrictions, de persécutions sécuritaires, d'arrestations et de harcèlement judiciaire.
Qui sont les pires prédateurs de la liberté d’expression et d’opinion?
Après l’épisode Charlie Hebdo, la liberté d'expression a été décapitée. La mort par décapitation d’un professeur d’histoire-géographie, qui faisait un cours sur la liberté d’expression, et qui avait présenté les caricatures de Mahomet, publiées par Charlie Hebdo, et qui avaient servi de prétexte aux attentats terroristes de 2015. L’intolérance venait de franchir un nouveau seuil et ne semblait reculer devant rien pour imposer toute son horreur par la terreur. Les pires prédateurs de la liberté d’expression et d’opinion sont toujours des pouvoirs politiques arbitraires et intolérants ou des acteurs non-étatiques ultra-violents, tels que des groupes d’individus fanatiques et obscurantistes, et des organisations criminelles ou des grands crimes organisés. Les écrivains et journalistes sont assassinés ou pris en otage partout dans le monde. Porteurs de rêves et d’aventures, témoins des réalités humaines, ils sont agressés, torturés, emprisonnés, portés disparus ou contraints à l’exil à cause de leurs écrits ou de leurs paroles. Ils sont bâillonnés, réduits au silence, condamnés à un mutisme sépulcral. Tuer l’auteur dont les mots, les paroles, les chants et les dessins dérangent est l’ultime forme de la censure. Le sang ne cesse de couler pour d’autres collègues, et la plume comme le crayon continuent d’être confisqués, brisés, bannis. Des auteurs et des reporters surtout sont mis à mort en toute impunité pour la plupart des cas. L’ombre de la menace, de la complicité et de la complaisance plane.
Les voix sont brisées, si fragiles dans la nuit glaciale de l’indifférence, du silence et de l’oubli. Toutes les victimes de ces attaques barbares et criminelles contre la liberté d’expression et de la presse crient à l’injustice. Ils sont morts parce qu’ils ont tenté de combattre l’obscurantisme en suscitant le débat d’idées au sein des sociétés ; morts pour avoir porté haut ce qui doit fonder nos sociétés, nos États et la République, la voix de la raison, l’exercice du sens critique, la liberté d’expression et d’opinion, la tolérance, l’éveil des consciences, la promotion des idées humanistes. Ils ont été livrés par quelques-uns à la vindicte d’illuminés, à la haine sanguinaire d’ignorants fanatiques, et cela même parce qu’ils vivaient et faisaient leur métier dans leurs pays, dans leurs villes. Ils sont morts en tant que professeurs, reporters, journalistes et c’est à travers eux toutes ces professions que les extrémistes de tout poil ont tenté de tuer en un seul coup porté. En raison de cela, le rayonnement de la culture humaine, la transmission des idées de tolérance et de tempérance, le débat d’idées doivent perdurer dans l’accomplissement des missions de vérité.
L’UNESCO, dont le mandat défend la liberté d’expression et la liberté de la presse
En matière de protection et de défense, l’UNESCO est la seule institution de la famille des Nations Unies dont le mandat concerne la défense de la liberté d’expression et la liberté de la presse. En effet, l'article 1er de son Acte constitutif déclare que l'Organisation se propose «d'assurer le respect universel de la justice, de la loi, des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion, que la Charte des Nations Unies reconnaît à tous les peuples». Pour y parvenir l’Organisation doit favoriser « la connaissance et la compréhension mutuelle des Nations en prêtant son concours aux organes d’information des masses et recommande, à cet effet, tels accords internationaux qu’elle juge utiles pour faciliter la libre circulation des idées, par le mot et par l’image…».
L’UNESCO a adopté la Résolution 29, « Condamnation de la violence contre les journalistes », lors de sa 29ème Conférence générale, le 12 novembre 1997. Ladite résolution invite le Directeur général à condamner l’assassinat et toute forme de violence physique commises contre des journalistes comme un crime contre la société, car il s'agit d'une atteinte à la liberté d'expression et, par conséquent, aux autres droits et libertés énoncés dans les instruments internationaux et exige des autorités compétentes qu’elles remplissent leurs devoirs qui est de prévenir ces crimes, d'enquêter à leur sujet, de les sanctionner et d'en réparer les conséquences. Depuis 2008, des rapports étaient préparés par le Directeur général donnant un aperçu général des cas d’assassinats de journalistes, de ceux condamnés et leurs suivis judiciaires. L'observatoire des journalistes assassinés de l'UNESCO a été développé dans le cadre du Plan d'action des Nations Unies sur la sécurité des journalistes et la question de l'impunité qui fournit une feuille de route globale pour la coopération entre toutes les parties prenantes concernées, y compris les organes des Nations Unies, les autorités nationales, les organisations nationales, régionales et internationales et les acteurs des médias. En 2018-2019, l'UNESCO a enregistré un total de 156 meurtres de journalistes dans le monde. L'impunité pour les crimes commis contre les journalistes continue de prévaloir.
Textes clés récents sur la sécurité des journalistes
La résolution A/RES/74/157 de l’Assemblée générale des Nations Unies (décembre 2019) reconnaît le rôle important du journalisme pour le développement durable et les sociétés démocratiques, condamne les attaques contre les journalistes et l’impunité pour les crimes contre les journalistes et « appelle les États à créer et à maintenir, en droit et en pratique, un environnement sûr et propice pour que les journalistes accomplissent leur travail de manière indépendante et sans ingérence indue, en tenant compte des dimensions genre ». En outre, la résolution demande aux États Membres de fournir, sur une base volontaire, des informations à l’UNESCO dans le cadre de la demande annuelle concernant les informations sur le suivi judiciaire des meurtres.
La résolution A/HRC/RES/45/18 du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies sur la sécurité des journalistes (octobre 2020), coparrainée par plus de 70 pays, aborde de nouvelles questions telles que les menaces extraterritoriales, les lois trop générales et vagues, les poursuites stratégiques contre la participation du public, les régimes d’accréditation, l’accès à l’information, la surveillance et les manifestations, tout en renforçant le langage sur les menaces sexistes contre les journalistes.
La résolution A/HRC/RES/39/6 du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies sur la sécurité des journalistes (octobre 2018).
La résolution A/HRC/RES/44/12 du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies sur la liberté d’opinion et d’expression (juillet 2020) appelle tous les États à prendre des mesures actives pour protéger la sécurité des journalistes, des travailleurs des médias et des défenseurs des droits de l’homme afin qu’ils puissent exercer leur droit à la liberté d’expression.
La décision 206 EX/Décision 5.I.B (2019) du Conseil exécutif de l’UNESCO reconnaît les mesures importantes prises dans la mise en œuvre du Plan d’action des Nations Unies et demande à l’UNESCO de continuer à diriger ce processus. La décision du Conseil de l’UNESCO sur le rapport de la Directrice générale sur la sécurité des journalistes et le danger de l’impunité (novembre 2018) a prié la Directrice générale de renforcer le suivi actuel de la sécurité des journalistes en alignant et renforçant les synergies avec l’Examen périodique universel et les rapports globaux sur l’indicateur 6.10.1.
Monji Ben Raies
Enseignant Universitaire
Juriste Publiciste Internationaliste et Politiste
Chercheur en Droit public et Sciences Politiques
Faculté de droit et des sciences politiques de Tunis
Université de Tunis El Manar
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