Hassan Hosni Abdelwahab 1883-1968
Il aura fallu attendre...42 ans pour que sorte la première biographie de Hassan Hosni Abdelwahab; le plus grand historien tunisien du XXème siècle. Un pavé de 600 pages où la longue carrière de cet autodidacte de génie touche-à-tout, cet écrivain prolixe, ce visionnaire et ce grand patriote qu'il fut, est passée en revue par l'historien, Jalloul Ridane, avec ses ombres (car il y en a eu) et ses lumières. Né en 1883 dans une famille "makhzénienne", son père était Caïd (l'équivalent de gouverneur), Hassan Hosni Abdelwahab fera lui-même carrière dans la haute administration, après avoir fait une brève incursion dans le monde des affaires en s'adonnant à l'import-export, en créant une banque, la banque commerciale arabe et en rédigeant un livre sur les bases des sciences économiques. Pus tard, en 1958, lorqu'il fut question de créer une monnaie nationale, c'est à lui que le Gouverneur de la Banque Centrale, Hédi Nouira, fera appel pour rédiger un livre sur "l'histoire des monnaies arabes en Tunisie," une manière de préparer les esprits à cette mesure. Il s'en acquittera avec beaucoup de brio. Il trouvera même le temps de s'impliquer dans le mouvement associatif, en créant la première association sportive tunisienne, "La Musulmane"...et de publier des recueils de nouvelles.
Tour à tour, Caïd à Gabès, à Mahdia puis à Nabeul, président de la Fondation des Habous, président des archives nationales, ministre de la plûme (troisième personnage de l'Etat !) de Lamine Bey et enfin, après l'indépendance, directeur de l'Institut National du Patrimoine (à l'âge de 74 ans !). Il s'acquittera des différentes tâches qui lui sont confiées en se compromettant le moins possible avec les autorités du protectorat. A l'INP, notamment qu'il dirigera de 1957 à 1963, il réussira, malgré son âge avancé, la prouesse d'ouvrir en l'espace de quelques années cinq musées islamiques malgré la modestie des moyens humains et matériels mis à sa disposition. Personnage tout en nuances, volontiers enclin aux compromis et non aux compromissions, il fera preuve de beaucoup de doigté lors de la crise des naturalisations, mais appuie imprudemment Thaalbi dans son différend avec Bourguiba et les jeunes loups du Destour. Ce sera sa seule maladresse. Dans les années 40, il sera ministre de Lamine Bey, ce qui ne l'empêchera pas de prendre, au lendemain de la bataille de Tunisie, la tête du mouvement pour le retour de Moncef Bey en créant le Comité Scientifique Tunisien. Pendant les années 52-54, il appuiera sans équivoque, la lutte de libération nationale avant de prendre pour Bourguiba contre Ben Youssef. Opportunisme ? oui, mais dans une certaine mesure, car une (grande) idée a toujours guidé son action, l'attachement à la nation tunisienne, à son identité, son histoire et son indépendance. Même lorsqu'il occupait les fonctions de Caïd, c'était l'idée qu'il avait toujours défendue. Il faisait partie de cette génération de Tunisiens qui ont toujours pensé que le protectorat n'avait aucun avenir dans le pays, mais essayaient, en attendant que le fruit mûrisse, d'en tirer le meilleur parti pour créer les conditions d'entrée de notre pays dans la modernité. L'autre apport de Hassan Hosni Abdelwahab, c'est sa conception de l'histoire. Celle-ci ne doit pas se limiter à une simple relation d'évènements, mais constituer une source d'enseignements pour l'avenir.
Mais cette carrière aussi riche soit-elle, ne l'a jamais détourné de ce qui sera la grande passion de sa vie : l'histoire, une passion ancrée dans ses gènes et qu'il avait héritée de son père. Il fera sa première conférence en 1905, à l'âge de 25 ans et succèdera à Béchir Sfar à la chaire d'histoire de la Khaldounia, en 1908. Il faut dire que ce début du siècle était une période bénie pour un historien avec les incidents du Jellaz, les mouvements sociaux et les prémices du nationalisme tunisien avec la naissance du mouvement Jeunes Tunisiens conduit par les frères Bach Hamba. Lecteur boulimique, ce parfait bilingue consacrera ses maigres économies à l'achat des journaux et des livres en provenance d'orient (en pleine effervescence nationaliste) et d'occident, à la veille d'importants évènements (la Grande Guerre de 14-18 et la révolution bokchévique). Au cours des années 20 et 30, Abdelwahab a été l'ambassadeur itinérant de la culture tunisienne à l'étranger, assistant à un nombre incalculable de conférences interarabes et internationales à Copenhague, Alger, Rabat, le Caire (où il présidera la délégation tunisienne à la première conférence de la musique arabe en 32) Paris et nouera des liens solides avec un grand nombre de dirigeants et intellectuels arabes et étrangers (le roi Abdelaziz d'Arabie Saoudite,Taha Hussein, El Akkad, l'Algérien Bencheneb, Massignon etc). En 1953, il recevra le titre de docteur honoris causa de l'université Fouad 1er du Caire. On lui doit notamment, "Khoulassat Tarikh Tounès", "Chahirat Etounissiyat " et d'innombrables articles parus dans les journaux et revues arabes réunis et publiés dans les années 80 sous le titre "Warakat"(feuilles éparses). Dans les années 2000, sortira son oeuvre-maîtresse, "Kitab El Omr", une somme historique et bibliographique sur la pensée et la culture, les belles lettres et les sciences de la Tunisie médiévale et moderne.
Le parcours de H.H Abdelwahab a été certes sinueux, parfois opaque, à l'image de cette époque trouble. Mais aussi quelle belle leçon de pragmatisme, de sagesse, de courage et de constance dans la fidélité à la patrie.
Dr Jalloul Ridane "Hassan Hosni Abdelwahab 1883-1968 Edit. Nirvana Tunis 24 DT
HB
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ça fait vraiment plaisir d'entendre parler des grands de notre pays.Certains ont été tellement ignorés que beaucoup de jeunes ne les connaissent pas.Mais l'histoire ne peut pas oublier les grands .....vrais historiens ...