La gouvernance des banques en Tunisie
Débattre de la gouvernance des banques et des institutions financières aujourd’hui, c’est aborder un champ d’étude et de recherche en pleine ébullition et toucher à un ensemble de pratiques en perpétuelle mouvance qui n’arrivent pas toujours, malgré les efforts déployés et la volonté affichée des différentes parties prenantes, à garantir une fiabilité sans faille des systèmes de gouvernance bancaire. Sans doute faut-il y voir une certaine acuité de ce thème face à la divergence des intérêts et à la gravité des conséquences d’une mauvaise gouvernance des banques, notamment celles cotées en Bourse ? Mais c’est surtout la responsabilité des acteurs concernés par la conduite des affaires d’une institution financière et leurs aptitudes à rendre compte de leurs actions qui sont discutées et font l’objet d’un débat houleux aussi bien dans le monde académique que dans le monde des affaires.
Sur le plan géographique, force est de constater que le thème de la bonne gouvernance mobilise l’ensemble des pays qui ont érigé la prospérité et les performances de leurs économies comme étant des objectifs d’intérêt suprême.
La gouvernance qu’on pourrait définir comme étant «le système par lequel une organisation est gérée et contrôlée» porte sur des enjeux énormes et aucun système économique ne peut occulter les recommandations et les guides de bonnes pratiques qui fleurissent aussi bien dans les pays développés que ceux en développement. Ces « bonnes pratiques » nécessitant, comme nous l’avons souligné, encore plus de perfection afin de réussir à endiguer tout risque de malversation, de destruction de valeur et de mauvaise gouvernance.
Dans cette dynamique, la Tunisie n’a pas tardé à prendre de bonnes initiatives dans l’objectif de réadapter son cadre législatif et d’améliorer la gouvernance de ses entreprises. La loi sur le renforcement de la sécurité financière votée en 2005 en est la parfaite illustration. Mais c’est surtout au niveau des banques et des institutions financières que l’adoption de bonnes pratiques de gouvernance et de transparence devient une priorité absolue dans la consolidation des acquis et le développement du système économique.
La crise financière et économique qui sévit encore au niveau international accentue ce constat, en démontrant la nécessité de renforcer la régulation et de promouvoir des normes de gouvernance, capables d’enrayer les prises de risques excessives et les destructions de valeur massives, qui ont ébranlé ces dernières années le capitalisme mondial et ont provoqué de retentissants scandales financiers et autres cas de faillites .
C’est dans ce contexte mouvant, d’ailleurs, que la Banque Centrale de Tunisie (BCT), guidée par sa nouvelle propre gouvernance, a publié en mai 2011 une nouvelle circulaire visant l’ensemble des établissements de crédit de la place de Tunis et définissant un ensemble de règles de bonne gouvernance devant être observées, dans l’objectif d’asseoir une gestion saine et prudente qui garantit la pérennité de ces établissements de crédit, tout en préservant les intérêts des actionnaires, des créanciers, des déposants et du personnel.
La BCT a confirmé, à travers la circulaire 2011-06, l’exigence d’une gouvernance optimisée en référence en même temps aux « best practices » au niveau international mais aussi aux particularités et aux spécificités du système bancaire tunisien. Ainsi, la séparation des pouvoirs de contrôle et d’exécution est bien recommandée, la gestion des risques est priorisée, la diligence et la compétence sont élevées au rang de valeurs cardinales, la gestion prudentielle est de mise et la pertinence de la communication financière et comptable est prônée dans le cadre de cette nouvelle réglementation.
Par ailleurs, force est de constater que le Conseil d’administration, en tant qu’organe majeur de gouvernance interne, redore son blason à travers ces dernières recommandations de la BCT et retrouve toute la place qu’il doit avoir dans un système de gouvernance bancaire qui se veut aussi bien disciplinaire que créateur de valeur.
Ainsi, la présence d’administrateurs compétents et indépendants est exigée, et leurs missions deviennent conséquentes en termes de contrôle, de supervision mais aussi de contribution et d’implication dans l’élaboration et le suivi de la mise en oeuvre des politiques stratégiques créatrices de valeur partenariale. Il devient donc urgent et important d’impulser encore plus cette nouvelle dynamique en apportant ainsi une expérience et un savoir-faire indéniables dans la formation et le développement des compétences des administrateurs tunisiens, mais aussi dans la réflexion et la diffusion des bonnes pratiques de gouvernance bancaire et financière en Tunisie.
Cependant, le principal enjeu se situe au niveau du degré d’applicabilité de cette circulaire et de la volonté (transformée en pratique ou non ?) de la BCT, appelé dans ce contexte post-révolutionnaire, à mieux jouer son rôle d’institution de régulation et à bien guider les banques tunisiennes vers le chemin de la bonne gouvernance et de la transparence.
M. J.
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Les récentes révélations sur les malversations dans les entreprises tunisiennes font que même un "smig" de bonne gouvernance est appelé de tous les voeux, mais il est à craindre que ces concepts subissent l'effet des phénomènes de mode sans impact réel sur la réalité