News - 28.01.2024

Gaza – CIJ: «Risque réel et imminent de génocide» des palestiniens, une décision historique

Gaza – CIJ: «Risque réel et imminent de génocide» des palestiniens, une décision historique

Par Mohamed Larbi Bouguerra - Par la voix de sa présidente, la juge américaine Joan Donoghue, l’organe supérieur de la justice onusienne a estimé, vendredi 26 janvier 2024, que des mesures conservatoires doivent être actées face à la situation de la population de Gaza soumise à un pilonnage incessant de l’aviation sioniste alors qu’elle manque d’eau, d’aliments, de médicaments et de carburant. La Cour a effectivement reconnu qu’il existe un «risque réel et imminent de génocide» et qu’il faut donc défendre la population palestinienne et préserver ses droits. La présidente a affirmé que la Cour avait «conscience de la tragédie humaine en cours dans la région» et ordonné à Israël de «prendre sans délai des dispositions pour assurer les services de base et l’aide humanitaire» à la population de l’enclave palestinienne. L’ordonnance de la Cour répond à la demande sud-africaine de décision rapide face à la situation catastrophique de Gaza, un jugement sur le fond n’étant pas attendu avant des mois voire des années.
La Cour a autorisé la poursuite de l’affaire initiée par l’Afrique du Sud en décembre dernier accusant Israël de génocide, ce qui maintiendra probablement ce pays sous surveillance internationale pendant des années. La Cour a ainsi ajouté à la pression internationale exercée sur le Premier ministre Benjamin Netanyahu pour réduire la mort et la destruction dans l’enclave palestinienne dévastée. Netanyahou fait maintenant face à un terrible dilemme: répondre aux six questions de la Cour en dépit de l’opposition de ses ministres fascistes, suprémacistes et ultra Belazel Smotrich et Itamar Ben-Gvir, partisans d’une guerre sans fin contre les Palestiniens et piliers de la majorité du gouvernement; la chute de ce gouvernement devant exposer le premier ministre à la justice pour abus de confiance, corruption et fraude notamment dans le dossier «4000».

La première de ces questions adressées à Israël consiste à prévenir les actes consignés dans la Convention du Génocide, actes qui se caractérisent, vis-à-vis d’un groupe par: tuer des membres du groupe, provoquer des atteintes physiques ou mentales sérieuses aux membres de ce groupe, infliger délibérément à ce groupe des conditions de vie en vue de la destruction totale ou en partie de ce groupe et imposer des mesures pour empêcher des naissances dans ce groupe. La Cour demande aussi à Israël d’assurer que son armée ne commet pas des actes de génocide tels que décrits précédemment.

Immense défaite diplomatique pour Israël

Un cessez-le-feu n’a pas été décrété clairement comme le demandait l’Afrique du Sud mais la Cour, à une écrasante majorité, a formulé six mesures auxquelles Israël devra répondre dans un mois. Or, celles-ci ne sauraient être réalisées si le cessez-le-feu n’est pas instauré, estime Naledi Pandor, ministre sud-africaine des Relations Internationales, présente à la Haye vendredi. «Comment fournir de l’aide et de l’eau sans cessez-le-feu ? Si vous lisez l’ordre prononcé par la Cour, il implique qu’un cessez-le-feu doit être institué.» (Haaretz, 26 janvier 2024) Elle devait ajouter que la plainte sud-africaine «était une façon de s’assurer que les organismes internationaux exercent leur responsabilité de nous protéger tous, en tant que citoyens du monde global.»
Il faut relever à cet égard qu’Aharon Barak, le juge nommé par Israël à la CIJ a voté pour la mesure rappelant l’obligation faite à Israël de respecter la Convention de 1948 sur le génocide. Ce qui équivaut à reconnaître ce risque de génocide. Israël, dit la Cour, doit prendre «toutes les mesures en son pouvoir pour prévenir et châtier l’incitation directe et publique à commettre le génocide.»

Des déclarations incendiaires et des rapports irréfutables

Les juges de la CIJ ont rappelé les déclarations délirantes et incendiaires de plusieurs hauts responsables sionistes que Haaretz (26 janvier 2024) qualifie «des plus stupides de nos politiciens.» La CIJ a retenu ces ignobles paroles datant du 12 octobre d’Isaac Herzog, le président israélien, qui accusait les civils palestiniens de soutenir le Hamas lors de son attaque du 7 octobre: «C’est toute une nation qui est responsable. Tous ces beaux discours sur les civils qui ne savaient rien et qui n’étaient pas impliqués. Ça n’existe pas» ainsi que celles de Yoav Gallant, le ministre de la Défense en date du 9 octobre: «J’ai levé toutes les limites… Nous combattons des animaux humains… Nous détruirons tout.» Dans ses plaidoiries du 11 et 12 janvier à la Haye, l’Afrique du Sud jugeait «déshumanisants» ces propos des responsables israéliens.

Face aux paroles indignes de ces Israéliens, la CIJ a fondé sa décision sur les divers rapports et constatations signés par des organismes internationaux comme la lettre du 5 janvier 2024 du secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires de l’ONU, Martin Griffiths, décrivant la Bande de Gaza comme «un lieu de mort et de désespoir.» L’ordonnance rappelle un communiqué de l’OMS du 21 décembre 2023 qui s’inquiétait du fait que «93% de la population de Gaza, chiffre sans précédent, est confrontée à une situation de crise alimentaire»; en d’autres termes, la faim menace les Gazaouis.

Pour le journal conservateur israélien de droite the Jerusalem Post du 26 janvier 2024, par la déclaration de la CIJ ce vendredi, «la Cour n’a fait que dénigrer Israël pendant 35 minutes par la voix de sa présidente» mais ajoute que la Cour ne demande pas à Israël de retirer ses troupes puisqu’il n’y a pas de cessez-le-feu. Le quotidien relève, amer, que «le point pratique le plus troublant dans la décision pour Israël est la nécessité de faire rapport à la CIJ dans un mois, ce qui laisse la porte ouverte à un ordre plus sérieux à ce moment-là.» Pilule indigeste que cette ordonnance de la CIJ pour ce quotidien sioniste comme pour Netanyahou car il y a là une vraie débâcle diplomatique pour l’Etat du sionisme et de l’apartheid! Pourtant, jeudi, à la veille de la décision de la CIJ, le New York Times avait révélé que le gouvernement israélien avait fourni aux juges de la Haye une trentaine de documents déclassifiés, censés démonter l’accusation de génocide, parmi lesquels «des résumés de discussions ministérielles datant de la fin du mois d’octobre, au cours desquelles le premier ministre Benyamin Netanyahou a ordonné l’envoi d’aide, de carburant et d’eau à Gaza.» Mais, souligne le quotidien américain, ces documents «ne comprennent pas les ordres des dix premiers jours de la guerre lorsqu’Israël a bloqué l’aide à Gaza et coupé l’accès à l’électricité et à l’eau qu’il fournit habituellement au territoire.»

Il est clair que la décision de la plus haute instance judiciaire des Nations Unies va renforcer les appels au cessez-le-feu. Après plus de cent jours de combat et un effroyable bilan humain, Netanyahou n’a pas atteint son objectif d’éradiquer le mouvement de résistance dont les projectiles continuent d’empoisonner la vie à Tel Aviv et à Sdérot. Selon les Israéliens eux-mêmes, près de 70% des forces militaire de la résistance sont intactes. De plus, les familles d’otages maintiennent la pression sur le gouvernement au grand dam des ministres fascistes, jamais repus de vengeance et toujours pleins de la haine des «Arabes». Pourtant, un membre du cabinet de guerre israélien, Gadi Eisenkot, ancien chef d’état-major de l’armée israélienne, qui a perdu un fils et un neveu dans les combats à Gaza,  lui, est pour une cessation des hostilités. (Editorial, Le Monde, p.31, 28-29 janvier 2024).

Le ministre de la justice sud-africain Ronald Lamola a salué, quant à lui, «une victoire pour le droit international» ajoutant: «Israël ne peut être exempté du respect de ses obligations internationales.»

Vendredi à la Haye, Riyad al-Maliki, le ministre palestinien des Affaires Etrangères,  s’est réjoui de la décision de la CIJ et  a assuré l’Afrique du Sud de sa «reconnaissance éternelle.»

Reste à savoir si la communauté internationale va réagir pour faire respecter l’ordonnance de la CIJ pour protéger efficacement et définitivement le peuple palestinien.

Mohamed Larbi Bouguerra

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